La position du Collectif Europe et Médicament
sur la Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil
concernant les médicaments de thérapie innovante et modifiant la
Directive 2001/83/CE ainsi que le Règlement (CE) n°726/2004.
Un
statut de médicament bienvenu Dans la mesure où les produits
issus de l'ingénierie tissulaire sont « présentés
comme ayant des propriétés curatives ou préventives à
l'égard des maladies humaines ou comme pouvant être employés
chez l'homme ou administrés à celui-ci en vue de restaurer, corriger
ou modifier des fonctions physiologiques », il ne doivent pas échapper
à la définition du médicament et aux exigences qui en découlent.
La proposition de Règlement est claire sur ce point, et il est bienvenu
qu'aucune de ces "thérapies innovantes" ne soit considérée
comme un dispositif médical relevant d'une réglementation moins
contraignante.
Une AMM européenne centralisée
bienvenue Le principe d'une mise en commun des compétences au
niveau européen pour décider de l'autorisation de ces médicaments
est cohérent. Le recours à un Règlement plutôt qu'à
une Directive pour les encadrer est logique : il permettra une application rapide,
évitant le développement anarchique et insuffisamment contrôlé
de certaines thérapies.
Le Collectif relève
néanmoins dans la proposition cinq sujets d'inquiétudes Pour
que la proposition de Règlement offre toutes garanties aux patients, les
points suivants restent à clarifier :
transposition
inachevée des Directives sur lesquelles s'appuie la proposition de Règlement
: plusieurs directives récentes concernent les médicaments
de thérapie génique, de thérapie cellulaire, et d'ingénierie
tissulaire, et toutes ne sont pas encore effectivement transposées dans
les différents États membres. Il s'agit notamment de :
la Directive 2004/27/CE sur le médicament à usage humain (date limite
de transposition : 30 octobre 2005) ; les Directives 2004/23CE et 2006/17/CE
sur le don, l'obtention, le contrôle, la transformation, la conservation,
le stockage et la distribution des tissus et cellules humains (dates limites respectives
de transposition : 7 avril 2006 et 1er novembre 2006) ; la Directive
2005/28/CE concernant l'application des bonnes pratiques cliniques en ce qui concerne
les médicaments expérimentaux (date limite de transposition : 29
janvier 2006). Le Collectif Europe et Médicament considère qu'en
l'absence d'application de ces Directives, les garanties minimales de sécurité
pour les patients ne seront pas réunies. Un respect des délais de
transposition doit être demandé aux États membres.
risques
liés à une trop grande flexibilité : pour la Commission
européenne et les firmes pharmaceutiques, les techniques employées
pour fabriquer ces médicaments de "thérapies innovantes"
sont si particulières que les exigences réglementaires doivent pouvoir
à tout moment être adaptées et assouplies. La Commission insiste
sur la stratégie des "trois tiers" qui a guidé l'élaboration
de la proposition de Règlement : un tiers de cadre législatif, un
tiers de comitologie, un tiers de guidelines. Ainsi l'article 4 de la proposition
prévoit que la Commission européenne pourra adapter les bonnes pratiques
relatives aux essais cliniques. L'article 8 prévoit qu'elle pourra adapter
les exigences techniques relatives aux médicaments issus de l'ingénierie
tissulaire. Et l'article 24 prévoit qu'elle pourra adapter les 4 annexes
de la proposition de Règlement « à l'évolution
de la science et de la technique ». Tout en admettant la nécessaire
adaptation des textes à l'évolution de la science, sans passage
systématique devant le Parlement, le Collectif Europe et Médicament
considère que cette adaptation ne doit pas faire perdre de vue l'intérêt
des patients. Il convient donc d'inscrire dans le Règlement des obligations
très claires pour la Commission afin qu'elle rende compte des motifs d'adaptation
et des processus de décision (avec notamment la consultation des comités
scientifiques concernés).
risque
de non-représentation des patients : l'article 21 de la proposition
de Règlement précise la composition du Comité des thérapies
innovantes constitué au sein de l'Agence européenne du médicament.
Il est prévu d'inclure dans ce comité deux représentants
des patients. Mais selon la phrase suivante, « tous les membres du
comité (
) sont choisis pour leurs qualifications scientifiques ou
pour leur expérience en matière de médicaments de thérapie
innovante ». Le Collectif Europe et Médicament craint que
ces exigences excluent la plupart des représentants potentiels des patients
au comité.
risque
d'une insuffisance d'information des patients : les annexes au Règlement,
relatives au "résumé des caractéristiques du produit",
à l'"étiquetage" et à la "notice", dans
leur rédaction actuelle, sont très semblables à celles qui
s'appliquent aux médicaments classiques. Il est prévisible qu'elles
seront jugées inadaptées à certaines thérapies géniques,
thérapies cellulaires ou thérapies issues de cultures tissulaires.
Et le Règlement prévoit que c'est la Commission qui les adaptera.
Si des patients ne sont pas inclus dans le processus d'adaptation, on peut craindre
que des informations utiles leurs échappent, alors qu'ils sont les premiers
concernés. Le Collectif Europe et Médicament considère
que l'information destinée aux patients et aux soignants doit être
suffisante pour permettre des choix éclairés, et que les patients
doivent être associés à la définition des exigences
en la matière.
avantages
aux firmes pour quelle contrepartie ? Il est prévu que les firmes
mettant sur le marché des médicaments de thérapies innovantes
auront le droit de cumuler, le cas échéant, de multiples incitations
: protection des données (8+2+1), statut de médicament orphelin,
procédure d'évaluation accélérée, autorisation
de mise sur le marché conditionnelle, incitations financières spécifiques
(réduction de 90 % de la redevance pour la fourniture de conseils scientifiques
par l'Agence), aide administrative, etc. Le Collectif Europe et Médicament
considère qu'il est utile de stimuler la recherche de thérapies
innovantes, mais demande que soit mise en uvre une évaluation rigoureuse
de la contrepartie de ces incitations, non seulement en termes industriels, mais
surtout en terme de progrès thérapeutique pour les patients.
©Collectif
Europe et Médicament 1er avril 2006 |