prescrire.org > Libre Accès > Les Positions Prescrire > Principes de base > Histoire naturelle

Thème : Principes de base

Intégrer en permanence les incertitudes et les probabilités, les possibilités et les impossibilités, et, par delà des cultures et les convictions, ancrer les décisions aux principes fondamentaux des métiers de soignants.

Histoire naturelle

La connaissance de l’histoire naturelle des maladies est indispensable à la construction d’arbres de décisions pertinentes.

Selon un précepte trop facilement admis, diagnostiquer et traiter un cancer au plus tôt améliore l’espérance de vie. Différents dépistages de cancer sont réalisés avec cet espoir. Parfois de manière individuelle et informelle, parfois de manière très officielle et structurée, comme c’est le cas pour les cancers du sein.

Pourtant l’évaluation du dépistage des cancers du sein par mammographies n’a pas démontré d’efficacité en termes de mortalité. Autrement dit, la découverte précoce d’un cancer du sein par mammographie de dépistage (et son traitement) n’améliore pas l’espérance de vie moyenne des patientes concernées, mais en projette beaucoup dans la tourmente des effets indésirables physiques et psychiques de la maladie et de ses traitements.

Voilà qui pousse à réfléchir plutôt deux fois qu’une avant de s’immiscer dans la vie des patients, que ce soit par crainte de ne pas faire assez ou pour justifier son rôle de soignant. En particulier, mieux vaut se demander quelle est l’évolution d’une maladie en l’absence de traitement. En d’autres termes, quelle est l’histoire naturelle de cette maladie ?

Par exemple, les cancers de la prostate localisés et bien différenciés ont le plus souvent peu d’influence sur la durée de vie des patients âgés d’environ 70 ans ; et plus de la moitié de ces patients n’auront pas d’aggravation de leur cancer.

Il est aussi utile de savoir qu’avec un cancer de la prostate localisé mais histologiquement indifférencié, le risque de décès est très élevé dès les premières années d’évolution. Ces connaissances sont des sources indispensables aux décisions des soignants, et pour rendre les patients aussi libres que possible de choisir les interventions qu’ils souhaitent ou ne souhaitent pas.

Le constat est le même lorsque l’affection est manifestement bénigne. Par exemple, il est utile aux femmes de savoir que plus de la moitié des cystites aiguës simples guérissent spontanément mais lentement, et ne se compliquent qu’exceptionnellement de pyélonéphrite aiguë. Les patientes informées de cette évolution habituelle sont alors plus libres de choisir au mieux entre l’option d’un traitement pour soulager la gêne ressentie ou l’option d’attendre sa disparition spontanée.

La connaissance de l’histoire naturelle des maladies est le socle indispensable à la construction d’arbres de décisions pertinentes. Surtout quand cette connaissance est partagée avec les patients.

©Prescrire 2011

Tiré de : Rev Prescrire 2008 ; 28 (296) : 401.

"Histoire naturelle" Rev Prescrire 2011 ; 30 (337) : 804.

Télécharger ce texte
Pdf, accès libre