Revue Prescrire, Cahier Législation européenne sur le médicament transposition mars 2006
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Europe et médicamenteurope et médicament
France :
Transposition de la Directive européenne 2004/27/CE sur le médicament : danger !
 
Le projet de transposition en France fait craindre des dérives majeures. Le calendrier serré et le processus peu démocratique (passage par ordonnance) appellent à la plus grande vigilance.
Pour en savoir plus

 


Projet de loi
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Projet Ordonnance

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Ordonnance - Rapport au Président de la République

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Surveiller la mise en application de la législation : l'échéancier
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Collectif Europe et Médicament

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Les points les plus importants de la nouvelle législation
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Nous avons fait un point dans le numéro de décembre 2005 sur le retard de la France à transposer la Directive 2004/27/CE, qui a modifié de manière notable le cadre législatif européen dans le domaine du médicament (1). Six mois après la date limite de transposition, la France est toujours en retard, mais un projet de transposition a été élaboré par le ministère de la santé.

Il s'agit d'un projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire (alias loi DDAC) et d'un projet d'ordonnance (2,3). Le projet de loi devrait être examiné au Parlement puis au Sénat d'ici l'été 2006, et il prévoit qu'une part importante de la transposition passe par l'ordonnance. Celle-ci pourrait être signée aussitôt, seulement après avis du Conseil des ministres et du Conseil d'État.

Loi de transposition : des oublis majeurs sur la transparence de l'Afssaps
Le projet de loi porte principalement sur la définition du médicament et l'autorisation de mise sur le marché, et paraît respecter l'esprit de la Directive sur ces points.
Il comporte en outre une section intitulée "transparence" modifiant le Code de la santé publique (CSP) pour ce qui concerne l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Mais tandis que l'article 126 ter de la Directive exige que l'Afssaps rende publics l'ordre du jour de ses réunions (de commissions et groupes de travail), les comptes rendus assortis des décisions prises, le détails des votes, etc., le projet de loi ne fait que modifier légèrement la loi française relative aux rapports d'évaluation de l'Afssaps et aux conflits d'intérêts (articles L.5311-1 et L.5323-4 du CSP). Le projet de transposition est donc très incomplet sur ce point majeur, qui conditionne la crédibilité de l'Agence.

Ordonnance : l'encadrement des patients par les firmes pharmaceutiques !
On ne trouve dans le projet actuel de transposition par ordonnance aucune des mesures très attendues par les patients et les soignants : indépendance du financement des activités de pharmacovigilance de l'Agence, obligation de tester le contenu des notices par des patients, de faire figurer les DCI sur les boîtes de médicaments même quand ils contiennent jusqu'à 3 principes actifs, etc. Ces points relèvent certes du domaine réglementaire, et pas du domaine législatif, mais on ne voit pour l'instant aucun projet de décret les concernant. Il faudra donc veiller à ce qu'ils ne soient pas oubliés, et à ce que la transposition soit complète.

Mais le plus grave dans le projet d'ordonnance est l'introduction d'un sujet qui n'existe pas dans la Directive ! Serait ainsi créé de toutes pièces un chapitre du code de la santé publique intitulé : "Encadrement des programmes d'observance".

Pour bien comprendre la nature de ces "programmes d'observance", le mieux est de se reporter au Rapport au Président de la République qui accompagne le projet d'ordonnance et en explique le contenu (4).

La lecture des justifications de ce chapitre est consternante : « La section 4 concerne les programmes d'aide à l'observance d'un traitement médicamenteux et les autres programmes d'accompagnement individualisé des patients qui sont proposés par des entreprises pharmaceutiques en appui à des traitements, notamment pour des médicaments d'utilisation complexe et au long cours, et qui constituent des nouveaux modes d'information et de soutien aux patients. Ils sont initiés par le médecin lors de la consultation et visent à favoriser l'observance par le patient ou à l'accompagner à travers différents dispositifs individualisés (relance téléphonique, numéro vert, éducation personnalisée pour les patients, envoi d'infirmiers à domicile, etc.).

Ces programmes peuvent avoir un impact positif en favorisant le bon usage des médicaments. Il est cependant nécessaire de les encadrer afin de garantir qu'ils poursuivent un objectif de bon usage du médicament, qu'ils respectent les exigences éthiques en matière de consentement des patients et qu'ils sont effectués conformément aux données de l'AMM du médicament.
Si ces programmes ne sont pas assimilables à de la publicité, il convient néanmoins de les encadrer. Cet article vise en conséquence à définir un encadrement spécifique pour ces programmes en précisant notamment qu'ils sont soumis à une autorisation préalable de l'Afssaps et en prévoyant les sanctions susceptibles d'être prises à l'encontre des entreprises qui ne respecteront pas ces dispositions ».

Et la phrase qui suit clarifie bien l'intention : « Ces dispositions sont conformes aux orientations données par la Commission européenne lors de la négociation de la révision pharmaceutique, qui visaient à admettre plus largement la possibilité pour les firmes pharmaceutiques de faire de l'information sur des sujets de santé ».
Les auteurs du projet d'ordonnance ne manqueront pas de faire valoir que certaines firmes ont d'ores et déjà lancé de tels programmes, et… qu'il faut donc les "encadrer", alors qu'il est parfaitement justifié de les interdire purement et simplement. L'amalgame sera peut-être fait avec les études de suivi demandées par la Commission d'autorisation de mise sur le marché ou celle de la transparence, alors que ces études visent essentiellement à pallier les insuffisances de l'évaluation initiale des médicaments.

En somme
Le projet de transposition ne tient aucun compte des exigences majeures imposées par la Directive en matière de transparence. Mais de surcroît, il vise à introduire dans le droit français le "coaching" des patients par les firmes pharmaceutiques qui vendent les médicaments, jusqu'à l'envoi de "contrôleurs" à domicile. Il s'écarte ainsi totalement de l'esprit de la Directive.

Attention, danger !

©La revue Prescrire 1er avril 2006
Rev Prescrire 2006 ; 26 (271) : 257.

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Références
1- Prescrire Rédaction "Transposition de la Directive 2004/27/CE sur le médicament : la France en retard" Rev Prescrire 2005 ; 25 (267) : 817-818.
2- Direction générale de la santé/SD3 "Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire" 14 décembre 2005 : 9 pages.
3- Direction générale de la santé/SD3 "Ordonnance - Titre 1er : Dispositions relatives aux médicaments à usage humain" 14 décembre 2005 : 8 pages.
4- Direction générale de la santé/SD3 : "Ordonnance n° - Rapport au Président de la République" 14 décembre 2005 : 9 pages.