C'est sur le
terrain de l'intérêt des malades, de la qualité
des soins à donner, de la pertinence des moyens mis en uvre,
qu'il faut ramener l'économie de santé et le prix
des choses. Et sur ce terrain, les soignants ont beaucoup à
dire, dans leur langage, en gardant les pieds sur terre.
Mieux vaut prévenir
que guérir : une part importante de l'énergie humaine
et des moyens financiers collectifs de nos sociétés
doit être consacrée à la prévention primaire
(alimentaire, comportementale, infectieuse, toxicologique, accidentelle),
à son évaluation, à sa mise en uvre.
Ce n'est pas le cas actuellement.
Mieux vaut être
bien portant que faux malade : la population et les soignants doivent
garder clairement à l'esprit les vrais enjeux de santé,
l'évolution naturelle des maladies, les limites des bénéfices
attendus, les risques possibles de toute action présentée
comme "thérapeutique". La balance bénéfices-risques
des dépistages systématiques et des incitations à
tout traiter doit être au cur de la réflexion.
Mieux vaut un
tiens que deux tu l'auras : mieux vaut un outil efficient bien maîtrisé,
qu'un mirage fût-il "technologique".
En 50 ans, une
accumulation considérable de nouveautés techniques,
médicamenteuses, radiologiques, chirurgicales, ont transformé
les moyens diagnostiques et thérapeutiques à la disposition
des soignants ; ces moyens sont loin d'être aujourd'hui correctement
évalués et utilisés, ce qui engendre une véritable
épidémie iatrogène. Investir dans la formation
rigoureuse des professionnels, dans la cohérence des circuits
de soins, dans l'évaluation des stratégies diagnostiques
et thérapeutiques, et dans la prévention des erreurs
s'impose dorénavant.
Dans ce contexte,
vivent les vrais progrès thérapeutiques correspondant
à de réels besoins. Ils peuvent être petits
ou grands, s'adresser au grand nombre ou à un groupe restreint
de patients, consister en des effets bénéfiques espérés,
en des effets indésirables diminués, en des modalités
d'utilisation plus sûres ou plus simples, ou en une plus grande
régularité d'approvisionnement. Dans tous les cas : vivent les coûts humains et financiers qui permettent d'obtenir
ces progrès.
Mais assez de
"tromperie sur la marchandise", et de ressources budgétaires
détournées de leur objectif d'amélioration
de l'état de santé des populations. La plupart des
nouveaux médicaments n'apportent actuellement aucun progrès
thérapeutique tangible pour les malades. Et pourtant, ils
font l'objet de dépenses de plus en plus délirantes.
Stoppons cette
folie. Et redonnons à la santé une politique globale,
fondée sur une allocation des ressources centrée sur
les vrais besoins de la collectivité.
© La revue Prescrire 1er décembre 2004
Rev Prescrire 2004 ; 24 (256 suppl.) : 881.
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