Les outils changent : moins de visiteurs-maison et plus de prestataires
multicartes, plus d'informatique, une orientation vers les "gros
prescripteurs" (1,2,3). Mais les grands principes demeurent
: mettre en avant les bénéfices apportés par
un médicament, et occulter les risques.
L'année des fausses nouveautés
En 2003, la grande majorité des visites observées
par le Réseau avait concerné d'anciens médicaments,
des isomères, des métabolites, des associations, des
compléments de gammes et quelques "me too" (4).
En 2004, la tendance s'est confirmée, signe d'une innovation
vraiment en panne. Les médicaments présentés
aux observateurs du Réseau ont été le plus
souvent des "me too", appartenant à des familles
de médicaments déjà très fournies :
par exemple almotriptan (Almogran°), dustastéride (Avodart°),
manidipine (Iperten°), nébivolol (Temerit°), rosuvastatine
(Crestor°), valdécoxib (Bextra°, finalement non commercialisé
en France après ce prélancement (5)), zofénopril
(Zofenil°), etc. D'autres visites ont concerné des copies
sous des noms de fantaisie, tel Divarius° à base de paroxétine,
et des compléments de gammes tel Vastarel° 35 mg à
base de trimétazidine.
Au total, si 50 % des visites observées ont porté
sur des spécialités nouvelles, il s'est agi de "fausses
nouveautés".
Documents remis : quasiment rien de fiable
Selon la "Charte de la visite médicale" signée
fin 2004 par le Comité économique des produits de
santé et les représentants de l'industrie pharmaceutique,
le visiteur médical doit obligatoirement remettre au médecin
l'avis de la Commission de la transparence relatif au médicament
présenté (6). Il s'agit en fait d'une obligation légale
déjà ancienne : article R.5122-11 du Code de la santé
publique.
En pratique, en 2004, lors des visites observées par le Réseau,
l'avis de la Commission de la transparence a été remis
dans 5 % des cas. C'est un peu mieux qu'en 2003, mais édifiant
tout de même.
Toujours selon la "Charte de la visite médicale"
: " le délégué médical n'a pas
à proposer au médecin de cadeaux en nature ou en espèces,
ni à répondre à d'éventuelles sollicitations
dans ce domaine émanant du professionnel de santé.
Cette interdiction vise également les cadeaux ne faisant
pas l'objet d'une convention : don de petits matériels et
mobilier de bureau, remise de bons d'achat divers (chèque
voyage, chèque cadeau, etc.) " (6).
Là encore, il faudra des changements radicaux si les firmes
pharmaceutiques veulent se mettre en conformité avec la Charte
: toutes sortes de cadeaux ont été proposés
aux observateurs du Réseau en 2004. Cela va du petit matériel
de bureau au dîner en ville avec le "spécialiste",
en passant par les "études post AMM", qui servent
surtout à soutenir les ventes (lire par exemple n° 254
- p. 660 ; n° 255 - p. 747 ; n° 256 - p. 824). Et les choses
n'ont pas l'air de changer beaucoup en 2005, si on en juge par exemple
par les formations dominicales proposées sur l'ézétimibe
(Ezetrol° - MSD Chibret).
Bénéfices élargis et risques
le plus souvent occultés
En 2004, les indications des médicaments présentés
aux membres du Réseau ne correspondaient pas à celles
du RCP dans 35 % des cas, le visiteur allant toujours dans le sens
d'un élargissement des indications, et inventant dans 9 %
des cas des indications totalement différentes. Les posologies
recommandées étaient revues à la hausse dans
15 % des cas.
Les visiteurs ont été très discrets sur les
risques. Les contre-indications n'ont été annoncées
que dans 8 % des cas et partiellement dans 15 % des cas. Les pourcentages
sont respectivement de 9 % et 13 % pour les précautions d'emploi,
de 6 % et 15 % pour les interactions médicamenteuses, de
13 % et 17 % pour les effets indésirables. Ainsi, malgré
les "affaires" de pharmacovigilance qui ont agité
l'année 2004, la présentation par les firmes des risques
liés à leurs médicaments ne s'est guère
améliorée : on retrouve sensiblement les mêmes
pourcentages depuis 14 ans (7,8).
Ambiance : une concurrence toujours aussi âpre
Selon la "Charte de la visite médicale", les relations
entre firmes concurrentes devraient être un long fleuve tranquille
(6).
Sur le terrain, en 2004 comme l'année précédente,
les membres du Réseau ont pourtant observé une agressivité
montante des visiteurs vis-à-vis des firmes concurrentes.
Parmi les combats les plus épiques, on retiendra ceux qui
se sont déroulés dans le domaine des sartans, ou autour
de la cétirizine, dont le brevet arrivait à échéance
(lire n° 255 p. 747). Rappelons aussi les pratiques peu glorieuses
dans le domaine des coxibs quand l'un d'entre eux, le rofécoxib
(ex-Vioxx°) a été retiré du marché
(lire page 192 et page III de couverture).
Rendez-vous dans un an pour examiner l'effet (ou le non-effet) de
la charte.
Le Réseau d'observation de la visite
médicale
©La revue Prescrire 1er mars 2005
Rev Prescrire 2005 ; 25 (259) : 191.
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Références
1- Cristofari JJ "Les habits neufs du marketing pharma"
Pharmaceutiques 2004 ; (117) : 56-59.
2- Le Masson S "La visite médicale s'externalise de
plus en plus" Pharmaceutique 2004 ; (120) : 63.
3- Jarrige C "La nouvelle panoplie de la promotion" Pharmaceutiques
2005 ; (123) : 41-45.
4- Prescrire Rédaction "Visite médicale : surtout
un engin de guerre entre firmes" Rev Prescrire 2004 ; 24 (247)
: 104.
5- Prescrire Rédaction "Les prétentions de la
firme Pfizer" Rev Prescrire 2004 ; 24 (251) : 432.
6- "Charte de la visite médicale" 22 décembre
2004. Site internet http://www.pharmaceutiques.com (sortie papier
disponible : 9 pages).
7- Prescrire Rédaction "Visite médicale - Le
bilan accablant du Réseau d'observation de la revue Prescrire"
Rev Prescrire 1999 ; 19 (193) : 226-231.
8- Prescrire Rédaction "Le bilan du Réseau d'observation
de la visite médicale toujours aussi accablant" Rev
Prescrire 2003 ; 23 (237) : 225-227.
9- Prescrire Rédaction "Visite médicale - Réactions,
commentaires et discussions" Rev Prescrire 1999 ; 19 (196)
: 472-475.
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