Parler
d'erreur en médecine n'est pas facile. D'abord parce qu'il est difficile
d'admettre l'existence d'une erreur, ensuite parce que cela exige de surmonter
un sentiment de culpabilité. Que signifie, par exemple, l'expression "reconnaître
une erreur" ? De la part de celui qui l'a commise, s'agit-il d'un aveu ?
De la part de celui qui l'a repérée, s'agit-il d'en constater les
dégâts sur une éventuelle victime, ou de l'intercepter pour
protéger un patient ? Chargée de connotations péjoratives,
l'erreur renvoie la plupart du temps à la notion de responsabilité.
Pour progresser efficacement
dans la prévention des erreurs, mieux vaut mettre un terme à cette
funeste confusion entre faute et erreur. Une faute enfreint les procédures
ou les normes instaurées pour la sécurité des patients et,
à ce titre, constitue une négligence susceptible de sanctions. Une
erreur, quant à elle, n'est pas délibérée et lorsqu'elle
est intentionnelle, résulte d'une mauvaise appréciation ou d'un
défaut de connaissances. Il est de la responsabilité des soignants
non seulement d'exercer sans commettre de fautes, mais surtout de prévenir
les erreurs et, lorsqu'elles surviennent, d'éviter qu'elles ne soient répétées.
Les soignants préoccupés
par la qualité ont intérêt à parler ouvertement de
leurs erreurs, sans quoi leurs origines systémiques resteront inconnues
et les erreurs liées aux soins se répèteront. Dépasser
les confusions, approximations et autres lieux communs relatifs à l'erreur
en médecine suppose de disposer du vocabulaire adéquat pour aborder
lucidement ces questions. La précision des termes employés est indispensable
à l'analyse approfondie des erreurs. Comprendre l'erreur et la décrire
attentivement sont les premiers moyens d'en déculpabiliser l'approche pour
en tirer un support d'enseignement à la pratique, la nécessaire
pédagogie par l'erreur, pour mieux en protéger les patients et pour
les informer honnêtement en toutes circonstances.
En
apprenant à regarder l'erreur en face, à en parler spontanément
et sans peur, nous cesserons d'en faire un terme stigmatisant stérilement
ceux qui l'ont commise. N'est-ce pas aussi en apprenant à éviter
que des erreurs analogues ne surviennent à nouveau que l'on peut contribuer
à consoler le souvenir associé aux erreurs passées ? ©La
revue Prescrire 1er décembre 2005 |