Revue Prescrire, article en une, éthique information clinique avril 2006
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Charte pour une éthique de l'information clinique
 
L'association des utilisateurs francophones de la Classification internationale des soins primaires, association affiliée au WICC (Wonca International Classification Committee) est plus connue sous le nom de CISP-Club. Depuis 1998, le CISP-Club (www.cispclub.org) a tenu des ateliers annuels à Saint-Étienne, Nantes, Namur, Neuchâtel, Metz, Paris, Mons, Annecy et aux Sables d'Olonne, rencontres au fil desquelles a mûri la réflexion qu'il propose dans ce document.
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Charte pour une éthique de l'information clinique
Texte, bibliographie et liste complète des signataires disponibles sur le site du CISP-Club
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Charte publiée dans :
Revue Prescrire 2006 ; 26 (271) : 312-313.

(pdf, 134 Ko)
Accès libre
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Nous, membres du CISP-Club, professionnels de la santé ou informaticiens, familiers dans le traitement de l'information médicale,

DÉCLARONS

• êtres attachés à la relation thérapeutique au travers du colloque singulier ;
• promouvoir une utilisation éclairée par les professionnels de la santé des nouvelles technologies de communication ;
• vouloir attirer l'attention de nos collègues sur le devenir des données médicales (ou Informations personnelles de santé (IPS) ou nominatives) de nos patients ;
• reconnaître que les professionnels de la santé se trouvent souvent démunis devant la technicité de la mise en conformité des logiciels aux recommandations ;
• être vigilants quant à l'intrusion de tiers (État, politique, intérêts commerciaux, assurances, employeurs) dans le domaine de la vie privée pouvant entraîner à tout moment une rupture du secret professionnel ;
• être interpellés par les expériences malheureuses vécues par certains de nos collègues attentifs au droit à l'information du patient ;
• être interpellés par la valorisation commerciale croissante des IPS ;
• prendre en compte la complexité de la relation médicale à notre époque contemporaine.

RÉAFFIRMONS

clairement notre conviction dans les trois principes éthiques fondamentaux régissant tout traitement de données médicales, à savoir :
• respect de la vie privée ;
• confidentialité et secret professionnel ;
• consentement du patient.
Les trois principes ci-dessus sont développés et défendus dans plusieurs textes de référence,
dont nous pouvons conclure :

le patient

• est propriétaire des données médicales ; le dépositaire en est le professionnel de la santé. Dès lors, le patient peut à tout moment les consulter et les faire modifier. Il peut également les faire supprimer ;
• a droit à la confidentialité ;
• peut exiger que certaines IPS ne soient ni enregistrées ni divulguées (le dossier médical ne doit pas être exhaustif) ;
• donne son consentement à l'existence des IPS et à leurs utilisations ;
• est le partenaire des soins ;
• a droit à ne pas avoir connaissance de tous les éléments de son dossier, par respect de la protection due aux personnes vulnérables, et de façon plus générale au nom de la reconnaissance de la fragilité de l'humain ;

le professionnel de la santé

• est responsable des IPS qui lui sont confiées ;
• est garant de la confidentialité devant le patient ;
• respecte la volonté du patient d'exprimer une réserve quant à l'enregistrement et/ou la divulgation de certaines informations ;
• veille à informer le patient de l'utilisation des IPS qui le concernent ;
• remet, à sa demande, ses IPS au patient, celui-ci étant acteur de sa santé ;
• respecte le droit du patient à l'oubli ;

le fournisseur de services informatiques ou toute personne appelée à traiter des données personnelles de santé

• est responsable vis-à-vis du patient et du professionnel de la santé de l'utilisation qu'il fait des IPS ;
• est soumis au secret professionnel ;
• assure la priorité absolue à la confidentialité des IPS sur la convivialité ou la performance technique ;
• peut démontrer au professionnel de la santé que le traitement des IPS respecte le principe de confidentialité, y compris dans ses aspects techniques ;
• respecte la réserve exprimée par le patient et transmise par le professionnel de la santé concernant la gestion de ses IPS ;
• prévoit un document de consentement que le professionnel de la santé pourra soumettre au patient ;
• donne au professionnel de la santé les moyens d'informer le patient des résultats obtenus grâce au traitement de ses IPS ;
• peut expliciter clairement les modalités de conservation et de destruction des IPS originales après leur usage convenu avec le professionnel de la santé. Il applique ces modalités ;

les autres partenaires

• respectent le fonctionnement des acteurs tels que décrits ci-dessus ;
• respectent les principes construits au cours des siècles ayant permis de maintenir la confiance réciproque dans la relation patient-soignant en préservant le secret, base de toute approche thérapeutique depuis Hippocrate.

CEPENDANT, NOUS MEMBRES DU CISP-Club

soucieux de la nécessité de la recherche dans le domaine de la santé et convaincus de son importance pour la qualité des soins ; convaincus que l'outil informatique est indispensable à ce jour pour délivrer des soins de qualité ; certains que le partage des données personnelles, dont les données médicales, peut être un outil pour une plus grande efficience et une meilleure équité des soins ; attentifs à respecter le choix de tout professionnel de la santé à pratiquer dans la structure qui lui convient le mieux ; convaincus qu'il y a toujours lieu de contextualiser une donnée médicale,
• nous interpellons nos collègues afin qu'ils exercent leur jugement critique dans toutes les situations particulières auxquelles ils seront confrontés impliquant l'informatisation ou le partage des IPS ;
• nous les encourageons à divulguer tout manquement aux principes ci-dessus énoncés qu'ils pourraient rencontrer ;
• nous les encourageons à informer leurs patients et à respecter leurs choix.

Fait aux Sables d'Olonne, le 9 octobre 2005 ;
texte rédigé par :
Michel De Jonghe (généraliste à Tournai), Madeleine Favre (généraliste à Paris), Bruno Seys (généraliste à Bruxelles)
et édité par :
Marc Jamoulle (généraliste à Charleroi).
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Textes de références
• trois textes fondamentaux en éthique : Déclaration d'Helsinski, 1964 ; Association médicale mondiale, Déclaration de Lisbonne, 1981 ; Groupe européen d'éthique, Aspects éthiques de l'utilisation des données personnelles de santé dans la société de l'information, 1999.
• textes internationaux : Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948, art. 12 ; Convention européenne des Droits de L'Homme : Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, art 8 paragraphe 1 ; Charte européenne des Droits fondamentaux de l'Union européenne, art. 3 et 8.
• textes nationaux : Recommandations relatives à la tenue de bases de données médicales contenant des données nominatives ou identifiables, Conseil national de l'Ordre de médecins (Belgique), 1997.
• documents de synthèse : Chevalier S. Ethique et informatique, la protection des données médicales informatisées. 2003.
• autres documents : Répertoriés dans la bibliographie.