Revue Prescrire, article en une, Europe et médicament Médicaments utilisés en pédiatrie suite 2 - janvier 2005
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Europe et médicament :
Les médicaments utilisés en pédiatrie
 
Il faut partir des besoins réels des enfants qui n'ont pas encore de médicaments adaptés.
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Le concept d'autorisation de mise sur le marché pour un usage pédiatrique existe depuis toujours

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Mettre les moyens au service des besoins réels, et prévenir les dérapages
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Retour à la Position du Collectif Europe et Médicament sur la proposition de règlement relative aux médicaments utilisés en pédiatrie
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Selon le communiqué de la Commission européenne présentant la proposition de règlement, l'objectif officiel est " d'améliorer la santé des enfants d'Europe (…) ". Si cet objectif est respecté, il ne s'agit donc pas de favoriser l'accroissement du nombre de médicaments pédiatriques dans les domaines déjà pourvus de moyens préventifs ou curatifs, pas plus que de favoriser la création par les firmes pharmaceutiques de faux besoins comme elles le font pour les adultes, mais de favoriser le développement de moyens thérapeutiques, préventifs ou curatifs, dans les domaines circonscrits où enfants et soignants sont à ce jour démunis.

Des enfants européens souvent en bonne santé, n'ayant besoin d'aucun nouveau médicament

Dans une large proportion, les 100 millions d'enfants vivant dans l'Union européenne sont en bonne santé, grâce notamment à la surveillance pré et post-natale, à la vaccination, à l'accès à l'eau potable, etc., et ils n'ont guère besoin de médicaments. La priorité pour eux est surtout la prévention primaire, en particulier nutritionnelle, pour leur éviter par exemple de devenir obèses, voire diabétiques.

Pour beaucoup d'affections qui nécessitent un traitement médicamenteux, un grand nombre de médicaments adaptés aux enfants sont déjà disponibles sur le marché européen. On est loin du "désert thérapeutique" décrit par divers media lors du lancement de l'initiative européenne sur les médicaments pédiatriques. Certains médicaments sont même parfois trop utilisés, ou mal utilisés, chez les enfants.
Ainsi, pour ne citer que quelques exemples : les antibiotiques administrés de manière trop systématique dans certains pays font craindre le développement accéléré des résistances bactériennes ; les antiasthmatiques prescrits à des doses de plus en plus élevées, après un diagnostic approximatif, provoquent des effets indésirables ; les antidépresseurs de plus en plus utilisés font craindre une augmentation des comportements auto-agressifs et suicidaires ; le méthylphénidate est de plus en plus utilisé même quand le diagnostic d'hyperactivité est mal établi. Dans ces domaines, la priorité est plutôt au retour à un usage raisonnable des médicaments déjà disponibles.


Ne pas confondre mise en forme pharmaceutique et évaluation clinique complexe
Pour les enfants de certaines tranches d'âge, on manque encore parfois de formes pharmaceutiques, de dosages ou de présentations bien adaptées, pour des substances dont la balance bénéfices-risques est déjà établie comme favorable chez les enfants. Dans ce cas, il convient d'encourager la mise au point de médicaments bien adaptés. Cette mise au point fait appel à des techniques pharmaceutiques, et souvent à des études de pharmacocinétique, mais pas à une évaluation clinique complémentaire. Elle est donc relativement peu coûteuse.

Pour d'autres groupes d'enfants, on se trouve confronté à l'absence d'évaluation clinique de médicaments utilisés jusqu'à présent de façon empirique, voire à un besoin de recherche plus fondamentale, quand les causes mêmes de la maladie, et les moyens de lutte, sont mal connus. La réalisation d'essais cliniques chez les enfants concernés, ou l'ouverture de nouvelles pistes de recherche demandent alors plus de moyens, humains et financiers. Dans ces cas, des mesures incitatives sont bienvenues.

Les besoins spécifiques des différents groupes d'enfants concernés, doivent donc être identifiés avec soin, de manière à concentrer sur eux les moyens adéquats, et à trouver des solutions dans les meilleurs délais.

Se donner les moyens d'un inventaire rigoureux
La proposition de règlement de la Commission européenne ne fait pas de l'identification des besoins un préalable. Le principe d'un inventaire (et pas vraiment d'une analyse des besoins) n'apparaît qu'à l'article 41 d'un projet qui compte 56 articles. Cet article 41 stipule que le Comité pédiatrique sera chargé de cet inventaire, Comité institué au sein de l'Agence européenne du médicament (financée majoritairement par les firmes pharmaceutiques), et qui examinera dans le même temps les demandes d'autorisations de mise sur le marché (AMM). Ainsi, la même instance fera un inventaire, en vue de cerner les besoins de santé publique, et de la prestation de service aux firmes pharmaceutiques (l'AMM étant devenue aujourd'hui, de fait, une prestation de service aux firmes). En outre, selon les articles 41 et 42, l'inventaire se fera à partir des données collectées dans les États membres sur " les utilisations actuelles de médicaments sur la population pédiatrique ". Ce constat est certes indispensable, et il est en cours de réalisation depuis plusieurs années, mais les habitudes d'utilisation ne sont pas nécessairement fondées. Il convient de les confronter aux données internationales les plus fiables et surtout aux données épidémiologiques.

Pour le Collectif Europe et Médicament, le recensement des besoins doit être réalisé dès à présent (sans attendre les trois ans prévus à l'article 41) par une instance scientifique indépendante, financée par des fonds publics, et comportant, outre des pédiatres, des spécialistes de santé publique et d'épidémiologie, des praticiens de médecine générale et d'autres disciplines qui prennent en charge des enfants, des représentants d'associations de parents, des représentants des organismes de protection sociale, des spécialistes en pharmacovigilance. Ce recensement, régulièrement mis en jour en fonction de l'état des connaissances, doit permettre d'établir une liste de situations prioritaires vers lesquelles les efforts de recherche doivent être orientés, à l'aide d'incitations s'adressant aux institutions de recherche publiques comme aux firmes privées.

Le Collectif propose que l'article 1 du règlement, qui mentionne les " besoins thérapeutiques spécifiques de la population pédiatrique ", présente le recensement des besoins prévu actuellement à l'article 41 comme le cadre dans lequel les incitations seront attribuées pour le développement de médicaments pédiatriques. (Amendement 2 du Collectif)

©Collectif Europe et Médicament 1er janvier 2005