Cette information
n'a pas contribué à redorer l'image d'une profession
dont une partie travaille pourtant activement à développer
son intégration dans la chaîne des professionnels de
santé. Mais elle n'a guère éclairé le
public sur les enjeux sous-jacents aux médicaments non utilisés
(MNU).
Les pharmaciens
qui se livrent à la revente de médicaments non utilisés
qui leur sont rapportés font une belle opération financière
en vendant une boîte qu'ils n'ont pas achetée. Ils exploitent
au maximum et sans scrupule un mode de rémunération
fondé sur la vente de boîtes de médicaments. Ce
dévoiement ne fera que renforcer la motivation des pharmaciens
qui se battent pour que l'on fasse évoluer leur rémunération
vers le service pharmaceutique rendu, et non sur le nombre de boîtes
vendues.
En regard, quelles
sont les victimes de la revente de médicaments non utilisés
? Pas vraiment les patients des pays démunis, puisque seule
une minorité des médicaments non utilisés leur
sont effectivement adressés (les autres étant incinérés),
et surtout parce que les médicaments non utilisés ne
répondent pas à l'essentiel de leurs besoins réels
en médicaments (1à4). Les organismes de protection sociale
ne sont pas non plus des victimes directes de ces reventes, puisqu'ils
auraient eu de toute manière à rembourser un nombre
équivalent de boîtes.
Les seules victimes
financières réelles de cette revente sont en fait les
firmes pharmaceutiques et les grossistes-répartiteurs, pour
lesquels chaque revente d'une même boîte représente
un manque à gagner.
Cyclamed, la structure
de récupération des médicaments non utilisés
via les pharmacies financée par les firmes pharmaceutiques,
pâtira vraisemblablement de ce scandale, parce que certains
patients auront désormais des doutes sur l'intérêt
"humanitaire" de l'opération, au point de ne plus
rapporter leurs médicaments non utilisés chez le pharmacien.
Pour avoir joué sur l'argument humanitaire, alors que sa raison
d'être est seulement environnementale (loi Lalonde de 1993),
Cyclamed risque de voir ses maigres résultats baisser encore.
Et les pouvoirs publics pourraient bien décider de faire payer
aux firmes pharmaceutiques la taxe sur l'élimination des emballages
(comme les autres industriels), si ceux-ci vont plutôt à
la poubelle qu'à la pharmacie.
Reste un préjudice
sanitaire potentiel dû à la rupture de la chaîne
pharmaceutique et aux risques que cela peut représenter pour
les patients (erreurs potentielles de reconditionnement dans les pharmacies,
risque de conservation dans des conditions défavorables chez
le patient, etc.). C'est-à-dire les mêmes risques que
font courir aux populations démunies les médicaments
non utilisés que leur envoient encore quotidiennement certains
organismes.
Les vraies victimes
de ce scandale sont en fait les pharmaciens qui exercent sérieusement,
ceux qui ne revendent pas les médicaments non utilisés
et qui ont compris que ces médicaments ne sont pas adaptés
non plus pour les pays démunis. Leur image se trouve injustement
ternie.
©La revue Prescrire 1er novembre
2004
Rev Prescrire 2004 ; 24 (255) : 779.
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Références
1- Prescrire Rédaction "Que faire des médicaments
non utilisés ?" Rev Prescrire 1987 ; 7 (63) : 133-137.
2- Prescrire Rédaction "Médicaments non utilisés
: détruire ou recycler ?" Rev Prescrire 1997 ; 17 (176)
: 599-603.
3- Prescrire Rédaction "Dons de médicaments :
primum non nocere" Rev Prescrire 1998 ; 18 (188) : 714-715.
4- Prescrire Rédaction "Médicaments non utilisés
- La fausse piste humanitaire" Rev Prescrire 2001 ; 21 (220)
: 624-625.
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