Revue Prescrire, article en une, Europe et médicament janvier 2004
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Europe et médicament :
Le poids des lobbies des firmes
et l'émergence de la société civile dans les débats
 
Le cadre législatif qui va s'appliquer au médicament dans l'Europe élargie vient d'être adopté après deux ans de procédure démocratique, puis un passage en force orchestré par la Commission et le Conseil.
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Europe et médicament : les points-clés de la campagne
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Le Collectif Europe et Médicament remercie tous les députés européens qui ont compris l'intérêt des patients et de la santé publique, et qui ont arraché, en dépit des pressions, des dispositions qui vont dans le bons sens : en particulier dans le sens d'une visibilité accrue des citoyens sur les décisions et les motivations des agences du médicament.
La pression des lobbies des firmes et la défense des intérêts nationaux par les ministres de la santé ont cependant conduit à des choix qui vont mettre en péril les systèmes de santé et de protection sociale de tous les pays de l'Union européenne.

Les quatre composantes du Collectif : associations de malades, organisations familiales et de consommateurs, organismes d'assurance maladie et organisations de professionnels de santé, détaillent les points positifs et les points négatifs qu'ils retiennent dans les textes adoptés :

Associations de malades
Les associations apprécient que soit reconnue la possibilité d'utiliser des médicaments non encore autorisés, pour des malades en impasse thérapeutique, dans le cadre d'un programme d'usage compassionnel. Mais ils sont scandalisés par le rejet de toutes les dispositions qui auraient permis la réalisation de tels programmes : en l'état, les textes adoptés ne contraignent ni les États, ni les firmes à aider réellement les malades. Le rejet de la possibilité pour les malades de signaler directement les effets indésirables aux autorités est également ressenti comme très négatif : les patients n'ont toujours pas de place reconnue en pharmacovigilance.

Organisations familiales et de consommateurs
Le mouvement consumériste se réjouit du rejet massif des propositions initiales de la Commission européenne visant de fait à légaliser la publicité directe auprès du public pour les médicaments de prescription. Même si les projets actuels de la Commission sur l'information du public font craindre les pires dérives, la situation européenne n'est pas aussi dégradée, à ce stade, qu'aux Etats-Unis d'Amérique ou en Nouvelle-Zélande. Les consommateurs apprécient l'adoption de mesures en faveur d'un étiquetage informatif des médicaments, telles la mention de la dénomination commune (DCI), ou l'utilisation du Braille, mesures que la Commission s'est pourtant efforcée de repousser.

Professionnels de santé
Les professionnels de santé se réjouissent du maintien de la réévaluation des médicaments après 5 ans de commercialisation (et après 10 ans pour raison de pharmacovigilance), alors que les firmes voulaient une AMM définitive. Les professionnels apprécient aussi le maintien des délais d'examen des AMM, que les firmes voulaient raccourcir. Ils apprécient les avancées dans le domaine de la transparence des décisions des agences (centralisée ou nationales), mais ils regrettent que l'opacité quasi totale reste la règle en matière de pharmacovigilance. Les professionnels de santé déplorent fortement que la Commission et le Conseil se soient entêtés à refuser la comparaison des nouveaux médicaments aux anciens, privilégiant ainsi la dérive marchande des firmes qui pourront encore vendre des médicaments à intérêt thérapeutique inconnu.

Organismes d'assurance maladie

Ceux qui sont chargés de la gestion des systèmes de protection sociale se sont trouvé confrontés à la puissance du lobby des firmes pharmaceutiques décidé à accroître le plus possible la durée d'exclusivité des médicaments princeps. Les moyens utilisés par ces firmes et ceux qui les servent ont été habiles : modification de la définition du générique, création du concept non étayé de "biogénérique" pour interdire les copies, allongement scandaleusement injustifié de la durée de protection des données cliniques. Les appels à la raison lancés par les nouveaux Etats membres n'ont pas été entendus, et les dispositions prises auront des conséquences financières majeures. Les organismes d'assurance maladie soulignent qu'elles seront encore plus graves si le principe du "prix unique européen" est adopté, et ils appellent à la plus grande vigilance.

Le Collectif Europe et Médicament, né à l'occasion de ce processus législatif, a appris à connaître ce qui se passe dans les instances européennes, et regrette le faible poids du Parlement face au Conseil des ministres et à la Commission. Il est déterminé à agir dans les prochains débats européens, notamment sur le prix du médicament et la publicité auprès des consommateurs.

©Le Collectif Europe et Médicament
1er janvier 2004