Prescrire, article en une, Sécurité des soins : Recommandations du Conseil de l'Europe, janvier 2009
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Sécurité des soins : les recommandations
du Conseil de l'Europe
   
En complément à la position de l'IMSN (ex-Inspmc), nous résumons ci-dessous le rapport du Conseil de l'Europe sur la prévention des erreurs médicamenteuses.
Pour en savoir plus
 


Sécurité des soins :
les recommandations
du Conseil de l'Europe

Rev Prescrire 2009 ; 29 (303) : 67-68.
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La Commission européenne enfin concernée par la sécurité des soins
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Sécurité des soins :
la réponse de l'IMSN
à la consultation européenne de 2008
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Un rapport sur la prévention des erreurs médicamenteuses a été élaboré en 2006 par le Groupe ad hoc sur la sécurité des traitements médicamenteux missionné par le Conseil de l'Europe (a). Il complète une annexe de la Recommandation Rec(2006)7 du Conseil de l'Europe du 24 mai 2006, intitulée "Sécurité de la médication - Une stratégie spécifique en vue de promouvoir la sécurité des patients" (b)(1,2).

Tirer les leçons des erreurs médicamenteuses. Le Conseil de l'Europe invite les États membres : à mettre en œuvre des systèmes de recueil et d'analyse des erreurs liées au médicament à tous les niveaux, en soins primaires autant qu'en milieu hospitalier, au niveau local (par exemple réseau de soins ou établissement de santé), national et européen ; à établir un centre national de référence sur la prévention des erreurs médicamenteuses, distinct du système de pharmacovigilance, mais fonctionnant en coopération étroite avec ce dernier ; à organiser une coordination européenne, confiée par exemple à la Direction européenne de la qualité du médicament et soins de santé, car la prévention des erreurs médicamenteuses s'étend bien au-delà des attributions des agences nationales et européenne limitées au médicament et à certains dispositifs médicaux d'administration des médicaments.

Évaluer la sécurité des pratiques. Le rapport propose d'évaluer les risques d'erreur médicamenteuse de façon pragmatique : en cours de soins, avec la détection précoce des événements indésirables (alias "événements traceurs") ; systématiquement, lors de la mise en œuvre d'améliorations de la prise en charge thérapeutique médicamenteuse du patient ; collectivement et de manière comparative, sur la base d'auto-évaluations de la sécurité des soins médicamenteux ; périodiquement, en établissant un bilan et des priorités au niveau de chaque structure de soins. Les niveaux locaux et régionaux devraient être aidés par les centres nationaux de référence sur la prévention des erreurs médicamenteuses, chargés de disséminer les outils et l'information pour la réduction des risques, à l'instar de ce qui se fait au Royaume-Uni avec la National Patient Safety Agency (NPSA).

Préférer la DCI et renforcer sa sécurité. S'agissant des noms des spécialités pharmaceutiques, le rapport : recommande l'usage de leur vrai nom, c'est-à-dire de la dénomination commune internationale (DCI) plutôt que du nom commercial ; préconise de compléter le travail déjà réalisé par le Programme DCI de l'OMS par des méthodes d'analyse prévisionnelle systématique des risques de confusion en situations de soins, pour en renforcer la sécurité ; rappelle l'existence d'une procédure de révision en cas d'erreurs dues à une DCI, pas toujours surmontables par l'emploi simultané de la DCI et du nom commercial correspondant ; et incite à la participation active aux enquêtes publiques relatives aux DCI proposées (3).

L'évaluation avant mise sur le marché des risques de confusion entre noms commerciaux, beaucoup plus importants qu'entre DCI, ne devrait pas se limiter à un dépistage élémentaire des risques d'homonymie ou d'homophonie avec des DCI ou d'autres noms de marque, mais comporter aussi des essais par des utilisateurs, soignants et patients, en situations de soins.

Les agences du médicament sont incitées à préciser et à rendre publics leurs critères d'évaluation, leurs motifs de rejet éventuels, et les méthodologies des évaluations que les firmes devraient produire à l'appui de leur demandes d'AMM (4).

Rendre les conditionnements plus sûrs. C'est dès la conception du conditionnement d'un médicament que sa sécurité d'emploi doit être prise en considération en vue d'une future AMM. Le rapport insiste sur l'évaluation systématique du risque d'erreur liée au conditionnement, incluant des utilisateurs, soignants et patients, en situations de soins. À cet effet, le rapport fournit une grille très proche de celle utilisée par l'atelier conditionnement Prescrire.

