Revue Prescrire, Cahier Législation européenne sur le médicament veille décembre 2005
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Europe et médicamenteurope et médicament
Europe et Médicament :
Veiller à l'application réelle des textes
 
Le 30 octobre 2005, la Directive 2004/27/CE aurait dû être transposée en droit français. Au 2 novembre 2005, elle ne l'est que très partiellement.
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Transposition de la directive 2004/27/CE sur le médicament : la France en retard

Selon l'article 249 du Traité instituant la Communauté européenne, une directive « lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens » (1). La "transposition" consiste à incorporer dans le droit national de chaque État les obligations, les droits et les devoirs prévus dans les directives, en modifiant, en abrogeant, voire en créant des dispositions nationales (2).

Des mesures intéressant surtout firmes et agences

Pour la Directive 2004/27/CE sur le médicament, qui modifie de manière notable le cadre législatif européen du médicament, la date limite de transposition était fixée au 30 octobre 2005 (3). Mais au 7 novembre 2005, seules quelques dispositions intéressant firmes et agences ont été prises, en France, dans le sens de la Directive.

Une définition plus détaillée et pourtant vague du médicament générique
La loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie a complété la définition du médicament générique qui figure dans l'article L.5121-1- 5e du Code de la santé publique (CSP). Désormais, pour l'application de cet article, « les différents sels, esters, éthers, isomères, mélange d'isomères, complexes ou dérivés d'un principe actif sont considérés comme un même principe actif, sauf s'ils présentent des propriétés sensiblement différentes au regard de la sécurité ou de l'efficacité. Dans ce cas, des informations supplémentaires fournissant la preuve de la sécurité et de l'efficacité des différents sels, esters ou dérivés d'une substance active autorisée doivent être apportées » (4). Cette définition, qui correspond bien à l'article 10-2-b de la Directive 2004/27/CE, est le résultat contourné d'un compromis entre partisans des firmes pharmaceutiques qui commercialisent des génériques et partisans des autres firmes. Nous avons déjà eu l'occasion de souligner que cette définition pourra donner lieu à des interprétations variées sur fond de protectionnisme industriel (5).

Des ruptures de stock mieux maîtrisées ?
Sans que l'on sache s'il s'agit d'un effet de la Directive 2004/27/CE (article 23 bis), la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique a complété, dans l'esprit de la Directive, l'article L.5124-6 du CSP relatif au signalement des arrêts de commercialisation par les firmes à l'Agence des produits de santé (Afssaps). Désormais, les firmes doivent « en outre informer l'Agence (…) de tout risque de rupture de stock sur un médicament ou produit sans alternative thérapeutique disponible (…) ainsi que tout risque de rupture de stock (…) lié à l'accroissement brutal et inattendu de la demande » (6). On note que, selon l'article 23 bis de la Directive, la notification des arrêts de commercialisation ou ruptures de stock doit avoir lieu « hormis dans des circonstances exceptionnelles » au plus tard deux mois avant l'interruption. En France, l'article L.5124-6 du CSP ne fixe pas de délai.

Un cadre plus précis pour les modifications des autorisations de mise sur le marché
Un décret du 18 février 2005 a modifié le chapitre du CSP relatif aux autorisations de mise sur le marché (AMM) (7). On trouve désormais dans les articles R.5121-41-1 à 7 du CSP la définition des différentes modifications d'AMM, alias "variations", selon leur importance croissante (IA, IB et II). Y apparaît aussi le concept d'AMM globale regroupant les autorisations de toutes les formes, tous les dosages, toutes les présentations, mais aussi toutes les indications concernant une même substance active. Cette nouveauté aura notamment des conséquences sur les AMM octroyées à des médicaments génériques : une fois écoulé le délai de protection des données relatives à un "princeps", des génériques pourront être commercialisés sous les mêmes formes, dosages, etc., et avec les mêmes indications que le "princeps".

Des mesures de restriction d'urgence pour raisons de sécurité
Le décret du 18 février 2005 a également précisé comment une AMM peut être modifiée par une "mesure de restriction urgente" pour des raisons de sécurité ou en cas de risque pour la santé publique (7). Il peut s'agir de restrictions des indications ou de la posologie, ou de l'ajout d'une mise en garde, d'une précaution d'emploi, etc. Selon l'article R.5121-41-6, ces mesures peuvent être prises par la firme, qui doit en informer l'Afssaps, ou par le Directeur général de l'Afssaps. Ces dispositions vont bien dans le sens de la Directive 2004/27/CE, mais on peut remarquer que le Directeur général de l'Afssaps avait déjà auparavant la possibilité de « modifier d'office, suspendre (…) ou retirer une autorisation de mise sur le marché » selon l'article R.5121-47 (ex-article R.5139) du CSP. En cas d'urgence, il pouvait même déjà le faire sans que le titulaire de l'AMM soit invité à fournir des explications.
Pour l'instant, ce renforcement des textes surprotégeant l'Afssaps dans les cas où elle agirait sur une AMM n'a pas conduit à beaucoup de mesures de restriction spectaculaires.

