Revue Prescrire, article en une, compléments alimentaires octobre 2006
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Compléments alimentaires : la passoire administrative
 
La Directive européenne de 2002 sur les compléments alimentaires est enfin transposée en France, mais le dispositif n'est pas rassurant : les exigences d'évaluation avant mise sur le marché sont indigentes.
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Compléments alimentaires : méfiance !

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Une Directive européenne de 2002 sur les compléments alimentaires a défini ces produits et prévu : des dispositions sur leur composition et sur les nutriments qu'ils peuvent contenir ; des obligations en matière d'étiquetage ; et des listes positives de vitamines et minéraux autorisés (1,2). Les États membres avaient jusqu'au 31 juillet 2003 pour transposer cette Directive en droit national. En France, après une condamnation de la France par la Commission des Communautés européennes pour non-respect des délais de transposition, un décret sur les compléments alimentaires a été publié le 25 mars 2006 (3,4).

Des ingrédients autorisés

Le décret définit les compléments alimentaires (a) et ce qui peut entrer dans leur composition : les nutriments (vitamines et minéraux), dont la liste et les caractéristiques sont fixées par arrêté (b,c)(5) ; des substances à but nutritionnel ou physiologique « ayant déjà fait l'objet d'une autorisation d'emploi dans les denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière » (d) ; des plantes ou parties de plantes « traditionnellement considérées comme alimentaires » (e) ; des « ingrédients dont l'utilisation en alimentation humaine est traditionnelle ou reconnue (…) » ; des « additifs, (…) arômes (…) auxiliaires technologiques dont l'emploi est autorisé en alimentation humaine » (3).
L'utilisation de substances à but nutritionnel ou physiologique qui n'ont pas encore « fait l'objet d'une autorisation d'emploi dans les denrées alimentaires », de plantes non « traditionnellement considérées comme alimentaires », et de préparations de plantes, est soumise à autorisation, par arrêté des ministres de la consommation, de l'agriculture et de la santé (3). Les modalités d'autorisation sont pour le moins floues (lire ci-après).

Des ingrédients interdits
Le décret interdit d'inclure dans la composition des compléments alimentaires : « des substances possédant des propriétés exclusivement pharmacologiques » et « des plantes ou des préparations de plantes possédant des propriétés pharmacologiques et destinées à un usage exclusivement thérapeutique » (3).

Pas d'allégations thérapeutiques
Le décret prévoit que l'étiquetage et la publicité des compléments alimentaires « n'attribuent pas à ces produits des propriétés de prévention, de traitement ou de guérison d'une maladie humaine, ni n'évoquent ces propriétés » (3). En outre, l'étiquetage doit mentionner certaines informations : dose quotidienne recommandée et celle à ne pas dépasser, maintien hors de portée des enfants, pas d'utilisation en substitution d'un régime alimentaire équilibré (3).

Des conditions de mise sur le marché français
très peu contraignantes

Pour les compléments alimentaires contenant des substances autorisées, la firme doit seulement transmettre à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (Dgccrf, au sein du ministère des Finances) un modèle d'étiquetage avant la première commercialisation.
Pour les compléments alimentaires contenant de nouveaux ingrédients qui ne sont pas encore autorisés en France, mais déjà commercialisés dans un autre pays européen, une déclaration doit être envoyée à la Dgccrf (3). La Dgccrf a seulement 2 mois pour dire si elle autorise la commercialisation ; et l'absence de réponse, dans ce délai de 2 mois, vaut autorisation.
Ces ingrédients nouveaux sont inscrits sur les listes décrites plus haut dans un délai de 12 mois, sauf s'il apparaît qu'ils présentent un « risque réel pour la santé ».

Lieu de vente non précisé
Le décret ne précise pas de lieu de vente particulier pour les compléments alimentaires. Les compléments alimentaires ne sont pas inscrits sur la liste des produits que les pharmaciens sont autorisés à dispenser, cette liste datant de 1990, mais, en pratique, beaucoup de pharmaciens en vendent (6). Le ministre de la Santé a annoncé, en avril 2006, la prochaine publication d'un arrêté modifiant cette liste, en y incluant les compléments alimentaires (7).

