Revue Prescrire, Cahier Penser et prescrire en DCI octobre 2005
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Les limites de l'utilisation de la DCI
 
Dans certains cas, peu fréquents, prescrire en DCI peut avoir plus d'inconvénients que d'avantages.
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Distinguer traitements ponctuels et traitements au long cours
Prendre en compte les excipients à effet néfaste potentiel
Prendre en compte les facteurs psychologiques
La non-bioéquivalence fait parfois courir un risque clinique
Une modification de l'aspect du médicament risque de troubler le patient
Prendre en compte le choix du patient
En pratique : les limites pharmacothérapeutiques de la prescription en DCI

Distinguer traitements ponctuels
et traitements au long cours

Les traitements ponctuels sont le domaine de prédilection de la prescription en DCI. Lorsqu'un patient a besoin d'un traitement ponctuel, de durée relativement courte, pour traiter par exemple une infection aiguë, ou une douleur aiguë liée à un traumatisme, l'essentiel tient dans le choix de la substance active et de la posologie. On ne risque pas alors de perturber les habitudes thérapeutiques du patient, ni de modifier des taux plasmatiques antérieurement stabilisés.
Lorsqu'il s'agit d'instaurer un traitement de longue durée, on se retrouve dans la situation décrite ci-dessus : le patient n'a encore jamais pris le médicament. On peut, comme pour un traitement ponctuel, choisir une forme adaptée, vérifier l'absence de risque connu lié à un excipient, écarter tout obstacle psychologique, et prescrire en DCI.
Lors du premier renouvellement du traitement, la prescription est à reconduire si le médicament a été bien supporté et a eu l'efficacité attendue. Elle peut, là encore, se faire en DCI, mais divers arguments pharmacocinétiques, psychologiques ou pratiques peuvent nécessiter de prescrire plutôt, sous son nom commercial, la spécialité déjà prise par le patient, ou de dispenser cette spécialité et pas une autre, même si l'ordonnance est rédigée en DCI.

Prendre en compte les excipients
à effet néfaste potentiel

Chaque soignant connaît des patients (enfants ou adultes) que gênent certains arômes ou odeurs. Pour aider alors à la bonne acceptation du traitement, le prescripteur ou le pharmacien peut facilement exclure les spécialités en contenant.

Formes pharmaceutiques. D'autres patients apprécient, pour des raisons personnelles, culturelles, religieuses ou autres, des formes pharmaceutiques plus que d'autres : sèches plutôt que buvables, crèmes plutôt que solutions topiques, formes non alcoolisées, ou sans gélatine d'origine animale, etc. D'autres encore peuvent être contrariés par le conditionnement d'un médicament : flacon de collyre difficile à ouvrir, seringue doseuse peu explicite, etc.
Prescripteurs et pharmaciens doivent tenir compte de tous ces éléments, tout en vérifiant que la forme préférée n'expose pas à des risques inutiles : risques liés à une injection intramusculaire plutôt qu'à une prise orale par exemple.

Excipients. Mises à part ces questions pratiques ou de "confort", certains patients doivent éviter des excipients tels que saccharose, alcool éthylique, sodium, potassium, par exemple (s'il y a contre-indications ou risques d'interactions) ; ou encore certains conservateurs tels que dérivés mercuriels ou ammoniums quaternaires en ophtalmologie, sulfites par voie injectable, lanoline en application sur la peau, par exemple (quand le patient a une allergie connue).

Dans ces différents cas, la DCI ne suffit pas forcément à définir correctement le médicament adapté, exempt de tel ou tel inconvénient. Il faut être plus précis. Et le plus simple peut consister alors à choisir précisément une spécialité pharmaceutique qui ne présente pas ces inconvénients.

