Le Collectif Europe et Médicament a listé ci-dessous
les points à réexaminer, proposant pour chacun un
ou plusieurs amendements accompagnés d'une justification.
Pas
d'augmentation de la durée de "protection des données"
au-delà de la limite tolérable par l'ensemble des
États membres (amendements 34 et 202 - article 10
de la Directive et amendement 46 - article 13-8 du Règlement).
Rappel pour clarification :
Les médicaments sont protégés par des brevets
(de différentes natures). En outre, le titulaire de l'autorisation
de mise sur le marché d'un médicament bénéficie
aujourd'hui en Europe d'une protection des résultats des
essais cliniques (alias "protection des données").
Elle se traduit par des contraintes pesant sur les firmes qui commercialisent
des médicaments génériques (copies des médicaments
originaux, alias "princeps").
Les médicaments génériques peuvent être
mis sur le marché après l'obtention d'une autorisation
de mise sur le marché (AMM) dite "allégée",
c'est-à-dire accordée sur la base d'un dossier d'évaluation
ne comportant pas d'essai chez l'Animal ni chez l'Homme : les
essais déjà réalisés sur le médicament
princeps sont considérés comme suffisants, et leurs
résultats peuvent être inclus dans le dossier de demande
d'AMM du générique.
La "protection des données" consiste à interdire
l'utilisation du dossier d'évaluation clinique du princeps
pendant un certain nombre d'années. Jusqu'à présent,
en Europe, ce nombre d'années était fixé à
6 ans pour la moitié des pays de l'Union européenne,
et à 10 ans pour l'autre moitié. En outre, il était
de 10 ans pour ceux fabriqués par biotechniques (ces médicaments
devant faire l'objet d'une procédure d'AMM centralisée).
En 2001, dans les projets de nouvelle Directive et de nouveau Règlement,
la Commission européenne a proposé de porter cette
durée de "protection des données" à
10 ans pour tous les médicaments, et d'y ajouter 1 an en
cas d'obtention par le princeps d'une nouvelle indication thérapeutique
"jugée (
) apporter un bénéfice clinique
important par rapport aux thérapeutiques existantes".
En 2003, après amendement par le Parlement et examen par
le Conseil, le projet de Directive stipule qu'une demande d'AMM
allégée pourra être déposée seulement
8 ans après l'autorisation du princeps, et que le générique
ne pourra être commercialisé que 2 ans plus tard, soit
dans les faits une "protection des données" de
10 ans (8 + 2) pour tous les médicaments autorisés
par la procédure nationale (ou par reconnaissance mutuelle).
Et le projet de Règlement stipule que, pour ceux autorisés
par la procédure centralisée, la "protection
des données" sera de 10 ans + 1 an pour une nouvelle
indication thérapeutique "apportant un bénéfice
clinique par rapport aux thérapeutiques existantes".
On se trouve donc, à ce stade de la procédure, devant
une augmentation importante de la durée de "protection
des données" pour tous les médicaments, sans
aucune justification, sauf dans le cas de l'année supplémentaire
pour nouvelle indication octroyée par la procédure
centralisée.
Pas de nouvel amendement.
Justification : L'allongement de
la durée de "protection des données" retarde
l'arrivée de médicaments génériques
sur le marché. Un ralentissement excessif, car non justifié,
de la mise sur le marché des médicaments génériques
ne serait pas supportable financièrement par les systèmes
de protection sociale. Un allongement excessif de la "durée
de protection" compromettrait rapidement l'égalité
d'accès aux médicaments par les patients. Il faut
rappeler que la durée de protection adoptée en première
lecture est déjà la plus longue du monde.
Pas
de réalisation systématique d'essais cliniques pour
évaluer des copies de médicaments dont la bioéquivalence
est difficilement démontrable par les méthodes classiques,
ou de médicaments fabriqués par biotechniques :
ces essais ne seraient pas pertinents (articles 10-3 et 10-3a
de la Directive, déjà actuellement inadéquats,
et sur lesquels des amendements complémentaires risquent
d'être déposés).
Nouvelle proposition d'amendement - article
10-3 (bioéquivalence non démontrable) et 3a ("biogénériques")
de la Directive (supprime) : supprimer ces deux articles,
qui imposent la réalisation d'essais cliniques alors qu'elle
ne constituerait qu'une fausse solution, et serait de surcroît
éthiquement contestable.
Justification : Il existe déjà
des formes pharmaceutiques qui ne permettent pas de réaliser
des études de bioéquivalence selon les méthodes
traditionnelles en vue d'affirmer si l'on a bien à faire
à des "génériques" substituables
entre eux, en vertu des critères aujourd'hui retenus dans
la réglementation. Par exemple, les formes pour application
cutanée, ou les suspensions pour inhalation posent ce type
de problème, et on est conduit à rechercher d'autres
méthodes pour montrer leur équivalence thérapeutique.
Il existe également depuis très longtemps des modes
de fabrication qui posent des problèmes de reproductibilité,
y compris d'un lot à l'autre (extraction à partir
de produits naturels, ou fermentation par exemple).
Mais l'expérience montre que ce n'est pas en faisant et refaisant
des essais cliniques, sur des effectifs et des durées nécessairement
limités, que l'on peut montrer la totale similitude entre
ces médicaments, ni déceler d'éventuelles différences.
On aboutit toujours aux mêmes résultats : ces
médicaments ont des balances bénéfices-risques
du même ordre, et on peut les utiliser aux mêmes fins.
Les différences éventuelles, liées au mode
de fabrication, ne peuvent apparaître qu'après une
longue utilisation, chez un grand nombre de patients. Ainsi, on
s'interroge aujourd'hui sur un éventuel lien de causalité
entre le mode de fabrication des différentes époiétines
et des effets indésirables à type d'érythroblastopénies,
mais rien n'est encore clair, et un essai clinique complémentaire
de petite dimension n'apporterait rien de pertinent.
En l'état des connaissances, obliger les fabricants de génériques
de médicaments à bioéquivalence non démontrable
par les méthodes classiques, ou fabriqués par biotechniques,
à réaliser de nouveaux essais cliniques faussement
rassurants, ne servirait qu'à protéger abusivement
les fabricants de médicaments princeps. Cela impliquerait
l'inclusion, éthiquement contestable, de patients auxquels
on ne proposerait aucune perspective de progrès thérapeutique,
et l'investissement de ressources humaines et financières
importantes pour des résultats non pertinents.
Il serait plus utile de consacrer des moyens à l'étude
de nouvelles méthodes (autres que les actuelles études
de bioéquivalence) permettant de s'assurer de l'équivalence
thérapeutique, et à leur reconnaissance au niveau
international. Il serait plus utile également de
mettre en uvre une surveillance accrue des effets indésirables
des médicaments (génériques et princeps) après
leur mise sur le marché, pour mieux connaître ces effets,
montrer s'il existe des spécificités liées
au mode de fabrication, et mieux en protéger les patients.
Une pharmacovigilance active (prospective et non attentiste) aiderait
à savoir s'il y a lieu de distinguer des catégories
particulières de médicaments génériques
nécessitant une évaluation clinique spécifique,
du simple fait de leur mode de fabrication, ce que l'on ne sait
pas clairement aujourd'hui. Il est en tout cas prématuré
de légiférer sans connaissances scientifiques solides.
©Collectif Europe et Médicament
1er septembre 2003
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