Le mercure d'origine
naturelle ou provenant des activités humaines est transformé
par des bactéries aquatiques en méthylmercure. Le méthylmercure
entre dans la chaîne alimentaire, et est concentré dans
les gros poissons de haute mer.
L'exposition chronique
au mercure expose à un risque d'effets neurotoxiques chez l'homme (1,2).
Les ftus
et les jeunes enfants sont plus sensibles aux effets toxiques du méthylmercure.
Il passe les barrières placentaire et hématoencéphalique,
et a des effets ftotoxiques et tératogènes touchant
principalement le système nerveux central. Il présente
ainsi un danger chez les femmes enceintes, du fait de l'exposition
ftale, de même que pour les enfants en bas âge (jusqu'à
2 ans, pendant la période de développement des fonctions
cognitives), via l'allaitement puis l'alimentation diversifiée (3).
Les données
issues des observations cliniques effectuées après consommation
prolongée dans les années 1960 de poissons contaminés,
à Minamata et Niigata au Japon, ont montré que des mères
ayant présenté peu ou pas de symptômes ont donné
naissance à des enfants présentant des troubles neurologiques
graves (3). Cette atteinte neurologique se traduit par des convulsions,
un retard mental ou une moindre performance aux tests explorant le
développement neurocomportemental.
Des observations similaires ont été relevées
à la suite d'une intoxication collective survenue en 1971-1972
en Irak par consommation de pain issu de graines traitées avec
un fongicide à base de méthylmercure (3).
Différentes
instances nationales et internationales ont déterminé
des valeurs toxicologiques de référence à partir
des données issues des intoxications accidentelles et des données
épidémiologiques (a).
Pour la population
française, y compris pour les sous-groupes sensibles (femmes
enceintes et jeunes enfants), la dose hebdomadaire tolérable
dans l'alimentation retenue comme référence est celle
fixée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ;
elle est de 3,3 µg de méthylmercure par kg de poids
corporel et par semaine, et de 5 µg de mercure total par
kg de poids corporel et par semaine (3).
L'exposition au
mercure varie selon le type de produit de la mer consommé.
La consommation de poissons d'élevage (tels que truite
et saumon) entraîne une exposition au méthylmercure sensiblement
inférieure à celle de poissons sauvages.
Parmi les poissons
sauvages, ce sont les poissons pélagiques (vivant dans
les parties profondes des mers), carnivores et à longue vie,
qui contribuent le plus aux apports en méthylmercure (tels
que daurade, espadon, marlin, requin et thon) (3).
La consommation
de mollusques bivalves (huîtres, moules) a une influence
négligeable sur l'apport en mercure (3).
Pour l'enfant,
l'évaluation de l'exposition au mercure ingéré
avec les produits de la mer a montré qu'il n'y avait un risque
de dépassement de la dose hebdomadaire tolérable que
pour les enfants, de 3 ans à 8 ans, ayant une consommation
moyenne de l'ordre de 150 g par semaine de poissons fortement contaminés (3).
Plusieurs pays
ont émis des recommandations. En 2001, les États-Unis
d'Amérique et le Canada ont recommandé de limiter la
consommation de certaines espèces de poisson (b). Les
personnes concernées par ces recommandations diffèrent
selon le pays.
Aux États-Unis
d'Amérique, on recommande aux femmes enceintes, et aux femmes
en âge de procréer et susceptibles d'être enceintes,
ainsi qu'aux jeunes enfants de ne pas consommer certaines espèces
tels que requins et espadons (4,5). Au Canada, il est recommandé
à la population générale de limiter la consommation
des espèces pélagiques à un repas par semaine,
et à un repas par mois seulement pour les femmes enceintes
et les femmes en âge de procréer ainsi qu'aux jeunes
enfants (6).
Pour l'AFSSA,
les recommandations françaises de consommation bihebdomadaire
de poisson faites dans le cadre du programme national nutritionnel
ne sont pas remises en cause pour la population générale.
Il est cependant recommandé aux femmes enceintes ou allaitantes
et aux jeunes enfants une consommation diversifiée des différentes
espèces de poisson, en limitant la consommation de poissons
pouvant présenter des niveaux élevés de méthylmercure
tels que daurade, espadon, marlin, requin et thon (3).
Dans la vie quotidienne,
il paraît difficile de connaître la provenance exacte
des poissons que nous consommons et leur concentration en méthylmercure.
C'est donc une recommandation de limitation des quantités absorbées
de certains types de poissons, à savoir les gros poissons de
haute mer qu'il convient de retenir : 1 à 2 repas par
semaine dans la population générale ; 1 repas par
mois pour les femmes enceintes et les enfants jusqu'à 2 ans.
©La revue Prescrire 1er octobre 2003
Rev Prescr 2003 ; 23 (243) : 697-698.
__________
Notes
a- Le rapport de l'AFSSA détaille trois études
épidémiologiques réalisées auprès
de populations de Nouvelle-Zélande, des îles Seychelles
et des îles Féroé, grandes consommatrices de
poisson. Ces études ne permettent pas de conclure formellement (réf.
3).
b- Les espèces de poissons concernées par ces recommandations
varient selon les pays. À noter que le Canada, tout en recommandant
de limiter les apports de thon pour les sous-groupes à risque,
précise que ces restrictions ne portent pas sur le thon en
boîte. Selon certains auteurs, celui-ci serait constitué
de thons plus jeunes dont les niveaux en mercure seraient plus bas (réf.
6,7).
________
Références
1- Prescrire Rédaction "Diminuer les rejets de mercure
provenant du matériel sanitaire" Rev Prescr 1997 ;
17 (173) : 364-366.
2- Prescrire Rédaction "Gestion du risque mercuriel :
les amalgames dentaires aussi" Rev Prescr 2002 ; 22 (226) :
227.
3- AFSSA "Avis de l'agence française de sécurité
sanitaire des aliments relatif à l'évaluation des
risques sanitaires liés à l'exposition au mercure
des femmes enceintes et allaitantes et des jeunes enfants"
21 octobre 2002 : 17 pages.
4- Us Food And Drug Administration "FDA announces advisory
on methyl mercury in fish" 12 janvier 2001 : 2 pages.
5- Us Food And Drug Administration - Center for food safety and
applied nutrition - Consumer advisory "an important message
for pregnant women and women of childbearing age who may become
pregnant about the risks of mercury in fish" march 2001 :
2 pages.
6- Health Canada "Advisory : Information on mercury levels
in fish" 29 mai 2001 : 2 pages.
7- Wooltorton E "Facts on mercury and fish consumption"
CMAJ 2002 ; 167 (8) : 897.
|