Prescrire, article en une, xxx, juin 2009
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Associations de patients et firmes pharmaceutiques :
halte aux liaisons dangereuses
   
Dans un point de vue publié dans Le Monde du 29 mai 2009, les présidents de la Mutualité française et d'UFC-Que choisir et le Directeur de la Rédaction de Prescrire soulignent la nécessité de voir se développer en France des associations de patients fortes, réellement indépendantes, et sans conflit d'intérêts.
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Associations de patients et firmes pharmaceutiques :
halte aux liaisons dangereuses

Le Monde,
29 mai 2009

 

Des firmes pharmaceutiques s'activent aujourd'hui pour obtenir des sénateurs et du gouvernement français ce qu'elles n'ont pu obtenir des députés dans le cadre de la loi "Hôpital, patients, santé, territoires" : la possibilité d'"informer" les patients sur les médicaments de prescription suivant diverses stratégies allant de l'éducation thérapeutique à des actions d'"accompagnement" des patients.

Il s'agit, en clair, de permettre la publicité directe auprès des patients. La démarche serait banale, s'il n'y avait dans le sillage des firmes certaines associations de patients.

Au moment où les conflits d'intérêts entre médecins et firmes sont de nouveau sur la sellette, l'affaire est étonnante. Dans un rapport de 2007, l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) constatait déjà : "Il paraît nécessaire d'inscrire dans la loi une disposition indiquant clairement l'interdiction, pour une entreprise pharmaceutique, de conduire tout contact personnalisé et toute démarche directe ou indirecte d'information, de formation ou d'éducation à destination du public relative à un médicament prescrit. (...)"

Et le rapport expliquait : "Car, même si l'entreprise pharmaceutique participe au bon usage du médicament, on ne saurait s'en remettre à elle pour le garantir. En effet, lui confier cette tâche transgresserait un principe fondamental de la sécurité sanitaire : le principe d'impartialité.

"Une entreprise responsable du développement économique de son organisation, confrontée à l'effet indésirable d'un de ses produits, à un mésusage ou à une situation de concurrence, ne saurait être positionnée comme juge et partie, car elle risquerait de privilégier son objectif prioritaire, qui est économique.

"Plusieurs exemples de situations où une entreprise a été accusée d'avoir dissimulé volontairement des données défavorables à l'un de ses médicaments ont été d'ailleurs révélés publiquement ces dernières années." Les députés ont commencé à inscrire dans la loi l'interdiction des contacts entre firmes et patients au sujet des médicaments de prescription.

Nous les approuvons. Nous souhaitons maintenant que les sénateurs aient à coeur de développer cette interdiction, plutôt que de l'assouplir.

Quant aux associations de patients qui sont en cause, nous ne croyons pas que l'ensemble des usagers du système de santé se reconnaît en elles quand elles s'associent aux firmes pharmaceutiques dans des démarches aussi mercantiles.

Renoncer au principe de leur propre "impartialité", et accepter par ailleurs des financements des firmes pharmaceutiques, c'est mettre en jeu la crédibilité même de ces associations.

Nous sommes de fervents défenseurs du droit des patients à une très large information ; mais à une information fiable, indépendante, sans conflits d'intérêts.

Nous sommes convaincus de l'absolue nécessité de voir se développer en France les associations de patients et une certaine idée de la démocratie sanitaire ; mais cette démocratie a besoin d'associations fortes, réellement indépendantes, pleinement au service des patients, sans conflits d'intérêts.

Alain Bazot
Président, UFC-Que choisir

Jean-Pierre Davant
Président de la Mutualité française

Bruno Toussaint
Directeur de la Rédaction, Prescrire

©Prescrire 29 mai 2009