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Isotrétinoïne orale (anti-acné) : un carnet de suivi pour chaque patiente traitée

Nouvelles mesures bienvenues pour encadrer l’usage de ce rétinoïde face au risque majeur de malformations fœtales.

• En France, face aux effets tératogènes de l’isotrétinoïne (Procuta° ou autre), un antiacnéique, un cadre strict de prescription et de dispensation des spécialités à base de ce rétinoïde administrées par voie orale a été mis en place depuis plusieurs années : durée de prescription limitée à un mois chez les femmes en âge de procréer ; prescription et dispensation subordonnées notamment à l’emploi d’une ou deux méthodes de contraception efficaces par les patientes concernées, et au résultat négatif de tests de grossesse réalisés tous les mois et jusqu'à 1 mois après l'arrêt du traitement (1).

Trop de grossesses exposées à l’isotrétinoïne
• Malgré cela, les résultats d’une 4e enquête nationale de pharmacovigilance, menée de janvier 2003 à décembre 2006, ont montré une augmentation de l’incidence des grossesses exposées à l’isotrétinoïne, avec 147 notifications sur cette période (2,3). Selon cette enquête, la réglementation a été pleinement appliquée chez seulement 15 % des patientes traitées par isotrétinoïne orale : ordonnance conforme, information complète reçue par la patiente, délai entre prescription et dispensation respecté, contraception effective (3).

“Carnet-patiente” : un outil de liaison entre patiente et soignants
En 2009, suite à ces résultats, l’Agence française des produits de santé (Afssaps) a mis en place l’utilisation d’un outil de liaison et de suivi dénommé “Carnet-patiente”. Il est à remettre par le médecin à toute patiente en âge de procréer concernée par un traitement par isotrétinoïne orale, en même temps qu’une brochure informative sur la contraception (a)(2,4,5).

• Avant l’instauration du traitement, le médecin indique dans le “Carnet-patiente”  : que l’accord de soins et de contraception a bien été signé par la patiente (une copie étant à conserver dans le carnet) ; que la nécessité d’éviter toute grossesse compte tenu de l’effet tératogène de l’isotrétinoïne a bien été expliquée à la patiente ; la(les) méthode(s) de contraception employée(s) par la patiente et la date à laquelle cette contraception a été débutée ; la date du prochain rendez-vous en vue d’une prescription, ainsi que la date du prochain test de grossesse (4). Tous ces items et les résultats des tests de grossesse successifs sont précisés ensuite dans le “Carnet-patiente” par le médecin à chaque consultation mensuelle, pendant toute la durée du traitement et 5 semaines après l’arrêt du traitement. Chaque prescription d’isotrétinoïne orale est subordonnée à l’obtention d’un résultat négatif du test de grossesse réalisé dans les 3 jours qui précédent la prescription mensuelle (4).

• Lors de la dispensation, qui doit avoir lieu dans les 7 jours qui suivent la date de prescription d’isotrétinoïne, le pharmacien vérifie la cohérence de tous ces points dans le “Carnet-patiente” que la patiente lui présente. Il y indique alors le nom de la spécialité dispensée et la date de dispensation. Il peut y inscrire des commentaires en cas de non-dispensation, notamment si la date du dernier test de grossesse n’est pas mentionnée ou si la prescription date de plus de 7 jours (4).

• Médecin et pharmacien apposent leurs signature et tampon respectivement à chaque prescription et dispensation (4).

Un outil diffusé par les firmes uniquement à certains médecins
Selon l’Afssaps, les informations relatives à cette utilisation ont été ajoutées dans les RCP des spécialités à base d’isotrétinoïne orale, mais au 4 février 2010, ces RCP modifiés ne sont pas disponibles sur le site internet de l’Afssaps (5).

• Selon la firme Expanscience, interrogée par téléphone le 12 novembre 2009, la réalisation du “Carnet-patiente” a été financée par les quatre firmes qui commercialisent des spécialités à base d’isotrétinoïne orale en France (a).

