Revue Prescrire, article en une, Europe et médicament octobre 2003
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Europe et médicament
Protectionnisme des firmes pharmaceutiques :
L'invention du "biogénérique"
 
En l'état des connaissances, obliger les fabricants de génériques de médicaments fabriqués par biotechniques, à réaliser de nouveaux essais cliniques faussement rassurants, ne servirait qu'à protéger abusivement les fabricants de médicaments princeps.
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De manière surprenante, on a vu apparaître dans des propositions d'amendements à la Directive européenne en cours d'élaboration, le mot "biogénérique", avec une définition fort vague.

Il ressort de cette "définition" que dans le cas d'un médicament fabriqué par biotechniques, le même médicament (la même substance), fabriqué par un autre procédé de fabrication relevant des biotechniques, ne pourrait pas être considéré comme une copie. La firme désirant le commercialiser ne pourrait pas utiliser l'évaluation clinique du médicament copié. Elle aurait à fournir des essais cliniques et précliniques spécifiques.

Cette exigence est-elle justifiée ? Que peut-on attendre de tels essais ?

Il existe depuis très longtemps en pharmacie des modes de fabrication d'une même substance qui posent des problèmes de reproductibilité, y compris d'un lot à l'autre (extraction à partir de produits naturels, ou fermentation par exemple), ou des problèmes de présence de résidus (dans la fabrication de vaccins par exemple).

Mais l'expérience montre que ce n'est pas en faisant et refaisant des essais cliniques avant autorisation, sur des effectifs et des durées nécessairement limités, que l'on peut montrer la totale similitude entre deux médicaments contenant la même substance mais issus de modes de fabrications particuliers, ni déceler d'éventuelles différences entre ces médicaments. On aboutit toujours aux mêmes résultats : les deux médicaments ont des balances bénéfices-risques du même ordre, et on peut les utiliser aux mêmes fins.

Les différences éventuelles, liées au mode de fabrication, ne peuvent apparaître qu'après une longue utilisation, chez un grand nombre de patients. Ainsi, on s'interroge aujourd'hui sur un éventuel lien de causalité entre le mode de fabrication des différentes époïétines et des effets indésirables à type d'érythroblastopénies, mais cela reste à confirmer, et un essai clinique complémentaire de petite dimension n'apporterait rien de pertinent.

En l'état des connaissances, obliger les fabricants de génériques de médicaments fabriqués par biotechniques, à réaliser de nouveaux essais cliniques faussement rassurants, ne servirait qu'à protéger abusivement les fabricants de médicaments princeps. Cela impliquerait l'inclusion, éthiquement contestable, de patients auxquels on ne proposerait aucune perspective de progrès thérapeutique, et l'investissement de ressources humaines et financières importantes pour des résultats non pertinents.

Il est plus utile de mettre en œuvre une surveillance accrue des effets indésirables des médicaments (génériques et princeps), après leur mise sur le marché, pour mieux connaître ces effets, montrer s'il existe des spécificités liées au mode de fabrication, et mieux en protéger les patients. Une pharmacovigilance active, prospective et non attentiste, aiderait à savoir s'il y a lieu de distinguer des catégories de médicaments génériques susceptibles de nécessiter une évaluation particulière, du simple fait de leur mode de fabrication. Il n'existe pas aujourd'hui de données solides sur ce sujet.

Il est en tout cas prématuré de légiférer sans connaissances scientifiques solides.

©Le Collectif Europe et Médicament 1er octobre 2003