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Thème : Accès aux soins

L'accès à des soins de qualité pour tous se heurte à de nombreux obstacles.

Payés à quoi faire ?

Il est temps de faire évoluer le système de santé vers des rémunérations et des organisations du travail qui favorisent la qualité, au lieu de favoriser le volume et les activités commerciales sous toutes leurs formes.

À quoi faire les professionnels du soin sont-ils payés ? Les soins sont-ils rémunérés à leur juste valeur ?

Pour les docteurs en pharmacie titulaires de l’autorisation d’exploiter une officine en France, la situation est caricaturale. Ces pharmaciens sont essentiellement rémunérés au pourcentage. En l’occurrence, au pourcentage du montant de leurs ventes.

Pour les médicaments à prix public libre, d’une officine à l’autre, d’un médicament à l’autre, ce pourcentage varie en fonction de critères tels que le pouvoir de négociation avec les firmes ou les grossistes, le pouvoir d’achat de la clientèle de la zone de chalandise, le niveau de concurrence locale, les décisions gouvernementales. Même pour les médicaments remboursables par le système public d’assurance maladie, dont le prix est imposé, il n’est prévu aucune rémunération explicite de la moindre prestation de santé. Rien n’est institué en contrepartie de l’éducation ou de l’information du patient, par exemple dans des situations cliniques concernées par l’automédication. Rien de proportionnel au temps consacré à améliorer la qualité du soin. Par exemple au travail de vérification de l’absence d’interaction dangereuse dans les traitements. Ou au temps passé à prévenir, déceler et signaler les effets indésirables des médicaments. Aucune incitation à modérer la médicamentation des patients.

Tout semble organisé comme si le pharmacien était uniquement stimulé à vendre et distribuer des produits, et non à soigner des personnes.

Pour les docteurs en médecine exerçant en mode libéral, la situation est tout aussi caricaturale. En France, un médecin exerçant en mode libéral est rémunéré lui aussi au volume. Renouvellement banal ou complexe d’ordonnance au long cours, gestion d’une crise difficile, prise en charge d’une détresse psychologique, autonomisation d’un patient atteint d’une maladie chronique, temps consacré à l’éducation thérapeutique, moment d’empathie : tout cela est payé au tarif standard d’une vingtaine d’euros l’unité.

Dans ces conditions, les soignants qui chaque jour s’intéressent avant tout à l’intérêt des patients ont un grand mérite !

La question “payé à quoi faire ?” s’applique à tous les citoyens, et à tous les soignants. Et elle s’applique aussi, avec acuité, aux autorités politiques et administratives “de tutelle” : il est temps de faire évoluer le système de santé vers des rémunérations et des organisations du travail qui favorisent la qualité, au lieu de favoriser le volume et les activités commerciales sous toutes leurs formes.

©Prescrire 2008

Rev Prescrire 2008 ; 28 (301) : 801.

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