Parmi les nombreuses recommandations pour l'amélioration des conditionnements, on retrouve : l'étiquetage individuel complet de chaque dose ; la systématisation des présentations unitaires prêtes à l'emploi ou à l'administration ; la présentation claire des mentions élémentaires sur au moins 3 des faces du conditionnement secondaire (boîte), en réservant une surface suffisante pour l'apposition systématique des mentions manuscrites ou d'une "étiquette de dispensation" comportant des informations personnalisées relatives au traitement du patient ; l'emploi de caractères de tailles très lisibles ; des descriptions plus explicites des dosages et concentrations ; la proéminence de la DCI ; le discernement dans l'emploi des graphismes, des pictogrammes et des couleurs, avec des réserves particulières à l'égard des codes-couleur faussement sécurisants ; l'abandon des conditionnements multilingues inintelligibles ; etc.

Améliorer la pratique des traitements médicamenteux. En raison de l'organisation complexe des soins médicamenteux, les erreurs médicamenteuses dépendent largement des relations humaines nouées entre soignants, entre soignants et soignés, de la qualité et de leurs capacités de communication, de leur perception du risque d'erreur.

Parmi les recommandations les plus nécessaires : prendre en compte le risque d'erreur lors de la sélection d'un médicament dans sa liste personnelle ou dans celle d'un établissement de santé ; réunir tous les éléments disponibles relatifs à des traitements antérieurs avant de prescrire un nouveau médicament ; proscrire, dans les lieux de soins, le stockage de médicaments "à haut risque" tels que les électrolytes concentrés, en préférant des solutés injectables prêts à l'emploi ; effectuer sytématiquement la consolidation du traitement en cours d'un patient, à chaque transition dans le parcours de soins du patient (hospitalisation, sortie, départ en vacances et autres circonstances) ; etc.

Ce rapport est une synthèse méthodique et critique des recommandations disponibles. Par exemple, il met en garde vis-à-vis du "tout informatique" dont la balance bénéfices-risques est loin d'être démontrée en matière de prescription électronique. Il insiste aussi sur le caractère multidisciplinaire de la démarche d'amélioration des pratiques liées aux traitements médicamenteux, et l'importance de faire comprendre les mécanismes de sécurité dès la formation initiale des soignants.

En somme : une ressource pour l'action. Ce rapport public offre des solutions accessibles aux soignants européens pour réduire le nombre de victimes d'erreurs médicamenteuses et la gravité des effets indésirables évitables.

En affirmant que « l'accès à des soins sûrs est le droit fondamental de chaque citoyen dans tous les États membres » (1), le Conseil de l'Europe joue son rôle de garant de la santé des européens.

©Prescrire 15 janvier 2009
Rev Prescrire 2009 ; 29 (303) : 67-68.

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Notes
a- À ne pas confondre avec l’Union Européenne (27 États), le Conseil de l’Europe est la plus ancienne organisation politique continentale, fondée en 1949. Il regroupe 47 États membres ; son Assemblée Parlementaire est constituée de 318 représentants issus des 47 parlements nationaux et siège à Strasbourg, où se trouve aussi un siège du Parlement européen. L’organe de prise des décisions du Conseil de l’Europe est le Comité des ministres, constitué des 47 ministres des affaires étrangères des États membres.
b- Le Groupe ad hoc sur la sécurité des traitements médicamenteux a été missionné pour une période de 2 ans (2004-2006) par le Comité d’experts des questions pharmaceutiques, une instance fonctionnant dans le cadre de l’Accord partiel dans le domaine social et de la santé publique du Conseil de l’Europe. Cet "Accord partiel" est un traité international regroupant 19 des 47 États membres du Conseil de l’Europe. Il a également permis de concevoir la Convention pour l’élaboration d’une pharmacopée européenne, gérée par la Direction européenne de la qualité du médicament et soins de santé (alias EDQM : European Directorate for the Quality of Medicines & HealthCare) (réf. 2).
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Références
1- Conseil de l’Europe "Recommandation Rec(2006)7 du Comité des Ministres aux États membres sur la gestion de la sécurité des patients et de la prévention des événements indésirables dans les soins de santé" 24 mai 2006 : 15 pages.
2- Council of Europe - Expert Group on Safe
Medication Practices "Creation of a better medication safety culture in Europe : Building up safe medication practices" March 2007: 278 pages.
3- Prescrire Rédaction "Chapitre 1, la DCI : un langage commun, intelligible et international" Rev
Prescrire 2000 ; 20 (209) : 607-608.
4- Prescrire Rédaction "Confusion entre noms commerciaux : entretenue par les agences du médicament" Rev Prescrire 2007 ; 27 (290) : 941-945.