À quand la transposition de ce qui intéresse directement patients et soignants ?

Au 2 novembre 2005, il reste beaucoup à faire pour que l'ensemble de la Directive 2004/27/CE soit intégré dans le droit français. Ainsi, dans des domaines aussi importants que la transparence de l'Agence française des produits de santé ou l'information des patients, tout reste à faire.

Toujours pas d'obligation de transparence pour l'Afssaps dans le droit français
Selon l'article 21 de la Directive : « Les autorités compétentes [NDLR : en France, l'Afssaps] rendent sans retard l'autorisation de mise sur le marché publiquement accessible (…) » et elles « mettent sans retard à la disposition du public le rapport d'évaluation et les raisons justifiant leur avis (…). Les motifs sont indiqués séparément pour chaque indication demandée » (3). Pour le moment, l'article L.5311-1 qui liste les missions de l'Afssaps est beaucoup moins précis.
Quant aux dispositions de l'article 126 ter de la Directive : « (…) les États membres veillent à ce que l'autorité compétente rende accessible au public (…) l'ordre du jour de ses réunions, les comptes rendus assortis des décisions prises, des détails des votes et des explications de vote, y compris les opinions minoritaires », elles restent à créer en France (3).

Toujours pas de disposition visant à améliorer les notices et l'étiquetage
Selon l'article 56 bis de la Directive, « le nom du médicament [NDLR : nom de marque, dosage, forme, DCI] doit (…) figurer en braille sur l'emballage (…) ". Et selon l'article 59-3, « la notice doit refléter les résultats de la consultation de groupes cibles de patients, afin de garantir sa lisibilité, sa clarté et sa facilité d'utilisation ». L'article 61-1 précise que sont fournis à l'autorité compétente « les résultats des évaluations [NDLR : des conditionnements] réalisées en coopération avec des groupes cibles de patients » (3). Aucune obligation de ce type n'existe pour le moment dans la réglementation française.

Des mesures novatrices, concernant directement les professionnels de santé et les patients, sont toujours attendues. Certes, la France est souvent en retard en matière de transposition de Directives européennes, et pas seulement dans le domaine du médicament (a)(8). Mais il ne s'agit pas que les autorités françaises "oublient" qu'elles ont un devoir de transposition, en particulier quand les mesures à prendre vont dans le sens de la santé publique.

©La revue Prescrire 1er décembre 2005
Rev Prescrire 2005 ; 25 (267) : 817-818.

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Notes
a- La création par un décret du 17 octobre 2005 du Comité interministériel sur l'Europe et du Secrétariat général des affaires européennes, chargé notamment du suivi interministériel de la transposition des directives, devrait stimuler un peu les ministres concernés (réf. 9). Avant ce décret, les structures administratives françaises chargées de la transposition des directives avaient été mises en place et organisées au moyen de circulaires successives (réf. 2).
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Références
1- Union européenne "Versions consolidées du traité sur l'Union européenne et du traité instituant la Communauté européenne" février 2003 : 132.
2- "La transposition des normes communautaires en droit national : un mécanisme administratif et juridictionnel". In : Sauron J-L "L'application du droit de l'Union européenne en France" La documentation française, Paris 2000 : 41-68.
3- "Directive 2004/27/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 modifiant la Directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain" Journal Officiel de l'Union européenne du 30 avril 2004 : L136/34 - L136/57.
4- "Loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie" Journal Officiel du 17 août 2004 : 14598-14626.
5- Prescrire Rédaction "Génériques : quelles limites tolérées à la bioéquivalence ?" Rev Prescrire 2005 ; 25 (257) : 75-76.
6- "Loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique" Journal Officiel du 11 août 2004 : 14277-14336.
7- "Décret n° 2005-156 du 18 février 2005 relatif aux modifications d'autorisation de mise sur le marché de médicaments à usage humain et modifiant le code de la santé publique (deuxième partie : partie Réglementaire)" Journal Officiel du 23 février 2005 : 3000-3002.
8- Assemblée nationale "Rapport d'information déposé par la Délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne sur la transposition des directives européennes" 6 juillet 2005 : 201 pages.
9- "Décret n° 2005-1283 du 17 octobre 2005 relatif au comité interministériel sur l'Europe et au secrétariat général des affaires européennes" Journal Officiel du 18 octobre 2005 : 16488.