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Cadeaux des labos : le recul du gouvernement ?

Avec son projet de décret "sunshine", le Ministère de la Santé organise en réalité l’opacité autour des cadeaux  des firmes aux acteurs de la santé.

Un "permis de corrompre" au quotidien, voilà tout ce qui resterait du "sunshine act" à la française, mis en place par le gouvernement précédent dans la loi dite de sécurité sanitaire, mais vidé de son sens par un projet de décret en préparation au ministère de la Santé.

La loi prévoit de faire la transparence sur les avantages offerts par les firmes aux "acteurs de la santé". Ces avantages sont apparus comme autant de risques sanitaires depuis le désastre du Mediator°.

En organisant systématiquement l’opacité, le décret en préparation trahit l’esprit de la loi et les attentes des usagers du système de santé (1).

Il constitue une régression majeure par rapport au dispositif mis en place par la loi anticadeaux de 1993 et la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

Opacité organisée
Tout d’abord, les contrats liant les médecins aux firmes ont été exclus du dispositif.

Les patients n’auront pas le droit de savoir si leur médecin est consultant ou orateur pour une firme. Les sommes en jeu sont pourtant importantes, supérieures à leur salaire pour certains leaders d’opinion qui courent les congrès et les plateaux de télévision : 600 000 euros pour un seul contrat de consultant relevé par l’IGAS (inspection générale des affaires sociales), qui a pointé la « forte opacité » de ces contrats (2).

Le décret réduit donc la loi à une banale loi anti-cadeaux. Un complexe jeu de seuils et de tranches de déclarations l’affaiblit encore en permettant de ne même pas avoir à déclarer jusqu’à 998 euros de cadeaux par an pour un soignant. Et ce, pour chaque firme (a). Soit la promesse de très nombreuses invitations au restaurant en toute discrétion.

Ultime indication de l’organisation de l’opacité par ce décret : les publications seront dispersées sur les sites internet des différentes firmes, voire sur des registres papier dont le décret ne prévoit même pas les modalités de consultation. En revanche, le décret impose que les déclarations publiées en ligne soient désindexées des moteurs de recherche, afin de limiter encore l’accès des citoyens à cette information.

Il est frappant de constater que des firmes, qui semblent avoir tenu la plume du décret, publient en ce moment même aux États-Unis d’Amérique les rémunérations et cadeaux qu’elles offrent aux professionnels de santé, au dollar près. Ou que l’Ordre des médecins français, premiers concernés par ces publications, réclame que toute la transparence soit faite ! (3)

Tenir les promesses
Il est solidement établi que les "petits" cadeaux influencent inconsciemment même les plus vigilants (climat de proximité et de confiance, besoin de "rendre" de la part de celui qui reçoit). Les services commerciaux des firmes le savent bien et y consacrent des budgets importants chaque année.

Arrêtons l'hypocrisie ou la naïveté qui consiste à dire que les petits cadeaux n'ont pas d'influence ! Arrêtons le cynisme de ceux qui profitent de pratiques commerciales financées aux frais de l’assurance maladie et au prix de la santé publique !

Au lieu de ce projet de décret qui organise l’opacité sur des pratiques contraires à l’intérêt des patients, le Collectif Europe et Médicament exige la déclaration au premier euro des avantages et rémunérations offerts par les firmes aux soignants, consultable bénéficiaire par bénéficiaire sur un site internet unique publiquement accessible.

Madame Marisol Touraine, ministre de la Santé, doit respecter les engagements du Président de la République en matière de conflit d’intérêts, la volonté de la loi, et les attentes légitimes des citoyens, en refusant de signer le projet de décret.

Ce décret ne doit pas être l'occasion de délivrer un permis d’influence occulte au détriment des patients et de la Sécurité sociale, mais doit assurer une indispensable transparence sur les relations entre les firmes et les acteurs de la santé.

©Le Collectif Europe et Médicament 1er novembre 2012

Prescrire est membre fondateur du Collectif Europe et Médicament
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Note :
a- Il suffira que les firmes prennent soin de ne pas dépasser 59 euros à chaque fois, et de ne pas dépasser 499 euros par semestre…

Références :
1- Frachon I et Toussaint B "Après le Mediator, la transparence sur les cadeaux des firmes s'impose" Le Monde 16 octobre 2012.
2- Inspection Générale des Affaires Sociales, rapport RM2008-147P « Enquête sur la rémunération des médecins et chirurgiens hospitaliers »
3- Conseil National de l’Ordre des Médecins, « Publication des liens d’intérêts : de la lumière à l’obscurité », 23/10/2012

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Pdf, accès libre

Pour en savoir plus :
 
Cadeaux des firmes aux
soignants : la transparence
ne se marchande pas
(Septembre 2012)
Accès libre

Petits cadeaux : influence
souvent inconsciente
mais prouvée
(Septembre 2011)
Accès libre