Revue Prescrire, article en une, Coxibs, septembre 2004
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Anti-inflammatoires (AINS) du groupe des coxibs :
Remboursez le trop-payé !
 
Les coxibs n'apportent pas d'avantage tangible aux patients par rapport aux AINS déjà disponibles ; et l'écart de prix entre coxibs et autres AINS n'est pas justifié. Quand les firmes concernées vont-elles rembourser la collectivité du trop-payé ? Quand le prix des coxibs sera-t-il ramené au même niveau que celui des anti-inflammatoires plus anciens ?
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Coxibs : remboursez !

Rev Prescrire 2004 ; 24 (253) : 579.
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Coxibs : des nouveautés qui ne tiennent pas leurs promesses
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Itinéraire mis à jour le 1er novembre 2004 (27 textes)
La campagne de promotion des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) du groupe des coxibs, en particulier du rofécoxib (Vioxx° - MSD Chibret) et du célécoxib (Celebrex° - Pharmacia puis Pfizer) fut l'une des plus retentissantes du début des années 2000. Pour en rappeler le thème porteur, on peut citer les leaders d'opinion français du domaine : « Les coxibs sont des anti-inflammatoires aussi efficaces que les anti-inflammatoires conventionnels mais beaucoup mieux tolérés au plan gastrique » (1).

Battage médiatique et obtention de prix disproportionnés
Dans le concert enthousiaste des médias professionnels et grand public, les synthèses de la revue Prescrire consacrées à ces médicaments et intitulées "rofécoxib : un antalgique AINS décevant" et "célécoxib : aussi décevant que le rofécoxib" sont apparues bien négatives (2,3). Elles constataient simplement que, lors de l'évaluation clinique de ces coxibs, les comparaisons adéquates n'avaient pas été faites pour juger de leur efficacité et de leur profil d'effets indésirables, et que leur supériorité n'était pas démontrée.
Tout en pratiquant l'échantillonnage intensif ou, ce qui revient au même, la vente aux hôpitaux à 1 centime le comprimé (4), les firmes ont obtenu des prix très élevés pour leurs spécialités, sur la base d'une amélioration du service médical rendu (ASMR) cotée à III, c'est-à-dire modeste, par la Commission de la transparence. Et depuis trois ans, Vioxx° a été vendu au prix de 32,70 euros les 28 comprimés à 12,5 mg et de 39,80 euros les 28 comprimés à 25 mg (5). Celebrex°, arrivé ensuite, a été vendu 18,13 euros les 30 gélules à 100 mg et 35,20 euros les 30 gélules à 200 mg (6).
Pour la seule année 2001, la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés a ainsi remboursé 125 millions d'euros pour Celebrex° (d'emblée à la 3e place des dépenses en médicaments) et 29 millions d'euros pour Vioxx° (a)(7).
L'extension des indications de Vioxx° dans les symptômes de la polyarthrite rhumatoïde, indication qui figurait déjà sur le RCP de Celebrex°, ne s'est pas accompagnée d'une baisse de prix (8). Mieux : la baisse qui était prévue initialement au 3 janvier 2003 a purement et simplement été annulée (9) !


La baudruche se dégonfle
À la suite d'un réexamen des données d'évaluation du célécoxib par la Food and Drug Administration américaine, des révélations accablantes de manipulations d'un essai (essai CLASS) ont fait naître des doutes sérieux sur les supposés avantages de ce coxib (10). Des défauts méthodologiques dans un essai portant sur le rofécoxib ont également été révélés (11). Pendant ce temps, les données de pharmacovigilance sur les coxibs s'accumulaient (12).
Les questions sur la véritable balance bénéfices-risques des coxibs sont devenues si pressantes que l'Agence européenne du médicament (EMEA) s'est décidée à réévaluer ces AINS. Après la publication des conclusions de cette réévaluation, en avril 2004, la baudruche est totalement dégonflée. La balance bénéfices-risques des coxibs n'est pas plus favorable que celle des autres AINS (lire dans le numéro 253 page 589). L'Agence française des produits de santé a publié le 2 juillet 2004 une mise au point qui l'explique et rappelle aux patients les règles de bon usage de l'ensemble des AINS (13).
Suite à une saisine conjointe de la Direction de la Sécurité sociale et de la Direction générale de la santé de 2002, et suite à la réévaluation de l'EMEA, la Commission de la transparence française a rendu deux nouveaux avis sur Vioxx° et Celebrex°. La conclusion est la même dans les deux cas : « la meilleure tolérance digestive [NDLR : qualifiée plus loin de « probable »] est minime », et l'ASMR descend de III à IV (14,15).


