De
manière surprenante, on a vu apparaître dans des propositions
d'amendements à la Directive européenne en cours d'élaboration,
le mot "biogénérique", avec une définition
fort vague.
Il
ressort de cette "définition" que dans le cas d'un
médicament fabriqué par biotechniques, le même
médicament (la même substance), fabriqué par
un autre procédé de fabrication relevant des biotechniques,
ne pourrait pas être considéré comme une copie.
La firme désirant le commercialiser ne pourrait pas utiliser
l'évaluation clinique du médicament copié.
Elle aurait à fournir des essais cliniques et précliniques
spécifiques.
Cette
exigence est-elle justifiée ? Que peut-on attendre de
tels essais ?
Il
existe depuis très longtemps en pharmacie des modes de fabrication
d'une même substance qui posent des problèmes de reproductibilité,
y compris d'un lot à l'autre (extraction à partir
de produits naturels, ou fermentation par exemple), ou des problèmes
de présence de résidus (dans la fabrication de vaccins
par exemple).
Mais
l'expérience montre que ce n'est pas en faisant et refaisant
des essais cliniques avant autorisation, sur des effectifs et des
durées nécessairement limités, que l'on peut
montrer la totale similitude entre deux médicaments contenant
la même substance mais issus de modes de fabrications particuliers,
ni déceler d'éventuelles différences entre
ces médicaments. On aboutit toujours aux mêmes résultats :
les deux médicaments ont des balances bénéfices-risques
du même ordre, et on peut les utiliser aux mêmes fins.
Les
différences éventuelles, liées au mode de fabrication,
ne peuvent apparaître qu'après une longue utilisation,
chez un grand nombre de patients. Ainsi, on s'interroge aujourd'hui
sur un éventuel lien de causalité entre le mode de
fabrication des différentes époïétines
et des effets indésirables à type d'érythroblastopénies,
mais cela reste à confirmer, et un essai clinique complémentaire
de petite dimension n'apporterait rien de pertinent.
En
l'état des connaissances, obliger les fabricants de génériques
de médicaments fabriqués par biotechniques, à
réaliser de nouveaux essais cliniques faussement rassurants,
ne servirait qu'à protéger abusivement les fabricants
de médicaments princeps. Cela impliquerait l'inclusion, éthiquement
contestable, de patients auxquels on ne proposerait aucune perspective
de progrès thérapeutique, et l'investissement de ressources
humaines et financières importantes pour des résultats
non pertinents.
Il
est plus utile de mettre en uvre une surveillance accrue des
effets indésirables des médicaments (génériques
et princeps), après leur mise sur le marché, pour
mieux connaître ces effets, montrer s'il existe des spécificités
liées au mode de fabrication, et mieux en protéger
les patients. Une pharmacovigilance active, prospective et non attentiste,
aiderait à savoir s'il y a lieu de distinguer des catégories
de médicaments génériques susceptibles de nécessiter
une évaluation particulière, du simple fait de leur
mode de fabrication. Il n'existe pas aujourd'hui de données
solides sur ce sujet.
Il
est en tout cas prématuré de légiférer
sans connaissances scientifiques solides.
©Le Collectif Europe et Médicament
1er octobre 2003
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