L'"affaire Vioxx°" est une affaire grave. Les patients
victimes d'effets indésirables graves voire mortels du rofécoxib
se comptent vraisemblablement par dizaines de milliers dans le monde,
si ce n'est plus.
Rappel historique
Un bref rappel des principaux évènements est utile
pour mieux comprendre ce qui s'est passé.
L'autorisation de mise sur le marché (AMM) a été
accordée en mai 1999 aux États-Unis d'Amérique (1), puis en novembre 1999 en France (2), principalement pour le
soulagement symptomatique de l'arthrose. La firme vise un vaste
marché : une partie importante de la population des pays
riches est touchée par l'arthrose ; le rofécoxib n'a
aucune action curative, mais vise seulement à soulager de
façon passagère ; au total, les patients concernés
sont à la fois nombreux et conduits à une prise prolongée.
Le contexte est la promotion intense d'un nouveau médicament
prétendument ''révolutionnaire'' par son ''innocuité''
digestive (3). Le prix demandé aux patients à l'officine,
en ville, est très élevé, à savoir, environ
10 FF par jour au lieu d'environ 2 FF pour 1 200 mg
d'ibuprofène ; mais à l'hôpital, pour bénéficier
de l'aura des prescriptions hospitalières, le prix proposé
est de 1 centime par jour (4).
Pas de réelle preuve de progrès
thérapeutique
Le dossier met en avant un avantage digestif, avec environ 2 fois
moins de perforations-ulcères-saignements sous rofécoxib
que sous anti-inflammatoires comparateurs (2). Mais le niveau de
preuves est faible car les comparaisons ne sont pas pertinentes :
- pas de comparaison au paracétamol, l'antalgique de base ;
- pas de comparaison versus ibuprofène à raison de 1 200-1 600
mg par jour ;
- pas de comparaison versus association AINS+protecteur gastrique (2,5).
Les effets indésirables extradigestifs sont encore mal connus,
mais le résumé des caractéristiques (RCP) américain
basé sur ce dossier fait déjà état d'une
incidence de l'hypertension artérielle plus élevée
sous rofécoxib que sous les AINS classiques auxquels il a
été comparé (6).
Essai VIGOR : excès d'infarctus
En mai 2000, les premiers résultats de l'essai dit ''Vigor'',
dans la polyarthrite rhumatoïde, sont présentés
à un congrès britannique (5). L'absence de supériorité
d'efficacité antalgique est confirmée, de même
qu'un avantage digestif en terme d'évènements graves ; mais un surcroît d'accidents cardiaques apparaît.
En février 2001, une analyse détaillée de l'essai
Vigor et des données cardiovasculaires est effectuée
par la FDA à partir des données transmises par la
firme (7). Les résultats globaux de l'essai Vigor ne sont
pas en faveur du rofécoxib. Un avantage en terme d'effets
indésirables digestifs graves apparaît, mais il est
annulé par un excès d'accidents cardiovasculaires
graves.
Controverses et temps perdu
La firme avance alors l'hypothèse d'un effet cardiovasculaire
favorable du naproxène ; mais aucune des données dont
la FDA dispose ne soutient cette hypothèse (7).
L'AMM dans la polyarthrite rhumatoïde est néanmoins
accordée, aux États-Unis d'Amérique (1), puis
en France (8). L'argument affiché en faveur du rofécoxib,
par exemple par la Commission de la transparence en France, est
qu'un surcroît d'effets indésirables cardiovasculaires
n'est pas établi formellement, notamment du fait que ces
effets indésirables n'étaient pas un critère
principal de jugement de l'essai Vigor (9). Les résultats
globaux, en particulier la mortalité, sont tout simplement
négligés, voire écartés.
La controverse continue, les agences déclarent travailler
à l'analyse des données.
Pendant ce temps-là, les ventes continuent. En France, l'assurance
maladie rembourse en 2002 environ 116 millions d'euros pour Vioxx°,
et 125 millions en 2003 (10, 11).
En France, une étude dite post-AMM, l'étude dite Cadeus,
centrée sur la description des utilisateurs d'AINS et en particulier
de coxibs, débute en septembre 2003 et les résultats
sont annoncés pour mars 2005 (site etude-cadeus.com) (a) (12).
