Revue Prescrire, article en une, Huiles essentielles réservées aux pharmaciens, janvier 2008
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Les huiles essentielles ne sont pas
des produits anodins.
 
Cinq huiles essentielles en plus sur la liste de celles dont la vente est réservée aux pharmaciens. Certaines exposent à des risques graves.
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Huiles essentielles réservées aux pharmaciens : la liste s'allonge
Rev Prescrire 2008 ; 28 (291) : 15.
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La liste des huiles essentielles relevant du monopole pharmaceutique
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Les huiles essentielles sont des mélanges de substances volatiles obtenues à partir d'une matière première végétale, généralement par entraînement à la vapeur (1). Ce sont des produits "concentrés", dont les propriétés ne sont pas superposables à celles de la plante dont ils sont extraits, et qui peuvent être à l'origine d'effets indésirables graves (2).
Depuis le milieu des années 1980, la vente de certaines huiles essentielles « ainsi que leurs dilutions et préparations ne constituant ni des produits cosmétiques (…), ni des produits à usage ménager, ni des denrées ou boissons alimentaires » est réservée aux pharmaciens (3).
La liste positive de ces huiles essentielles est fixée par décret (article L. 4211-1 du Code de la santé publique) (a).
Un décret du 3 août 2007 a ajouté cinq huiles essentielles à cette liste (4). Il s'agit des huiles essentielles de sassafras, de sabine, de rue, de chénopode vermifuge et de moutarde jonciforme (lire la liste des huiles essentielles réservées aux pharmaciens).

Les huiles essentielles ne sont pas
des produits anodins.

Les huiles essentielles sont lipophiles, et de ce fait rapidement absorbées, que ce soit par voie respiratoire, cutanée, ou digestive (2).
Plusieurs huiles essentielles, dont la vente est réservée aux pharmaciens, sont neurotoxiques à des doses relativement faibles en raison de la présence de thuyones (dans les huiles essentielles de thuya, d'absinthe, de tanaisie, de sauge officinale) ou de pinocamphone (dans l'huile essentielle d'hysope). Elles induisent des crises épileptiformes et tétaniformes, et des troubles psychiques et sensoriels (2).
Les huiles essentielles de sabine et moutarde jonciforme sont irritantes (2). L'acétate de sabinyle, un composant de l'huile essentielle de sabine, est tératogène et cette huile essentielle est interdite en cosmétologie (5).
Les huiles essentielles de thuya, de chénopode, et de moutarde sont parmi les plus toxiques par voie orale (2). L'huile essentielle de sassafras contient du safrole, cancérogène chez le rongeur (2).
La rue est phototoxique par ses furanocoumarines, qui provoquent des hyperpigmentations et dont le rôle dans la genèse des cancers cutanés est démontré (2).

Un encadrement bienvenu.
L'évaluation clinique des huiles essentielles est très limitée : les données disponibles quant à leurs effets indésirables se résument le plus souvent au profil toxicologique de certains de leurs composés, quand ils ont fait l'objet d'études pour leur usage en cosmétologie (6).
Compte tenu des effets indésirables de certaines huiles essentielles, l'encadrement de leur commercialisation sous la responsabilité des pharmaciens est bienvenu. Un contrôle systématique de l'identité du produit avant dispensation (b), l'encouragement des patients à respecter des doses raisonnables (c) et à ranger les huiles essentielles hors de portée des enfants sont des précautions minimales (2).

Les demandes d'"aromathérapie" sont une occasion de rappeler les risques de certaines huiles essentielles.

©Prescrire 1er janvier 2008
Rev Prescrire 2008 ; 28 (291) : 15.

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Notes
a- À l'inverse, la vente des plantes médicinales inscrites à la Pharmacopée est réservée aux pharmaciens, sauf dérogations établies par décret (liste "négative") (article L. 4211-1-5° et articles D. 4211-11 et D. 4211-12 du CSP).
b- La composition d'une huile essentielle est variable selon l'origine géographique, la saison de récolte, etc. (réf. 1). Un étiquetage informatif et une fiche de contrôle du lot, à demander au fabricant, sont indispensables pour s'assurer de son identité (réf. 7).
c- Par exemple : diluer l'huile essentielle dans une huile végétale (huile d'amande douce ou autre) avant application cutanée pour éviter d'irriter la peau, limiter l'ingestion à quelques gouttes maximum par voie orale (réf. 2).

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Références
1- Prescrire Rédaction "Huile essentielle ? Essence ?" Rev Prescrire 2007 ; 27 (286) : 621.
2- Bruneton J "Pharmacognosie - Phytochimie - Plantes médicinales" 3e éd, Tec & Doc, Paris 1999 : 1120 pages.
3- Prescrire Rédaction "Huiles essentielles (Faits divers)" Rev Prescrire 1984 ; 4 (38) : 14.
4- "Décret n° 2007-1198 du 3 août 2007 modifiant l'article D. 4211-13 du code de la santé publique relatif à la liste des huiles essentielles dont la vente au public est réservée aux pharmaciens" Journal Officiel du 8 août 2007 : 13280.
5- "Arrêté du 6 février 2001 fixant la liste des substances qui ne peuvent entrer dans la composition des produits cosmétiques" Journal Officiel du 23 février 2007 : 2948-2953.
6- Martini MC et Seiller M "Huiles essentielles". In "Actifs et additifs en cosmétologie" 3e éd, Tec & Doc, Paris 2006 : 189-229.
7- Prescrire Rédaction "Plantes : la qualité pharmaceutique avant tout" Rev Prescrire 2007 ; 27 (286) : 624-631.