Revue Prescrire, article en une, Agents chimiques cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques utilisés en France, juillet 2008
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Agents chimiques cancérogènes, mutagènes
ou reprotoxiques utilisés en France
   
En France, environ 2,5 millions de salariés semblent exposés à ces agents.
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Agents chimiques cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques utilisés en France
Rev Prescrire 2008 ; 28 (297) : 546-547.
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Les conséquences sur la santé de l'exposition professionnelle aux agents chimiques cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques sont peu ou mal évaluées. En ce qui concerne les cancers, la part attribuée à une origine professionnelle est difficile à préciser, et généralement estimée entre 4 % et 8,5 % des cancers dans les pays industrialisés. Seule une faible proportion est reconnue comme maladie professionnelle.

Trois enquêtes apportent des informations sur l'utilisation des agents chimiques cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques dans le milieu du travail en France durant les années 2000.

Les agents chimiques cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques font l'objet d'une classification réglementaire de l'Union européenne. Dans chacune des trois classes, trois catégories sont distinguées en fonction du degré de connaissances et de certitudes que l'on a sur la substance ou la préparation : la catégorie 1 correspond aux substances avec un effet certain pour l'Homme ; la catégorie 2, aux substances avec un effet probable ; et la catégorie 3, aux substances avec un effet possible, mais pour lesquelles les informations disponibles sont insuffisantes.

En ce qui concerne les agents cancérogènes, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) utilise une classification en 5 catégories allant des cancérogènes avérés (catégorie 1) aux agents probablement non cancérogènes. La classification du CIRC prend aussi en compte des circonstances d'exposition jugées cancérogènes. Elle est établie à partir de critères uniquement scientifiques et n'a pas de portée réglementaire. Les classifications de l'Union européenne et du CIRC ne coïncident pas toujours. De plus, certains agents figurant dans celle du CIRC ne figurent pas dans la classification européenne.

Environ 5 millions de tonnes d'agents chimiques cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques sont utilisés en France en 2005.

Les secteurs de la chimie, de la pharmacie, de la fabrication de matières plastiques, des peintures et des vernis sont les premiers consommateurs d'agents chimiques cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques. Le secteur de l'industrie pharmaceutique utilise une grande variété de ces agents, en petites quantités, moins de 10 000 tonnes par an au total. En considérant comme potentiellement exposés les salariés manipulant directement un de ces agents ou travaillant dans un atelier où est mis en œuvre un de ces agents, et sans préjuger du niveau d'exposition réel, la population potentiellement exposée dans le secteur de l'industrie pharmaceutique et des médicaments est estimée à plus de 100 000 salariés.

Un quart des salariés exposés aux cancérogènes le sont de façon importante. En ce qui concerne les agents cancérogènes, les secteurs les plus exposés étaient ceux de l'automobile, de la métallurgie, des industries du bois et du papier, des produits minéraux et de la construction.

Parmi les salariés exposés aux cancérogènes : la proportion d'hommes était 4 fois plus importante (20,4 % des hommes exposés versus 4,3 % des femmes) ; 70 % étaient ouvriers ; les jeunes apprentis ou en contrat de formation et les intérimaires étaient en proportion plus importante que les salariés en contrat à durée déterminée ou indéterminée.

Les valeurs limites d'exposition étaient atteintes ou dépassées pour 15 % des expositions. Pour 39 % des expositions, aucune protection collective n'était mise en place dans l'entreprise.

Globalement, selon un score résultant de la durée hebdomadaire d'exposition et de son intensité (en tenant compte des protections collectives, mais pas des protections individuelles), l'exposition aux cancérogènes était estimée importante pour plus du quart de la population exposée.

Les mesures réglementaires de prévention sont négligées. En application des directives européennes, les mesures de protection concernant les salariés exposés aux agents chimiques cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques ont été définies par décret en 2001, complétées en 2003. Elles portent sur l'évaluation des risques par les employeurs, les mesures techniques de prévention (notamment la substitution par un agent moins dangereux), les mesures de protection collective et individuelle, l'identification des salariés exposés, leur information et leur suivi.

En 2006, un contrôle du respect de cette réglementation a été réalisé par le ministère du Travail et la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts), avec l'appui technique de l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS).

Les mesures d'hygiène telles que le nettoyage des zones de travail ou la mise à disposition de vêtements de travail appropriés, étaient mises en place par respectivement 62 % et 65 % des établissements. Une visite médicale annuelle des travailleurs exposés était réalisée dans 70 % des établissements.

La sous-information est générale. Une formation ou une information adaptées étaient effectives dans 42 % des établissements.
Les mesures les moins appliquées concernaient l'établissement d'une notice de poste de travail (informant le travailleur des mesures d'hygiène applicables et des consignes d'utilisation des équipements de protection), effective dans seulement 22 % des établissements contrôlés ; la fiche d'exposition individuelle, présente dans 16 % des établissements ; et l'attestation d'exposition aux agents chimiques (remplie par l'employeur et le médecin du travail et qui doit être remise au travailleur à son départ de l‘établissement), mise en place dans 9 % des établissements.

Entré en vigueur le 1er juin 2007, le Règlement européen Reach prévoit un système de contrôle global des substances chimiques et une procédure d'autorisation pour la mise sur le marché des sub­stances "préoccupantes" pour la santé, dont les agents cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques des catégories 1 ou 2 de l'Union européenne. L'avenir dira si l'exposition des salariés s'en trouve réduite. En attendant, un large effort des employeurs est encore nécessaire pour appliquer les mesures réglementaires de protection des salariés.

©Prescrire 15 juillet 2008
Rev Prescrire 2008 ; 28 (297) : 536-541