Grand écart entre constats et décisions
En avril 2004, l'Agence européenne du médicament annonce
avoir revu l'ensemble des données concernant les coxibs et
déclare que, au plan digestif, « les données
disponibles n'ont pas montré d'avantage gastro-intestinal significatif
et constant pour les inhibiteurs de la COX-2 par rapport aux AINS
conventionnels (
) ». Au plan cardiovasculaire,
l'agence constate que « les inhibiteurs de la COX-2 (
)
n'ont aucun effet antiplaquettaire à des doses thérapeutiques.
En ce qui concerne le risque cardiovasculaire, on peut estimer que
les inhibiteurs de la COX-2 pourraient présenter un léger
désavantage de sécurité par rapport aux AINS
conventionnels » (13,14). Autrement dit, l'agence
constate l'absence d'avantage thérapeutique, et la vraisemblance
d'un désavantage ; mais les AMM des coxibs ne sont pas
retirées. Les RCP sont seulement modifiés dans le sens
d'un renforcement des mises en garde.
L'Agence française se place dans le sillage de l'Agence européenne
sans apporter d'éléments plus précis. La Commission
de la transparence en France considère ainsi que l'apport
du rofécoxib en termes d'effets indésirables digestifs
est en fait " minime ", mais rappelle qu'elle estime toujours
que le niveau de preuves des résultats cardiovasculaires
défavorables de l'essai VIGOR est faible (15).
Comme d'habitude, les agences font bénéficier le doute
aux firmes et non aux patients, et laissent les coxibs en vente
au lieu de mettre la population à l'abri.
Les pouvoirs publics ne révisent pas à la baisse le
prix du rofécoxib (16).
Un autre essai accablant
En septembre 2004, la firme annonce le retrait, au motif de résultats
préliminaires, d'un essai en prévention des complications
des polypes coliques. Les résultats sont consternants en effet,
avec par rapport au placebo un surcroît d'environ 7,5 accidents
cardiovasculaires graves pour 1 000 patients traités un an ; ce qui est du même ordre de grandeur que le nombre d'accidents
cardiovasculaires évités par le traitement médicamenteux
de l'hypertension artérielle (17,18).
Une estimation américaine fait état d'environ 30 000
infarctus et morts subites imputables aux États-Unis au rofécoxib,
sans compter les accidents cérébraux (18).
L'Agence française ne publie aucune estimation de l'incidence
des dégâts cardiovasculaires du rofécoxib en
France.
Début janvier 2005, on ne dispose toujours pas de résultat
publié en détail de l'essai à l'origine du
retrait.
Pour éviter une nouvelle affaire Vioxx°, des pouvoirs publics
soucieux de santé publique doivent changer de perspectives
Comment éviter une nouvelle affaire de ce type ? Les pouvoirs
publics, les soignants, les patients et les journalistes peuvent
agir efficacement.
Le camp des firmes n'est pas celui des patients ni de la santé
publique
En 1999, le dossier qui a sous-tendu l'AMM de Vioxx° ne comportait
pas de preuve d'un progrès thérapeutique tangible,
ni en terme d'efficacité, ni en terme d'effets indésirables
digestifs graves. En 2000, les données sont apparues défavorables
du point de vue cardiovasculaire.
Si l'on se place du point de vue des patients, comme l'ont fait la
revue Prescrire et de nombreux bulletins indépendants des firmes
pharmaceutiques dans le monde, la question était entendue dès
cette époque : dans le cas d'une affection bénigne,
pour laquelle on dispose déjà de divers traitements,
il n'y avait pas de raison de prendre des risques cardiovasculaires
en l'absence de progrès établi par ailleurs.
Si les pouvoirs publics avaient appliqué ce principe élémentaire,
les dégâts du rofécoxib dans la population n'auraient
tout simplement pas eu lieu.
Exiger des preuves de progrès thérapeutique
Mais comme d'habitude les agences du médicament ont été
plus sensibles au point de vue des firmes.
L'absence d'exigence de preuve de progrès thérapeutique
pour accorder les AMM est une réalité ancienne, intégrée
de fait dans les pays riches (Europe, États-Unis d'Amérique,
Japon). Depuis des lustres, les exigences réglementaires
sont limitées à la démonstration d'une balance
bénéfices-risques acceptable, sans preuve d'un quelconque
progrès thérapeutique. Sur cette base, un ensemble
de recommandations ont été mises en place sous l'égide
de l'International conference on harmonisation (ICH). Cette instance
réunit représentants des agences et représentants
des firmes. L'objectif affiché est de simplifier, uniformiser
et surtout accélérer la constitution des dossiers
de demande d'AMM, sans perdre en sécurité ; autrement
dit, il n'est pas prioritaire d'améliorer la qualité
de l'évaluation... En fait, les premiers bénéficiaires
et principaux acteurs ne sont pas les pouvoirs publics, ni la santé
publique, mais les firmes. Et c'est logiquement, de ce point vue,
que le secrétariat de l'ICH est assuré par l'association
mondiale des firmes pharmaceutiques (International Federation of
Pharmaceutical Manufacturers & Associations (IFPMA) (sites ich.org
et ifpma.org)(19,20).
