Le
rapport fameux de l'Institute of Medicine étatsunien, au titre emblématique
"L'erreur est humaine - Bâtir un système de santé plus
sûr", va bien au-delà d'une simple réactualisation du
principe hippocratique. En proposant de s'inspirer des programmes destinés
à améliorer la sécurité dans l'industrie pour gérer
les risques et prévenir les erreurs, les auteurs de ce rapport ont réussi
à susciter ce que certains considèrent comme une "révolution
culturelle" dans l'approche de la sécurité des patients.
Ce
que les Anglosaxons appellent la "safety culture", c'est concilier le
constat de l'existence d'erreurs avec l'objectif d'une absence de dommage important
résultant des soins. Il s'agit d'éviter le piège de l'aversion
maladive du risque et de l'idéologie sécuritaire qui s'ensuivrait.
Dans cette perspective, le souci de la sécurité des patients pousse
à tirer le meilleur parti de chaque erreur, car son analyse approfondie,
pluridisciplinaire, permet de comprendre les défauts, les défaillances
et les dysfonctionnements qui l'ont provoquée. Certes, ce sont d'autres
patients qui tireront bénéfice des leçons tirées de
cette analyse, mais l'essentiel est là : quelque chose de positif sera
tiré de l'erreur, à l'échelle de la collectivité,
engagée dans une démarche systématique de résolution
des problèmes.
Les
soins médicamenteux illustrent bien la nécessité d'une approche
systémique pour la prévention des erreurs. Dans le système
que constitue la prise en charge thérapeutique des patients, chaque acteur
participe à la sécurité en interceptant les erreurs qui auraient
pu se produire à l'étape précédente du processus ;
l'ultime acteur étant le patient lui-même, d'où l'importance
de son information et de sa participation.
Mais
la maîtrise des erreurs liées au médicament exige d'aller
au-delà des pétitions de principe, bien souvent sans lendemain.
C'est dose par dose, à prendre ou à administrer, que se pose le
problème de la sécurité de chaque soin médicamenteux.
C'est dose par dose qu'il faut le résoudre. Rien ne sera acquis tant qu'il
ne sera pas admis qu'il existe autant d'opportunités d'erreurs liées
au médicament qu'il existe de doses à prescrire, à administrer
ou à préparer. Rien ne sera acquis tant qu'il ne sera pas admis
qu'il existe autant d'opportunités d'erreurs liées au médicament
qu'il se trouve de médicaments disponibles, souvent sans raison valable,
dans les armoires à pharmacies, domestiques, hospitalières ou ailleurs.
C'est en agissant concrètement,
au quotidien, que chaque soignant atteste de sa préoccupation de ne pas
nuire au patient et de sa volonté d'"Éviter l'Évitable". ©La
revue Prescrire 1er décembre 2005 |