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Programmes d'"aide à l'observance" des firmes :
l'IGAS contre la confusion des rôles
   
Une position sans ambiguïté. Espérons qu'elle guidera le gouvernement et parlementaires français dans leur volonté de légiférer.
Pour en savoir plus
 


Programmes d'"aide à l'observance" des firmes : l'IGAS contre la confusion des rôles
Rev Prescrire 2008 ; 28 (295) : 384-385.
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Encadrement des programmes d'accompagnement des patients associés à un traitement médicamenteux, financés par les entreprises pharmaceutiques
Rapport de l'IGAS,
décembre 2007
(pdf 1,3 Mo)
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Un rapport de l'IGAS sans faux-semblant : extraits
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Programmes d'"accompagnement" des patients par les firmes : l'IGAS doit être entendue
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Dans le cadre d'une stratégie commerciale mondiale (1), les firmes pharmaceutiques souhaitent voir légalisés, en France, leurs programmes dits d'"aide à l'observance" ou encore d'"accompagnement des patients" (a,b).
En février 2007, le ministre de la Santé Xavier Bertrand a retiré un projet de loi qui prévoyait de reconnaître ces programmes, suite à l'opposition de l'ensemble de la société civile : associations de patients, syndicats de médecins, de pharmaciens, d'infirmiers, ordres professionnels, organisations de consommateurs, responsables d'institutions de santé publique, organismes mutualistes et d'assurance maladie, députés et sénateurs de la majorité comme de l'opposition, etc.
Un sénateur a été chargé de faire une nouvelle proposition de loi sur ces programmes, qui était attendue avant l'été 2008.
Le ministre de la Santé avait également saisi l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) pour réaliser un rapport sur ce sujet.
Terminé en juillet 2007, ce rapport a été rendu public seulement en février 2008 par le ministre de la Santé suivant, Roselyne Bachelot (2).

Un rapport documenté et finalement accablant

Les auteurs du rapport de l'IGAS se sont livrés à une analyse très documentée des programmes d'aide à l'observance, notamment ceux des firmes. Leurs conclusions sont claires :
– les motivations commerciales des firmes sont trop évidentes pour que leur soit laissée la latitude d'approcher les patients, sous prétexte d'"aide à l'observance" ;
– l'interdiction de tout contact direct et indirect des firmes avec les patients doit être fermement maintenue ; la France devrait défendre cette interdiction en Europe ;
– les programmes d'aide à l'observance des firmes devraient être interdits, y compris ceux qui existent actuellement en France (c)(2) (lire aussi en encadré page 385).
Ces programmes constituent en effet une forme déguisée de publicité directe auprès du public pour des médicaments de prescription, et sont avant tout guidés par des considérations commerciales : la "fidélisation" des patients permet d'augmenter le volume des ventes (d)(1). Ces programmes concernent très souvent des médicaments à balance bénéfices-risques défavorable, ou insuffisamment évalués, ou pour lesquels il existe des médicaments qui leurs sont préférables car plus pratiques, mieux tolérés, ou moins coûteux (3).
Les inspecteurs de l'IGAS ont souligné par ailleurs l'absence de lien entre les programmes d'aide à l'observance actuellement en cours en France (en dehors de tout cadre juridique) et les plans de gestion des risques demandés par les agences du médicament française et européenne, ce qu'a confirmé l'Agence européenne elle-même (2,4).

Retour à la case départ ?

Le Collectif Europe et Médicament notamment alerte depuis plusieurs mois sur les dangers de l'intervention des firmes pharmaceutiques auprès des patients. L'IGAS est arrivée au même constat par ses propres moyens. Mais cela n'a pas empêché la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, de déclarer devant les députés, le 5 février 2008, que « la mise en place de tels programmes à destination des patients et financés par l'industrie pharmaceutique pourrait permettre d'assurer une meilleure prise en charge » des patients (5). Cette position ne semble prendre en compte ni le débat national sur le sujet au début de 2007, ni le rapport de l'IGAS.
L'alternative à l'interdiction pure et simple de ces programmes serait leur encadrement réglementaire ; mais quelles que soient ces mesures d'encadrement, elles contribueraient à légitimer l'intervention des firmes, ou de leurs prestataires, auprès des patients, sans permettre d'éviter les dérives. L'exemple de la visite médicale le montre en permanence : la réglementation et la "charte" ne changent rien au fait que les visiteurs se déplacent chez les médecins non pour les informer sur les meilleurs choix thérapeutiques, mais pour les convaincre de prescrire un médicament de la firme qui les emploie (6,7).
Le Collectif Europe et Médicament compte sur les sénateurs et les députés pour prendre pleinement en compte les analyses et les recommandations de l'IGAS en faveur de l'interdiction des programmes d'"aide à l'observance" des firmes.
C'est la seule issue pour éviter que la consommation médicamenteuse des patients soit encore plus influencée par des considérations commerciales.

©Prescrire 1er mai 2008
Rev Prescrire 2008 ; 28 (295) : 384-385

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Notes
a- Analyse des programmes soumis à l'Agence française des produits de santé, arguments marketing des firmes, témoignages et historique : voir sur le site www.prescrire.org (réf. 8).
b- Ce texte reprend pour l'essentiel un communiqué de presse (du 12 février 2008) du Collectif Europe et Médicament, auquel participe activement la revue Prescrire (réf. 9).
c- Les inspecteurs de l'IGAS envisagent, à titre dérogatoire, la possibilité de programmes d'"apprentissage", formation technique limitée dans le temps pour des traitements complexes, limités aux médicaments d'ASMR I ou II (réf. 2).
d- Le texte du programme du congrès sur l'observance, organisé à Londres en juin 2008, montre clairement, et sans hypocrisie, les motivations commerciales des firmes pharmaceutiques et de leurs conseillers marketing (réf. 1).

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Références
1- "Fifth annual Patient compliance & communication for pharma". Site www.eyeforpharma.com consulté le 11 février 2008 : 8 pages.
2- Duhamel G et coll. "Encadrement des programmes d'accompagnement des patients associés à un traitement médicamenteux, financés par les entreprises pharmaceutiques". Site lesrapports. ladocumentationfrancaise.fr consulté le 11 février 2008 : 96 pages.
3- Prescrire Rédaction "Programmes industriels d'"observance" : sans justification médicale". Site www.prescrire.org consulté le 11 février 2008 : 5 pages.
4- Prescrire Rédaction "Programmes d'"aide à l'observance" : ne pas confondre avec les plans de gestion des risques" Rev Prescrire 2007 ; 27 (289) : 815.
5- "Assemblée nationale XIIIe législature Session ordinaire de 2007-2008 Compte rendu intégral - Deuxième séance du mardi 5 février 2008". Site www.assemblee-nationale.fr consulté le 11 février 2008 : 1 page.
6- Prescrire Rédaction "15 ans d'observation et un constat : rien à attendre de la visite médicale pour mieux soigner" Rev Prescrire 2006 ; 26 (272) : 383-389.
7- Bras PL et coll. "L'information des médecins généralistes sur le médicament". Site lesrapports. ladocumentationfrancaise.fr consulté le 27 février 2008 : 252 pages.
8- "Programmes d'"accompagnement" des patients par les firmes pharmaceutiques : non merci !". Site www.prescrire.org consulté le 11 février 2008 : 1 page.
9- Collectif Europe et Médicament "Programmes d'"accompagnement" des patients par les firmes : l'IGAS doit être entendue" : 1 page.