Les Agences trop proches des firmes
De fait, les principaux interlocuteurs des agences sont les firmes,
qui sollicitent les AMM et leurs variations. Les principaux financeurs
des Agences sont aussi les firmes, au-delà de la moitié
des ressources des agences, via les redevances liées aux demandes
d'AMM et autres (21). Beaucoup d'experts sollicités par les
agences se laissent également sollicités par des firmes (22,23). Et l'Agence européenne dépend, très
logiquement dans cette perspective, de la Direction générale
Entreprises de la Commission, et non de la direction Santé
et consommation.
Faire évoluer cette situation est sans doute difficile. Raison
de plus pour s'y attaquer sans tarder. Il faut profiter de ce que
chacun constate à la fois la raréfaction des progrès
thérapeutiques en matière de médicament, et
les risques que font courir à la population les stratégies
commerciales de grandes firmes pharmaceutiques quand elles ne sont
pas suffisamment encadrées.
Accès libre aux données cliniques
Mais sans attendre la moindre évolution réglementaire,
des agences réellement soucieuses de santé publique
ont dès aujourd'hui toute latitude de jouer la carte de la
transparence.
Les Agences peuvent parfaitement mettre à disposition de
la collectivité les données cliniques dont elles disposent.
Certes la recherche clinique est aujourd'hui financée essentiellement
par les firmes pharmaceutiques, mais les données cliniques
issues de cette recherche n'appartiennent pas plus aux firmes qu'aux
patients qui acceptent de participer aux essais, et, au-delà,
à la collectivité qui finance les soins, et qui finalement
rentabilise les investissements des firmes. Il n'y a aucun obstacle
moral ni juridique à la mise à disposition par les
agences de l'ensemble des données des essais cliniques présentées
par les firmes à l'appui des demandes d'AMM, et des données
de pharmacovigilance recueillies ensuite. La FDA américaine
met déjà à disposition une partie des données
pour bon nombre de médicaments après AMM. Rien n'empêche
réellement les autres agences d'en faire au moins autant.
Mieux, la nouvelle la réglementation européenne les
y encourage.
Appliquer la nouvelle réglementation européenne
Ainsi, pour l'Agence française, à partir du 30 octobre
2005, date limite de transposition de la Directive 2004/27/CE, celle-ci
devra être appliquée, et notamment son article 126 ter
qui stipule : « En outre, les États membres
veillent à ce que l'autorité compétente rende
accessibles au public son règlement interne et celui de ses
comités, l'ordre du jour de ses réunions, les comptes
rendus de ses réunions, assortis des décisions prises,
des détails des votes et des explications de vote, y compris
les opinions minoritaires » (24).
Pour l'Agence européenne, depuis le 20 novembre 2004, date
à laquelle le Conseil d'administration était contraint
de mettre en place les modalités d'application, le règlement (CE)
726/2004 doit s'appliquer, et notamment son article 73, qui renvoie
au règlement européen général sur l'accès
aux documents en stipulant : « Le règlement (CE)
n°1049/2001 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai
2001 relatif à l'accès du public aux documents du Parlement
européen, du Conseil et de la Commission (2) s'applique
aux documents détenus par l'Agence. L'Agence constitue un registre
conformément à l'article 2, paragraphe 4, du règlement (CE)
n°1049/2001 afin de rendre disponibles tous les documents accessibles
au public conformément au présent règlement. (
)
Les décisions prises par l'Agence en application de l'article
8 du règlement (CE) n°1049/2001 peuvent donner lieu
à l'introduction d'une plainte auprès du Médiateur
ou faire l'objet d'un recours devant la Cour de justice, dans les
conditions prévues respectivement aux articles 195 et 230 du
traité » (24).
Si les agences ne se sentent pas de taille à être plus
exigeantes vis-à-vis des firmes, ni même à faire
les synthèses pertinentes des données, elles peuvent
au moins laisser les équipes indépendantes des firmes
travailler à partir de ces données.