Prendre en compte les facteurs psychologiques
La prescription en DCI peut éclairer la plupart des patients ; ou même renforcer leur confiance dans un médicament mieux connu, et dans les professionnels qui prescrivent et dispensent ce médicament. Elle peut cependant en inquiéter d'autres, même lors de traitements ponctuels.
Le nom de marque d'une spécialité déjà utilisée avec satisfaction par un parent peut avoir un effet favorable et faciliter l'adhésion au traitement. À l'inverse, les critiques de l'entourage sur tel autre nom de marque peuvent être à l'origine d'une méfiance néfaste. Quand ces réticences s'avèrent insurmontables, il peut être préférable pour le prescripteur de désigner une spécialité précise, ou pour le pharmacien de choisir, à partir d'une prescription en DCI, le nom de marque qui est bien accepté par le patient.

La non-bioéquivalence fait parfois courir
un risque clinique

Les définitions de la bioéquivalence de deux médicaments diffèrent en partie selon les sources, mais se rejoignent sur l'essentiel. Ainsi, en France, le Code de la santé publique (article R. 5121-1) appelle bioéquivalence : « l'équivalence des biodisponibilités », et biodisponibilité : « la vitesse et l'intensité de l'absorption dans l'organisme à partir d'une forme pharmaceutique, du principe actif ou de sa fraction thérapeutique destinée à devenir disponible au niveau des sites d'action ».

La stricte bioéquivalence est rarement indispensable pour assurer la bonne continuité d'un traitement. Mais, dans certaines situations, elle doit être recherchée afin d'éviter un risque de surdosage (avec effets indésirables éventuels), ou de sous-dosage (avec inefficacité éventuelle). C'est le cas des médicaments à marge thérapeutique étroite et/ou chez certains patients à risque particulier.

Même si les publications d'incidents liés à l'absence de bioéquivalence et ayant eu un impact clinique tangible sont rares, les recommandations en vigueur dans de nombreux pays convergent : soit éviter de changer de spécialité pour ces médicaments et chez ces patients ; soit accompagner le changement d'une surveillance accrue et d'une information du patient sur les risques encourus.

Certaines formes pharmaceutiques et voies d'administration ne permettent pas facilement de démontrer une bioéquivalence par les méthodes classiques. C'est notamment le cas lorsque les concentrations plasmatiques atteintes sont faibles (avec des formes pour application locale ou des aérosols-doseurs par exemple).
C'est également le cas avec toutes celles qui impliquent un apprentissage spécifique d'utilisation (par exemple les dispositifs inhalateurs), qu'il serait regrettable d'imposer de façon réitérée aux patients, et qui peut s'avérer source d'erreurs.

Une modification de l'aspect du médicament
risque de troubler le patient

Les détracteurs de la prescription en DCI citent souvent les personnes âgées ou atteintes d'affections psychiatriques comme exemples de patients chez lesquels tout changement de spécialité est risqué. Il est possible en effet de perturber une personne non avertie, psychologiquement fragile ou atteinte de troubles de la mémoire ou de l'attention, en changeant ne serait-ce que la couleur des comprimés.
Cependant, il revient toujours aux prescripteurs, aux pharmaciens et aux autres soignants de porter leur attention sur le niveau d'information de ces personnes, en tâchant de l'élever, et sur la manière dont elles utilisent leurs médicaments.
Même si la prescription n'est pas en DCI mais en nom commercial, il faut expliquer, surveiller et préparer aux changements de conditionnement, de couleur, de forme, de sécabilité, etc. qui surviennent de temps à autre, y compris pour une même spécialité.
Ces changements ne sont pas toujours clairement et largement annoncés par les firmes pharmaceutiques, et requièrent beaucoup d'attention, notamment lors de la dispensation.

Prendre en compte le choix du patient
Il est normal qu'à partir d'une prescription en DCI (ou en nom de marque), le patient lui-même puisse demander à choisir parmi différentes spécialités contenant la même substance, à la même dose, et pour la même voie d'administration, en exprimant ainsi sa préférence en matière de forme, d'arôme, de prix, etc.
C'est par exemple le cas pour les antalgiques courants (une personne peut ainsi préférer une certaine forme orale de paracétamol). Il arrive également que des patients demandent des spécialités dont ils savent le coût moins élevé.

©La revue Prescrire 1er octobre 2005