Forte de sa participation majoritaire dans le financement de la
base Thériaque°, seule base de données sur les médicaments
indépendante des grands groupes financiers qui uvrent sur le marché
français, l'assurance maladie a décidé la réduction
de la base actuelle aux besoins des services internes des caisses, au détriment
du service rendu aux professionnels de santé et, à travers eux,
des assurés sociaux. Voilà plus de 20 ans que le Centre national
hospitalier d'information sur le médicament (CNHIM), l'un des rares groupes
de professionnels de santé français qui luttent avec énergie
depuis plusieurs décennies pour diffuser une information solide, impartiale
sur les médicaments, a conçu, alimenté, géré
et développé Thériaque° dans l'esprit d'un service public. Thériaque°
est aujourd'hui une ressource documentaire originale, de qualité, utile
: la référence opérationnelle des soignants d'un très
grand nombre d'hôpitaux, et hors des hôpitaux.
La Rédaction
de la revue Prescrire témoigne par exemple, dans le détail, de la
spécificité et de l'utilité de cette base, notamment en matière
d'infovigilance. Fort des 60 % des voix que la CNAMTS partage avec les deux
autres caisses d'assurance maladie (MSA et RSI (CANAM)) au sein du groupe d'intérêt
économique (GIE SIPS), qui gère financièrement depuis février
2004 la base Thériaque° (contre 40 % pour le CNHIM), la Direction de
l'assurance maladie a décidé la transformation de l'actuelle Thériaque°
en une base réduite, adaptée à l'usage des services internes
des caisses d'assurance maladie, et dont la maintenance sera assurée par
du personnel en nombre restreint et moins qualifié. Ce qui revient à
rayer d'un trait de plume une des trop rares ressources documentaires de qualité,
indépendante des industries de santé, au réel service des
professionnels de santé et, à travers eux, des assurés sociaux. L'assurance
maladie a, bien sûr, le droit de décider de se retirer du financement
de Thériaque°, et de ne plus accompagner l'uvre du CNHIM. Elle
a, bien sûr, le droit de décider qu'il faut une base spécifique,
beaucoup plus simple, adaptée à ses services. Elle peut aussi
considérer que, Thériaque° étant en grande partie financée
depuis longtemps par la CNAMTS (tour à tour sous formes de subventions,
puis d'achats de prestations de services, puis depuis peu dans le cadre du GIE
SIPS), il est légitime que ses services se servent de cette base pour constituer
le socle de sa base interne. Si l'assurance maladie
ne croit pas en l'utilité de Thériaque°, qu'elle donne à
ceux qui y croient la possibilité de poursuivre l'uvre entreprise.
Il
y a là un enjeu important en termes de santé publique et de respect
des acteurs de santé qui s'efforcent de bien faire. Sur le plan
formel, les dirigeants successifs du CNHIM ont certainement eu l'imprudence d'accorder
une confiance aveugle aux autorités de santé françaises et
aux dirigeants de la CNAMTS, allant jusqu'à reconnaître au GIE SIPS,
en 2004, un droit de "propriété intellectuelle" sur la
base Thériaque°. Mais ils n'ont assurément pas accordé
cette confiance pour voir Thériaque° disparaître deux ans après
! Faut-il rappeler que l'argent dépensé par la CNAMTS pour aider
au développement de Thériaque° provient des cotisations de l'assurance
maladie ? Il est de bonne politique que cet argent soit investi dans une uvre
qui aide à mieux soigner les assurés sociaux. Que
l'assurance maladie laisse vivre Thériaque° !
Qu'elle
prenne le contenu de la base tel qu'il est, et qu'elle en fasse la base simplifiée,
dérivée, qu'elle souhaite pour ses services. Mais qu'elle rende
dans le même temps la base, données et logiciels, au CNHIM qui poursuivra
Thériaque° comme il lui paraîtra utile pour la santé publique
(pour rappel, le nom Thériaque° appartient au CNHIM). ©La
revue Prescrire 15 janvier 2007. |