Après mise sur le marché : pharmacovigilance active,
valorisée et transparente
Tant que les pouvoirs publics n'exigent pas de preuve de progrès
thérapeutique pour accorder l'AMM dans les domaines où
on dispose déjà de traitement acceptables, ils peuvent
néanmoins, et facilement, développer la surveillance
des effets indésirables des médicaments pour mieux en
cerner la balance bénéfices-risques.
Pour ce qui est de la France, des pouvoirs publics réellement
soucieux de santé publique ont tout intérêt
à financer le développement des centres régionaux
de pharmacovigilance, à valoriser et publier largement leurs
travaux, à encourager et motiver la notification des professionnels
au-delà de la simple obligation réglementaire, à
organiser le recueil et le traitement intelligent des notifications
directes par les patients, à valoriser les travaux effectués
à partir des données régionales de l'assurance
maladie, à financer et valoriser des études épidémiologiques.
Ainsi, en 2003, le rapport annuel d'activité de l'Agence française
fait état de subventions à ces centres pour 3,5 millions
d'euros (22) ; à comparer aux 125 millions dépensés
cette même année par l'assurance maladie pour rembourser
les assurés sociaux ayant acheté du rofécoxib (11).
Ce même rapport 2003 fait état de :
- 322 rapports périodiques de surveillance des effets indésirables
d'un médicament (PSUR) transmis à l'agence française,
dont aucun n'a été rendu public ;
- 45 dossiers présentés en Comité technique,
dont aucun n'a été rendu public ;
- 19 dossiers présentés en Commission nationale, dont
seules quelques bribes concernant le vaccin hépatite B ont
été présentées au public (22,25).
Les pouvoirs publics ont là aussi de vastes possibilités
de quitter rapidement et facilement le camp de ceux qui ont des
choses à cacher.
Pour éviter une nouvelle affaire Vioxx°, les professionnels
de santé réellement soucieux de soins de qualité
doivent exercer en toute indépendance
Les firmes pharmaceutiques sont évidemment mal placées
pour diffuser une information objective sur les médicaments
dont elles tirent leurs revenus.
L'affaire Vioxx° montre à quel point actuellement les
agences du médicament sont davantage sensibles au point de
vue des firmes, qu'elles côtoient à longueur de temps,
que du point de vue des patients ou de la santé publique.
Quand il y a doute, les agences en accordent de fait le bénéfice
aux firmes. Les décisions de restriction d'emploi motivées
par les effets indésirables des médicaments sont des
demi-mesures retardées de plusieurs années, pendant
lesquelles des soignants restent exposés au risque de mauvaise
prescription, et les patients au risque d'effet indésirable
grave (26). En France, durant la dernière décennie,
on a ainsi connu le lent recul de l'Atrium° (fébarbamate
+ difébarbamate + phénobarbital), du Prepulsid° (cisapride), du Teldane° (terfénadine), etc.
L'AMM protège les firmes et les agences, pas les prescripteurs
Dans ces conditions, en se contentant de suivre les firmes pharmaceutiques
qui les flattent, en se reposant sur les AMM trop facilement accordées,
en négligeant la lenteur des agences à réagir
aux alertes de pharmacovigilance, les soignants risquent fort de ne
pas proposer le meilleur choix aux patients. Ils s'exposent alors
à devoir faire face, seuls, aux revendications légitimes
de patients victimes des effets indésirables de médicaments
prescrits mal à propos.
Pour éviter cela, les soignants ont intérêt
à mettre en priorité l'intérêt des patients,
sans compromis avec les firmes, à exiger des preuves de progrès
thérapeutiques pour intégrer des nouveautés
dans leur liste de médicaments, et à s'informer auprès
de sources indépendantes pour étayer leurs décisions.
Dire fermement « Non, merci... »
Les soignants ont également intérêt à dire « Non, merci... »
au financement de la formation professionnelle initiale et permanente
par les firmes, et à refuser l'omniprésence des firmes
autour d'eux à l'hôpital et au cabinet. Ils ont intérêt,
comme beaucoup le font déjà, à s'organiser pour
assurer cette formation en toute liberté (27à30).
Pour éviter une nouvelle affaire Vioxx°, les patients doivent
avoir l'esprit critique et agir collectivement
Les patients ont intérêt à savoir qu'en l'état
actuel des règles du jeu, la grande majorité des nouveaux
médicaments n'apportent pas de progrès thérapeutique,
et parfois sont même des régressions thérapeutiques.
