Fin 2006, un projet
d'ordonnance avait fait craindre la légalisation en France des programmes
dits d'"aide à l'observance" (alias "programmes d'accompagnement")
pilotés par les firmes pharmaceutiques (1). Face aux objections exprimées
par de nombreux acteurs, le ministre de la Santé a finalement renoncé
provisoirement à ce projet, début 2007, après avoir tenté
un passage en force à l'Assemblée nationale (2,3,4). Le ministre
avait affirmé au cours des débats que les programmes d'"aide
à l'observance" des firmes étaient exigés par l'autorisation
de mise sur le marché (AMM) européenne (2). Pour vérifier
cette assertion, nous avons interrogé l'Agence européenne du médicament
(EMEA) (5).
La réponse
de l'EMEA, datée du 27 avril 2007, rappelle ce qui est prévu dans
le cadre législatif et clarifie la situation (6). L'EMEA
ne demande pas aux firmes de programmes d'accompagnement des patients. Toujours
selon l'EMEA, il peut arriver que la Commission européenne d'autorisation
de mise sur le marché (CHMP) demande une étude de suivi de l'utilisation
du médicament en pratique courante, portant « dans quelques
rares cas » sur l'observance (6). Et l'EMEA précise qu'il s'agit
dans tous les cas d'études "observationnelles" et non d'interventions.
Elle n'a « aucun exemple à citer d'un médicament autorisé
par AMM centralisée pour lequel une obligation d'observance serait imposée
par le plan de gestion des risques » (6). En
pratique, la lecture des plans de gestion des risques dans les rapports d'évaluation
(EPAR) mis en ligne sur le site de l'EMEA, confirme ces éléments.
Les compléments à ces plans, parfois ajoutés par l'Agence
française des produits de santé (Afssaps), et rendus désormais
publics sur son site internet, n'exigent pas non plus d'intervention directe ou
indirecte des firmes auprès des patients. On peut y lire, chaque fois qu'un
matériel pédagogique est prévu à l'intention des patients,
qu'il doit être remis par un professionnel de santé, et non directement
par la firme. Néanmoins,
le LEEM, syndicat français des firmes pharmaceutiques, a écrit en
juillet 2007 dans ses "messages clé" sur les "programmes
d'accompagnement des malades" : « Les autorités de santé
(EMEA et Afssaps) créent, de plus, via les plans de gestion du risque,
une obligation pour les entreprises [NDLR : les firmes pharmaceutiques] à
mieux informer les malades et à mieux encadrer leurs traitements » (7).
Ce document fait en outre figurer, parmi les objectifs des "programmes d'accompagnement",
le « respect de l'observance » (7). Même si
le LEEM a précisé que dans la mise en uvre des programmes,
« l'entreprise n'a jamais de contact direct avec les malades »,
il y a lieu de craindre une forte influence, à travers les divers prestataires
disponibles à cet effet. Patients
et soignants ont intérêt à rester vigilants sur les pratiques,
et à repérer aussi bien les numéros verts glissés
dans le matériel pédagogique voire sur les conditionnements et les
notices, que les prestataires des firmes prenant contact avec les patients.
Une
nouvelle proposition de loi a été annoncée pour lautomne
2007. L'inspection générale des affaires sociales (Igas) a consacré
un rapport sur ces programmes. Mais, au 28 octobre, la ministre de la santé
n'a toujours par rendu public ce rapport, contrairement aux promesses de son prédécesseur..
Les autorités
doivent défendre lintérêt général des
patients. Les programmes dits daccompagnement financés
et organisés par les firmes pharmaceutiques, directement ou indirectement,
doivent purement et simplement être interdits ; en France, par exemple,
en application des articles L.5122-1 et L.5122-6 du Code de la santé publique
sur la publicité pharmaceutique. Les
patients doivent continuer à se soigner sereinement, avec laide des
professionnels de santé, de leur entourage et dautres malades concernés,
sans pression dorigine commerciale. ©La revue
Prescrire 1er novembre 2007 Rev Prescrire 2007 ; 27 (289) :
815. _________ Références
1- Prescrire Rédaction "Programmes des firmes pharmaceutiques
d'"aide à l'observance" : l'imposture" Rev Prescrire 2006
; 26 (271) : 300. 2- Collectif Europe et Médicament "Projet de
loi sur les médicaments : un débat tronqué" 18 janvier
2007. Site www.prescrire.org : 2 pages. 3- Collectif Europe et Médicament
"Programmes d'"observance" des firmes : la société
civile enfin entendue" 25 janvier 2007. Site www.prescrire.org : 1 page. 4-
Prescrire Rédaction "Programmes industriels d'"aide à
l'observance" : répit de courte durée" Rev Prescrire 2007
; 27 (285) : 542. 5- Prescrire Rédaction ""Plans de gestion
des risques" : pas rassurants du tout" Rev Prescrire 2007 ; 27 (282)
: 259-260. 6- EMEA "EMEA compliance programme information - Courrier à
la revue Prescrire" 27 April 2007 : 2 pages. 7- LEEM "Programmes
d'accompagnement des malades. Les messages clé du LEEM" 6 juillet
2007 : 2 pages. |