Depuis des années, des médicaments de thérapie dite ciblée sont commercialisés pour certains cancers. Il s'agit d'antitumoraux dont l'utilisation est généralement limitée aux patients atteints d'un cancer bien identifié, avec une particularité génétique.
Avec le larotrectinib (Vitrakvi°), le concept de thérapie “ciblée” est poussé plus loin. Ce médicament est le premier dont l'indication d'autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne précise une particularité génétique (une fusion d'un gène NTRK) sans spécifier la localisation de la tumeur.
En 2021, une particularité génétique est-elle un critère suffisant d'inclusion pour évaluer un traitement, sans tenir compte d'autres caractéristiques de la tumeur ?
Pour ce qui est de la fusion d'un gène NTRK, on est perplexe étant donné la grande diversité de l'évolution naturelle des cancers concernés : des sarcomes, des cancers du sein, des cancers du côlon, des cancers bronchiques, et d'autres encore. Évaluer correctement le larotrectinib dans les situations couvertes par son AMM aurait dû reposer sur des essais chez des patients regroupés de façon homogène quant à leurs facteurs pronostiques, avec assez de patients dans chaque groupe pour une analyse sur des critères cliniques.
Pourtant, l'AMM a été accordée sur une évaluation fort éloignée de ces standards : sans groupe témoin, chez peu de patients, dans des situations cliniques très diverses et sur un critère principal d'évaluation non clinique... Et les résultats n'ont pas été spectaculaires.
L'Agence européenne du médicament (EMA) a montré qu'il suffit de présenter un concept nouveau, sans évaluation clinique appropriée,
pour obtenir une AMM.
De quoi dissuader d'effectuer une évaluation clinique pertinente avant autorisation. Tant pis pour les patients...
©Prescrire 1er février 2021
• Textes complets :
"Dissuasion" Rev Prescrire 2021 ; 41 (448) : 89. Accès libre
"Larotrectinib (Vitrakvi°) et cancers avec fusion d'un gène NTRK" Rev Prescrire 2021 ; 41 (448) : 97-99. Réservé aux abonnés.