Ils ont intérêt à savoir que les nouveaux médicaments
exposent à davantage d'inconnu que les anciens, dont certains,
très bien évalués, restent pendant très
longtemps des références non dépassées (31)
Ils ont intérêt à savoir que la promotion des
médicaments utilise les mêmes recettes publicitaires
que d'autres marchandises, avec mise en avant de ''leaders d'opinion''
sous l'influence des firmes, et utilisation de média également
sous influence (32à35).
Ils ont intérêt à savoir que les agences du
médicament sont très lentes à réagir
aux alertes de pharmacovigilance, et sont capables de laisser pendant
des années sur le marché des médicaments dont
la balance bénéfice-risque n'est pas favorable.
Et pour contrer tout cela, ils ont intérêt à
préférer les professionnels de santé qui choisissent
une formation professionnelle indépendante des firmes pharmaceutiques ; et à se regrouper pour exiger plus efficacement la transparence
des agences, le financement d'une recherche clinique pertinente,
etc.
Pour éviter une nouvelle affaire Vioxx°, les journalistes
doivent être soucieux de ne pas être complices de désinformation
Les journalistes soucieux de ne pas apparaître complices de
désinformation ont intérêt à contre-balancer
soigneusement les affirmations des firmes ; à mettre la nouveauté
en perspective avec les connaissances déjà acquises
dans le domaine, en particulier les données défavorables
ou justifiant la prudence, données souvent vite oubliées ; à éclairer les conflits d'intérêts ; à signaler les zones d'ombre ; à être exigeants
auprès des agences du médicament ; à recouper
leurs informations avec celles de sources indépendantes des
firmes (comme par exemples les sites britannique ou australien d'analyse
de ''scoops'' médicaux ; à rester prudent face aux
annonces incomplètes des présentations de congrès ; à savoir attendre les synthèses indépendantes
et fiables ; à regarder ce que se passe ou s'est passé
dans d'autres pays avec le médicament (34,36,37,38).
Conclusion : chacun peut agir
Au total, après l'affaire cérivastatine, l'affaire
Vioxx° montre les limites des règles du jeu actuelles
de l'AMM : le manque d'exigence des pouvoirs publics laisse la recherche
clinique s'essouffler dans des domaines non prioritaires du point
de vue de la santé publique, et laisse les patients exposés
aux dégâts de nouveaux médicaments dont la balance
bénéfices-risques est encore mal cernée, même
dans des domaines où on dispose déjà de nombreux
médicaments acceptables.
L'affaire Vioxx° montre une fois de plus le décalage
entretenu par les pouvoirs publics entre la réalité
des données et la lenteur de réaction des agences
du médicament en matière de pharmacovigilance. Décalage
qui se mesure en années.
L'affaire Vioxx° montre les dégâts auxquels conduisent
les pouvoirs publics quand ils entretiennent la déconnexion
entre le prix du médicament et la réalité du
progrès thérapeutique apporté.
C'est pourquoi une prévention efficace des affaires du type
Vioxx° passe par bien plus par un changement des critères
d'AMM, que par le développement des études après
mise sur le marché.
Dans l'immédiat, les agences du médicament réellement
soucieuses de santé publique gagneraient beaucoup à
quitter le camp des firmes et du secret pour choisir celui des patients
et de la transparence. Elles gagneraient en crédibilité
et en efficacité de santé publique, alors que leur opacité
génère la suspicion.
©La revue Prescrire 20 janvier 2005
________
Notes
a- Début 2005, le site internet des promoteurs de l'étude
Cadeus ne comporte pas le protocole de l'étude, ni son financement.
La liste affichée des " partenaires " ne comporte
pas les firmes MSD et Pfizer, qui sont pourtant nommées dans
l'avis déontologique du Conseil national de l'Ordre des médecins
au sujet de l'étude.
________
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34- Prescrire Rédaction ''Au moins c'est clair'' Rev Prescrire
2004 ; 24 (256) : III de couverture.
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d'attente et à l'officine'' Rev Prescrire 2005 ; 25 (258) : III de couverture.
36- Prescrire Rédaction ''Trop de ''scoops'' médicaux
sans valeur'' Rev Prescrire 2004 ; 24 (248) : 223.
37- Prescrire Rédaction ''Gare aux ''scoops sur les ''innovations
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38- Prescrire Rédaction ''Sibutramine : une dépêche
symptomatique'' Rev Prescrire 2005 ; 25 (257) : 76. |