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Thème : Progrès thérapeutique

Un progrès thérapeutique se mesure pour les patients en termes d'efficacité, de moindres effets indésirables, ou de meilleurs modalités d'administration, en comparaison aux traitements déjà existants.

Recherche clinique : pour quels besoins ?

Une évaluation des médicaments déconnectée de la réalité ; des essais pour l'autorisation de mise sur le marché (AMM), pas pour les soins.

L’évaluation des médicaments avant mise sur le marché fait l’objet de critiques de plus en plus nombreuses : biais dans les méthodes d’évaluation, essais négatifs non publiés, résultats manipulés, conflits d’intérêts au sein des agences, etc. Nombre de ces problèmes sont dus au fait que la collectivité sous-traite aux firmes la démonstration de l’efficacité et l'étude des effets indésirables de leurs médicaments. Les firmes se trouvent ainsi en situation de financer et d’influencer les essais, les cliniciens chercheurs et les agences d’évaluation.

Depuis longtemps, Prescrire déplore aussi que ces essais ne répondent pas aux questions que se posent les soignants. Ce constat est aujourd’hui partagé par de nombreux auteurs (a).

Une évaluation déconnectée de la réalité. De nombreux praticiens l’ont constaté : les traitements sont souvent moins efficaces et moins bien tolérés chez leurs patients que dans les publications d’essais cliniques. Cette différence provient notamment du fait que les essais cliniques ont été réalisés dans des conditions qui ne reflètent guère la réalité : patients sélectionnés en nombre limité et non représentatifs des patients réels, patients particulièrement bien suivis et observants, absence de comparaison avec les autres options thérapeutiques, etc. (1).

Ces essais dits d’efficacité ou exploratoires, réalisés en conditions simplifiées, sont suffisants pour obtenir l’autorisation de mise sur le marché (AMM). Les essais dits d’efficience ou pragmatiques, réalisés en conditions réelles d’exercice, sont plus utiles aux soignants et aux patients (1).

Des essais pour l’AMM, pas pour les soins. Les essais exploratoires sont les plus fréquents parce qu’ils sont plus faciles et moins coûteux pour les firmes et pour les cliniciens chercheurs hospitaliers. Ils satisfont les agences du médicament car ils donnent des réponses simples à des questions simples : par exemple plus efficace que le placebo sur un paramètre biologique. Mais, au total, les médicaments arrivent sur le marché avec une évaluation très limitée de leur efficacité et de leurs effets indésirables réels dans la vraie vie (1).

Il reste beaucoup à faire pour que le processus d’incitation à la recherche et d’évaluation dans le domaine du médicament aboutisse à des progrès tangibles pour les patients. Mais la prise de conscience grandissante de ce problème, en pleine “panne de l’innovation”, devrait inciter firmes et pouvoirs publics à repartir d’un meilleur pied.

©Prescrire 2010

Rev Prescrire 2009 ; 29 (314) : 935.

Note :
a- Les revues Canadian Medical Association Journal et Journal of Clinical Epidemiology ont publié une série d’articles sur ce thème en mai 2009, dont la réf. 1.

Extrait de la veille documentaire Prescrire.
1- Zwarenstein M et Treweek S “What kind of randomized trials do we need ?” CMAJ 2009 ; 180 (10) : 998-1000.

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