• Le “Carnet-patiente” est diffusé par ces firmes depuis septembre 2009 auprès des dermatologues, mais pas des médecins généralistes, qui ont à le demander auprès de ces firmes pour pouvoir l’utiliser. La prescription de l’isotrétinoïne orale n’est pourtant pas restreinte aux seuls dermatologues !

En pratique, un outil bienvenu
• L’isotrétinoïne par voie orale a une efficacité démontrée sur l’acné. Son utilisation est à réserver au traitement des formes sévères à risque cicatriciel important, compte tenu des effets indésirables nombreux et parfois graves auxquels elle expose : tératogénicité, sécheresse cutanéomuqueuse, hépatotoxicité, troubles psychiques, etc. (6).

• Médecins et pharmaciens ont un rôle majeur à jouer dans la protection des patientes vis-à-vis des effets tératogènes de ce rétinoïde : en respectant scrupuleusement toutes les conditions de prescription et de dispensation liées à l’emploi d’une contraception adaptée et à la réalisation mensuelle de tests de grossesse ; et en informant clairement les patientes (b).

• Dans ce contexte, le “Carnet-patiente”, qui récapitule l’ensemble des informations et examens nécessaires à la prescription et à la dispensation de l’isotrétinoïne orale, apparaît comme un outil supplémentaire bienvenu dans la prévention des grossesses sous un tel traitement.

• En revanche, en 2010, on peut déplorer que trois des quatre spécialités à base d’isotrétinoïne orale disponibles sur le marché français aient un nom commercial non informatif, car ne mentionnant pas la dénomination commune internationale (DCI) (a). Il serait cohérent que l’Afssaps et les firmes concernées y remédient rapidement.

©Prescrire 15 mars 2010

"Isotrétinoïne orale : un carnet de suivi pour chaque patiente traitée" Rev Prescrire 2010 ; 30 (316) : 156-157. (pdf, réservé aux abonnés)

Notes :
a- Au 4 février 2010, les 4 spécialités à base d’isotrétinoïne orale commercialisées en France sont, par ordre alphabétique : Contracné° (Bailleul - Biorga), Curacné° (Pierre Fabre Dermatologie), Isotrétinoïne Teva° (Teva) et Procuta° (Expanscience).
b- Un moyen similaire de liaison entre patiente et soignants a été mis en place pour le traitement par alitrétinoïne (Toctino°), un rétinoïde commercialisé dans l'eczéma chronique sévère des mains chez les adultes (réf. 7).

Références :
1- Prescrire Rédaction “Isotrétinoïne orale : prescription et dispensation en 2006” Rev Prescrire 2006 ; 26 (272) : 334.
2- Afssaps “Communiqué de presse - Médicaments contenant de l’isotrétinoïne utilisés dans le traitement de l’acné : mise en place de nouvelles mesures pour minimiser les risques” 28 mai 2009 : 4 pages.
3- Prescrire Rédaction “Isotrétinoïne : trop de grossesses exposées” Rev Prescrire 2009 ; 29 (304) : 107 + (313) : 831.
4- Afssaps, Bailleul, Expanscience, Pierre Fabre Dermatologie, Teva “Carnet patiente. Votre traitement par isotrétinoïne orale” septembre 2009. Mis en ligne sur le site www.afssaps.fr le 1er octobre 2009.
5- Afssaps “Courriel à Prescrire“ 17 novembre 2009 : 1 page.
6- Prescrire Rédaction “Médicaments de l’acné : à choisir en fonction de la sévérité” Rev Prescrire 2009 ; 29 (313) : 840-841.
7- Prescrire Rédaction “alitrétinoïne orale-Toctino°. Eczéma chronique sévère des mains : trop de risques avec ce rétinoïde“ Rev Prescrire 2010 ; 30 (315) : 10-11.

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