Revue Prescrire, article en une, Europe et médicament Médicaments utilisés en pédiatrie mai 2005
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Europe et médicament 
Les médicaments utilisés en pédiatrie : prendre le temps d'améliorer un projet important
 
Proposition de règlement relatif aux médicaments pédiatriques : lettre ouverte aux députés membres de la Commission Environnement et Santé.
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Position du Collectif Europe et Médicament sur la proposition de règlement relative aux médicaments utilisés en pédiatrie
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Madame, Monsieur la(le) député(e),

Le Collectif Europe et Médicament accueille favorablement la proposition visant à mettre des médicaments adaptés à la disposition des enfants et de ceux qui les soignent. Le Collectif estime cependant que cette proposition doit être sérieusement amendée pour que le règlement relatif aux médicaments pédiatriques réponde réellement aux besoins des enfants.

Pourquoi une telle précipitation ?
Une discussion approfondie sur la proposition de règlement relatif aux médicaments pédiatriques est inévitable, même si la Commission Environnement et Santé est actuellement occupée par l'examen d'autres textes très importants. Or le Collectif Europe et Médicament constate que vous ne disposerez que de quelques jours pour déposer des amendements après la discussion en Commission. Ce délai nous semble peu compatible avec l'amélioration nécessaire de cette proposition de règlement.

Mieux que rien ?
Certains députés pourraient être tentés de considérer que cette proposition de règlement ne nécessite pas beaucoup d'implication de leur part, parce que le règlement serait "mieux que rien". Mais en réalité, il est faux de dire qu'il n'y a "rien" aujourd'hui pour les enfants. Il y a au contraire beaucoup d'expérience accumulée, qu'il faut commencer par capitaliser pour identifier les besoins réels et les priorités. Le règlement devrait donc avoir pour ambition non pas : "mieux que rien", mais : "mieux que ce qui existe déjà ".

Faire mieux, au meilleur coût
La proposition de règlement vise à offrir des incitations supplémentaires (payées par la collectivité) aux firmes pharmaceutiques pour qu'elles financent davantage d'études réalisées chez des enfants. Le coût de ces incitations pour la société (coût humain découlant de la participation d'enfants à des essais cliniques, coût supplémentaire de fonctionnement de l'Agence européenne du médicament, et coût financier découlant des incitations) nécessite des équilibres rigoureux entre intérêts des firmes et intérêt des enfants. Il convient de ne mettre en place des incitations au développement de médicaments pédiatriques que s'ils apportent aux enfants un réel avantage thérapeutique, dans un cadre particulièrement renforcé de pharmacovigilance.
Cet équilibre ne peut être atteint que par :
1- une définition et une évaluation rigoureuse des besoins réels des enfants ;
2- la mise en place de moyens adaptés à ces besoins ;
3- une transparence totale sur le processus ;
4- un recherche active des données de pharmacovigilance ;
5- la proportionnalité des récompenses à l'effort des firmes.

Une escalade des "incitations" aux firmes
Si l'on prend un peu de recul par rapport à la proposition de règlement relatif aux médicaments pédiatriques, on constate qu'une des motivations affichées de la Commission européenne est de donner aux firmes pharmaceutiques européennes les mêmes avantages que les firmes des États-Unis d'Amérique (où existe déjà une prolongation de monopole de 6 mois pour encourager les médicaments pédiatriques). Or, dans une période où la recherche et développement de médicaments est moins féconde, les firmes multiplient les demandes de prolongation de monopoles, présentées comme autant d'incitations à se concentrer sur tel ou tel domaine thérapeutique.
Ainsi par exemple, aux États-Unis, les firmes pharmaceutiques sont en passe d'obtenir, dans le cadre du plan Bioshield (plan de lutte contre le bio-terrorisme), le droit de prolonger 6 mois leur monopole sur un médicament de leur choix, si elles développent par exemple un nouvel antibiotique. Enfants aujourd'hui, antibiotiques demain, femmes ou personnes âgées plus tard…, jusqu'où les sociétés pourront-elles accepter de financer spécialement des recherches qui faisaient hier encore partie du métier normal des firmes pharmaceutiques ? Jusqu'où accepteront-elles de prolonger le monopole de médicaments par ailleurs de plus en plus chers ?
Le fait que la proposition de règlement relatif aux médicaments pédiatriques attribue systématiquement 6 mois de monopole supplémentaires pour les médicaments (dans toutes leurs indications, pour enfants et pour adultes), sans lien ni avec les coûts de recherche et développement, ni avec l'intérêt thérapeutique des médicaments destinés aux enfants, est une allocation aveugle de ressources collectives dans le domaine du médicament.

Prendre le temps d'améliorer la proposition de règlement
La proposition de règlement relatif aux médicaments pédiatriques présente de nombreuses opportunités de mieux répondre aux besoins réels des enfants. Mais pour que ce règlement remplisse pleinement cet objectif, il doit être amendé de manière significative, au delà des propositions du rapporteur. Cela demande que vous preniez le temps d'en analyser les enjeux et que vous ayez le temps de déposer des amendements, le cas échéant.

Nous sommes sûrs que c'est également votre avis. Nous comptons sur vous.
Bien cordialement

©Collectif Europe et Médicament 1er mai 2005
europedumedicament@free.fr