Leçons à tirer

Il est à notre avis grand temps de tirer les conclusions qui s'imposent : les coxibs n'apportent pas d'avantage tangible aux patients par rapport aux AINS déjà disponibles ; et l'écart de prix entre coxibs et autres AINS n'est pas justifié. Quand les firmes concernées vont-elles rembourser la collectivité du trop-versé ? Quand le prix des coxibs sera-t-il ramené au même niveau que celui des anti-inflammatoires plus anciens ?
À titre d'exemple, le prix des génériques à base d'ibuprofène est aujourd'hui de l'ordre de 3,20 euros la boîte de 30 unités de prise à 400 mg. La baisse de prix intervenue pour Celebrex° le 9 juillet 2004, comme prévu lors de la fixation de son prix en 2000 (passage à 14,87 euros pour 30 gélules à 100 mg et à 29,20 euros pour 30 gélules à 200 mg) est dérisoire (16).

©La revue Prescrire 1er septembre 2004
Rev Prescrire 2004 ; 24 (253) : 579.

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Notes
a- À titre d'exemple, selon la Commission de la transparence, 1 088 000 patients ont été exposés au rofécoxib entre juillet 2001 et juin 2002, et 2 216 000 patients l'ont été au célécoxib entre janvier 2001 et décembre 2002 (réf. 14,15).
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Références
1- "Que sont les coxibs ?". In : Dougados M et coll. "Arthrose en 100 questions" Assistance Publique des Hôpitaux de Paris en partenariat avec Searle Pfizer 2000 : 64 pages.
2- Prescrire Rédaction "rofécoxib - Vioxx°. Un antalgique AINS décevant" Rev Prescrire 2000 ; 20 (208) : 483-488.
3- Prescrire Rédaction "célécoxib - Celebrex°. Aussi décevant que le rofécoxib" Rev Prescrire 2000 ; 20 (212) : 803-808.
4- Prescrire Rédaction "Vioxx° à 1 centime le comprimé !" Rev Prescrire 2001 ; 21 (215) : 193.
5- Prescrire Rédaction "Vioxx° remboursable" Rev Prescrire 2001 ; 21 (220) : 589-590.
6- Prescrire Rédaction "célécoxib. Celebrex° 100 mg" Rev Prescrire 2001 ; 21 (217) : 345.
7- Prescrire Rédaction "Medic'am 2001 : la déferlante de Celebrex°" Rev Prescrire 2002 ; 22 (231) : 625.
8- Prescrire Rédaction "rofécoxib - Vioxx° et polyarthrite rhumatoïde. Pas mieux qu'un autre AINS" Rev Prescrire 2003 ; 23 (235) : 11-13.
9- Prescrire Rédaction "La non-baisse du prix de Vioxx°" Rev Prescrire 2003 ; 23 (236) : 110.
10- Prescrire Rédaction "Célécoxib et "essai CLASS" : un exemple de manipulations industrielles" Rev Prescrire 2002 ; 22 (231) : 623-625.
11- Prescrire Rédaction "Une firme attaque en justice un bulletin indépendant membre de l'ISDB, et perd…" Rev Prescrire 2004 ; 24 (249) : 298-299.
12- Prescrire Rédaction "Effets indésirables cardiovasculaires des coxibs" Rev Prescrire 2002 ; 22 (231) : 596-597.
13- Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé "Mise au point sur la sécurité d'emploi des coxibs" 2 juillet 2004 : 7 pages.
14- Commission de la transparence "Avis de la Commission - Vioxx°" 16 juin 2004 : 24 pages.
15- Commission de la transparence "Avis de la Commission - Celebrex°" 16 juin 2004 : 29 pages.
16- "Avis relatif aux prix des spécialités pharmaceutiques" Journal Officiel du 9 novembre 2000 : 17791.