Revue Prescrire, article en une, mercure octobre 2003
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Mercure : ne pas abuser de certains poissons
 
La consommation de gros poissons de haute mer expose au risque de toxicité du mercure. Il convient, particulièrement pour les femmes et les jeunes enfants, de limiter le nombre de repas contenant ces poissons.
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Diminuer les rejets de mercure provenant du matériel sanitaire
Rev Prescr 1997 ; 17 (173) : 364-366.
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Gestion du risque mercuriel : les amalgames dentaires aussi
Rev Prescr 2002 ; 22 (226) : 227.
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Mercure : ne pas abuser de certains poissons
Rev Prescr 2003 ; 23 (243) : 697-698.
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Le mercure d'origine naturelle ou provenant des activités humaines est transformé par des bactéries aquatiques en méthylmercure. Le méthylmercure entre dans la chaîne alimentaire, et est concentré dans les gros poissons de haute mer.

L'exposition chronique au mercure expose à un risque d'effets neurotoxiques chez l'homme (1,2).

Les fœtus et les jeunes enfants sont plus sensibles aux effets toxiques du méthylmercure. Il passe les barrières placentaire et hématoencéphalique, et a des effets fœtotoxiques et tératogènes touchant principalement le système nerveux central. Il présente ainsi un danger chez les femmes enceintes, du fait de l'exposition fœtale, de même que pour les enfants en bas âge (jusqu'à 2 ans, pendant la période de développement des fonctions cognitives), via l'allaitement puis l'alimentation diversifiée (3).

Les données issues des observations cliniques effectuées après consommation prolongée dans les années 1960 de poissons contaminés, à Minamata et Niigata au Japon, ont montré que des mères ayant présenté peu ou pas de symptômes ont donné naissance à des enfants présentant des troubles neurologiques graves (3). Cette atteinte neurologique se traduit par des convulsions, un retard mental ou une moindre performance aux tests explorant le développement neurocomportemental.
Des observations similaires ont été relevées à la suite d'une intoxication collective survenue en 1971-1972 en Irak par consommation de pain issu de graines traitées avec un fongicide à base de méthylmercure (3).

Différentes instances nationales et internationales ont déterminé des valeurs toxicologiques de référence à partir des données issues des intoxications accidentelles et des données épidémiologiques (a).

Pour la population française, y compris pour les sous-groupes sensibles (femmes enceintes et jeunes enfants), la dose hebdomadaire tolérable dans l'alimentation retenue comme référence est celle fixée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ; elle est de 3,3 µg de méthylmercure par kg de poids corporel et par semaine, et de 5 µg de mercure total par kg de poids corporel et par semaine (3).

L'exposition au mercure varie selon le type de produit de la mer consommé. La consommation de poissons d'élevage (tels que truite et saumon) entraîne une exposition au méthylmercure sensiblement inférieure à celle de poissons sauvages.

Parmi les poissons sauvages, ce sont les poissons pélagiques (vivant dans les parties profondes des mers), carnivores et à longue vie, qui contribuent le plus aux apports en méthylmercure (tels que daurade, espadon, marlin, requin et thon) (3).

La consommation de mollusques bivalves (huîtres, moules) a une influence négligeable sur l'apport en mercure (3).

Pour l'enfant, l'évaluation de l'exposition au mercure ingéré avec les produits de la mer a montré qu'il n'y avait un risque de dépassement de la dose hebdomadaire tolérable que pour les enfants, de 3 ans à 8 ans, ayant une consommation moyenne de l'ordre de 150 g par semaine de poissons fortement contaminés (3).

Plusieurs pays ont émis des recommandations. En 2001, les États-Unis d'Amérique et le Canada ont recommandé de limiter la consommation de certaines espèces de poisson (b). Les personnes concernées par ces recommandations diffèrent selon le pays.

Aux États-Unis d'Amérique, on recommande aux femmes enceintes, et aux femmes en âge de procréer et susceptibles d'être enceintes, ainsi qu'aux jeunes enfants de ne pas consommer certaines espèces tels que requins et espadons (4,5). Au Canada, il est recommandé à la population générale de limiter la consommation des espèces pélagiques à un repas par semaine, et à un repas par mois seulement pour les femmes enceintes et les femmes en âge de procréer ainsi qu'aux jeunes enfants (6).

Pour l'AFSSA, les recommandations françaises de consommation bihebdomadaire de poisson faites dans le cadre du programme national nutritionnel ne sont pas remises en cause pour la population générale. Il est cependant recommandé aux femmes enceintes ou allaitantes et aux jeunes enfants une consommation diversifiée des différentes espèces de poisson, en limitant la consommation de poissons pouvant présenter des niveaux élevés de méthylmercure tels que daurade, espadon, marlin, requin et thon (3).

Dans la vie quotidienne, il paraît difficile de connaître la provenance exacte des poissons que nous consommons et leur concentration en méthylmercure. C'est donc une recommandation de limitation des quantités absorbées de certains types de poissons, à savoir les gros poissons de haute mer qu'il convient de retenir : 1 à 2 repas par semaine dans la population générale ; 1 repas par mois pour les femmes enceintes et les enfants jusqu'à 2 ans.

©La revue Prescrire 1er octobre 2003
Rev Prescr 2003 ; 23 (243) : 697-698.

__________
Notes
a- Le rapport de l'AFSSA détaille trois études épidémiologiques réalisées auprès de populations de Nouvelle-Zélande, des îles Seychelles et des îles Féroé, grandes consommatrices de poisson. Ces études ne permettent pas de conclure formellement (réf.  3).
b- Les espèces de poissons concernées par ces recommandations varient selon les pays. À noter que le Canada, tout en recommandant de limiter les apports de thon pour les sous-groupes à risque, précise que ces restrictions ne portent pas sur le thon en boîte. Selon certains auteurs, celui-ci serait constitué de thons plus jeunes dont les niveaux en mercure seraient plus bas (réf.  6,7).
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Références
1- Prescrire Rédaction "Diminuer les rejets de mercure provenant du matériel sanitaire" Rev Prescr 1997 ; 17 (173) : 364-366.
2- Prescrire Rédaction "Gestion du risque mercuriel : les amalgames dentaires aussi" Rev Prescr 2002 ; 22 (226) : 227.
3- AFSSA "Avis de l'agence française de sécurité sanitaire des aliments relatif à l'évaluation des risques sanitaires liés à l'exposition au mercure des femmes enceintes et allaitantes et des jeunes enfants" 21 octobre 2002 : 17 pages.
4- Us Food And Drug Administration "FDA announces advisory on methyl mercury in fish" 12 janvier 2001 : 2 pages.
5- Us Food And Drug Administration - Center for food safety and applied nutrition - Consumer advisory "an important message for pregnant women and women of childbearing age who may become pregnant about the risks of mercury in fish" march 2001 : 2 pages.
6- Health Canada "Advisory : Information on mercury levels in fish" 29 mai 2001 : 2 pages.
7- Wooltorton E "Facts on mercury and fish consumption" CMAJ 2002 ; 167 (8) : 897.