Revue Prescrire, article en une, réseau d'observation de la visite médicale mars 2003 (1)
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Réseau d'observation de la visite médicale :
le "best of" 2002
 
En 2002, un peu plus encore que les années précédentes, la visite médicale est apparue centrée sur des nouveautés qui ne constituent pas des progrès thérapeutiques, mais sont conçues simplement pour occuper des parts de marché, au détriment des concurrents.
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Visite médicale : non merci !
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La visite médicale n'est pas une source fiable d'information
Itinéraire mis à jour le 1er mai 2003 (11 articles)

Visite médicale = publicité : elle attrape les praticiens là où ils ne l'attendent pas
Itinéraire mis à jour le 3 mars 2003 (10 articles)

Quelques extraits du discours entendu cette année par les membres du Réseau, et regroupés ci-dessous, montrent comment les campagnes promotionnelles peuvent déformer la réalité pour parvenir à imposer à tout prix un "nouveau" médicament, ou à l'inverse pour lutter contre un nouveau venu (a).

Ainsi, à propos de l'ésoméprazole (alias S-oméprazole, enantiomère de l'oméprazole) - Inexium°, destiné à remplacer l'oméprazole - Mopral° (devenu généricable), de la même firme AstraZeneca (n° 227 p. 248-250) :
« - Avec Inexium°, l'ulcère cicatrise en 8 jours, au lieu d'un mois avec l'oméprazole (…) ; (…) réduit de moitié la durée du traitement (…)
- (…) C'est nouveau, ça agit plus vite, c'est mieux toléré (…), c'est du Super Mopral°, quoi ! ».

À propos de la desloratadine (métabolite de la loratadine) (Aerius°) conçue pour remplacer la loratadine (Clarityne°) de la même firme Schering-Plough (n° 228 p. 335-336) :
« - Aerius°, c'est une vitesse d'action rapide (…), des prix plus bas que les concurrents (…), pas de premier passage hépatique (…), plus efficace que la Clarityne° (…) bref, c'est la Super-loratadine ! ».

Pendant ce temps, dans le même domaine des antihistaminiques H1, on pouvait entendre à propos de l'ébastine (Kestin°) de la firme PharmaFarm (n° 230 p. 493-496) :
« - Il n'a pas plus d'effets indésirables qu'un placebo (…)  », alors que le RCP de Kestin° comporte une mise en garde contre le risque d'allongement de l'intervalle QT.

Dans le champ de la neuropsychiatrie aussi, la concurrence rude conduit les visiteurs à des affirmations hasardeuses ou à des dérapages flagrants :
« - Les génériques du Prozac° (fluoxétine - Lilly), ça provoque des allergies (…), ça déstabilise les patients fragiles (…) ; et puis, en général, ils ne sont pas sécables (…), alors que Prozac° dispersible (…)  ».
« - Risperdal° (rispéridone - Janssen-Cilag) : vous pouvez l'utiliser pour les personnes âgées démentes (…), les agressifs (…), les inquiets (…), les agités (…), ceux qui ne se sentent pas bien (…), enfin les patients "limite", vous voyez (…)  » (n° 168 p. 823-826 et n° 189 p. 755). L'AMM a pourtant été octroyée uniquement pour le traitement des psychoses, et « en particulier des psychoses schizophréniques aiguës et chroniques », et un risque cérébrovasculaire a été mis en évidence chez les patients âgés déments (n° 234 p. 827).

En antibiothérapie, les affirmations osées ne manquent pas non plus :
« -Ketek° (télithromycine - Aventis) fait partie d'une nouvelle classe d'antibiotiques qui n'entraînera pas de résistance (…)  » (n° 233 p. 731-734).
Certains visiteurs admettent pourtant implicitement que leur antibiotique n'est pas la 8e merveille du monde :
« - Je viens vous voir pour Izilox° (moxifloxacine - Bayer)… Ah ! vous avez lu Prescrire, alors ce n'est pas la peine qu'on se fatigue (…)  » (n° 231 p. 565-568).

Et puis, il y a les firmes qui n'hésitent pas à insister à propos de substances dont l'intérêt clinique reste pourtant toujours à démontrer :
« - Di-Actane° Gé (naftidrofuryl - Menarini) (copie de Praxilène°) : c'est la molécule la plus prescrite dans l'artérite. C'est donc le médicament de référence ! (…)  »

Ou, plus grave, les firmes qui banalisent des médicaments aux risques insuffisamment étudiés. Ainsi, à propos de Livial° (tibolone - Organon) :
« - Une excellente tolérance (…), non contre-indiqué en cas d'antécédents de cancer du sein (…)  » (n° 223 p. 807-811).

Trop nombreuses pour être des bavures ou des dérapages localisés, ces assertions n'aident guère au bon usage du médicament. Ce constat sur la "publicité directe auprès des professionnels de santé", laisse mal augurer de la "publicité directe auprès du public", toujours légalement interdite pour les médicaments de prescription, mais qui se développe à grande vitesse et sous toutes ses formes.

©La revue Prescrire 1er mars 2003
Rev Prescr 2003 ; 23 (236) : 142.

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Note
a- Le lecteur intéressé trouvera entre parenthèses la référence de la synthèse des données relatives à chaque médicament, publiée par la revue Prescrire. Il pourra ainsi comparer l'argument promotionnel et la réalité des données disponibles.