Des listes toujours en attente
Des arrêtés fixant les listes de substances à but nutritionnel ou physiologique, et de plantes pouvant entrer dans les compléments alimentaires sont encore attendus. La publication de listes positives d'ingrédients autorisés ne doit pas faire oublier que certains ne sont pas anodins en cas de surdosage ou d'interactions.

©La revue Prescrire 1er octobre 2006
Rev Prescrire 2006 ; 26 (276) : 656-657.

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Notes
a- On entend par compléments alimentaires « les denrées alimentaires dont le but est de compléter le régime alimentaire normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d'autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique seuls ou combinés, commercialisés sous forme de doses, à savoir les formes de présentation telles que les gélules, les pastilles, les comprimés, les pilules et autres formes similaires, ainsi que les sachets de poudre, les ampoules de liquide, les flacons munis d'un compte-gouttes et les autres formes analogues de préparations liquides ou en poudre destinées à être prises en unités mesurées de faible quantité » (réf. 3).
b- Il s'agit selon un arrêté du 9 mai 2006 des vitamines déjà mentionnées en annexe de la Directive 2002/46/CE : A, B1, B2, B6, B12, C, D, E, K, biotine (alias vit. H), niacine (alias vit. PP), acide folique (alias vit. B9), et acide pantothénique (alias vit. B5) ; et des minéraux suivants : calcium, chlorure, chrome, cuivre, fer, iode, magnésium, manganèse, molybdène, phosphore, potassium, sélénium, sodium, zinc (réf. 5). À noter que le fluor figure sur la liste, mais avec une teneur maximale admise nulle, suite à un avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), considérant « qu'il existe un risque pour les enfants et les adultes de dépasser les limites de sécurité en fluor par la consommation de compléments alimentaires contenant du fluor » (réf. 8).
c- Les caractéristiques des nutriments fixées par l'arrêté, sont : les critères d'identité et de pureté, et les teneurs maximales admises (réf. 5).
d- Elles sont définies comme des « substances chimiquement définies possédant des propriétés nutritionnelles ou physiologiques, à l'exception des nutriments (…) et des substances possédant des propriétés exclusivement pharmacologiques » (réf. 3).
e- Elles sont définies comme des « ingrédients composés de végétaux ou isolés à partir de ceux-ci (…) possédant des propriétés nutritionnelles ou physiologiques (…) » (réf. 3).
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Références
1- "Directive 2002/46/CE du Parlement et du Conseil du 10 juin 2002 relative au rapprochement des législations des États membres concernant les compléments alimentaires" Journal Officiel des Communautés européennes 12 juillet 2002 : L183/51-L183/57.
2- Prescrire Rédaction "Compléments alimentaires : un cadre juridique en construction" Rev Prescrire 2003 ; 23 (239) : 339.
3- "Décret n° 2006-352 du 20 mars 2006 relatif aux compléments alimentaires" Journal Officiel du 25 mars 2006 : 4543-4546.
4- "Arrêt de la Cour (6e chambre) du 8 septembre 2005 dans l'affaire C-57/05 : Commission des Communautés européennes contre République française (Manquement d'État - Directive 2002/46/CE de la Commission du 10 juin 2002 - Non-transposition dans le délai prescrit)" Journal Officiel des Communautés européennes du 29 octobre 2005 : 1 page.
5- "Arrêté du 9 mai 2006 relatif aux nutriments pouvant être employés dans la fabrication des compléments alimentaires" Journal Officiel du 28 mai 2006 : 7977-7979.
6- "Arrêté du 19 mars 1990 fixant la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L.569 du code de la santé publique" Journal Officiel du 29 mars 1990. Site internet http://www.legifrance.gouv.fr : 2 pages.
7- "Compléments alimentaires. Une nouvelle donne" Les Nouvelles Pharmaceutiques 2006 (317) : 2 pages.
8- Afssa "Avis relatif à l'évaluation de deux projets de textes concernant les compléments alimentaires" Saisine n° 2004-SA-0210 11 octobre 2004 : 5 pages.