Prescrire, article en une, Les guides de pratique clinique de la Haute autorité de santé française, avril 2009
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Les guides de pratique clinique
de la Haute autorité de santé française
   
Le point après 2 ans d'analyse.
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Le point après 2 ans d'analyse des guides de pratique clinique de la Haute autorité de santé
Rev Prescrire 2009 ; 29 (306) : 308-309.
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Juger les guides de la Haute autorité de santé (HAS) dans leur globalité
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"Au crible" : Les guides de pratique clinique de la Haute autorité de la santé (HAS)
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Guides de pratique clinique : faire le tri et savoir jeter
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Depuis 2006, une équipe de la Rédaction de Prescrire examine systématiquement et méthodiquement les "guides de pratique clinique" que la Haute autorité de santé (HAS) met en ligne sur son site (alias "recommandations pour la pratique clinique" selon la terminologie utilisée par la HAS) (1). Les motivations de ce travail ont été présentées en 2007 et en 2008 (1). Les résultats de cette analyse sont publiés régulièrement dans la rubrique "Au crible" depuis avril 2007.

Voici un bilan d’étape, après 2 ans d’analyse.

Distinguer les vrais guides

Les guides de la HAS sont en accès libre sur son site internet. Mais le repérage des véritables guides de pratique clinique n’est pas facile car la HAS regroupe sous la terminologie "recommandations professionnelles" diverses publications : les "recommandations pour la pratique clinique" mais aussi les "consensus formalisés", les "auditions publiques" et les "conférences de consensus" qui ne relèvent pourtant ni des mêmes objectifs, ni de la même méthode d’élaboration, ni de la même solidité que les guides (a).

Une fois repéré, chaque guide est étudié par 4 membres de la Rédaction de Prescrire. Comme l’ensemble des rédacteurs de Prescrire, ceux-ci signent annuellement la charte "Non merci…" et une déclaration d’absence de conflit d’intérêts, en accès libre sur www.prescrire.org.

Un bilan contrasté

En 2 ans, Prescrire a ainsi passé "au crible" 24 guides de pratique clinique de la HAS et en a retenu 11 "Intéressants", ou "Acceptables".

Comment expliquer en revanche que 13 guides aient pu être cotés "Inutiles" ou "Pas d’accord" ? Probablement par des défauts récurrents que nous observons dans de nombreux guides de la HAS.

Déséquilibre au sein des groupes de travail

Un défaut presque constant : un comité de pilotage dominé par des médecins spécialistes, la plupart du temps hospitaliers, qui n’ont souvent qu’une idée très limitée des préoccupations des soignants de terrain. De plus, de nombreux guides sont de fait "sous-traités" à une (ou plusieurs) société(s) savante(s) de spécialistes voire d’hyperspécialistes, qui tiennent la plume et qui sont sur-représentés dans les groupes de travail et de relecture. Ce point est particulièrement sensible lorsque les recommandations sont faites par « accord professionnel », ce qui est fréquent. La méthode de l’accord professionnel est justifiée lorsque les données solides manquent. Mais quand on conjugue surreprésentation des spécialistes et « accord professionnel », le résultat risque fort d’être non pertinent et non applicable, donc non appliqué par les soignants non spécialisés. Un coup pour rien.

Quelques infirmiers, kinésithérapeutes, psychologues, etc., apparaissent selon les thèmes ; mais les pharmaciens n’ont été que très rarement représentés dans les groupes de travail des guides de la HAS que nous avons analysés. Quelles qu’en soient les causes, cet "oubli" est un défaut important, vu la place des médicaments dans les recommandations de la HAS. Un changement est nécessaire.

De même, les patients concernés n’ont été que très rarement impliqués dans la rédaction ou la relecture des guides, alors que leur participation est importante pour aboutir à des recommandations comprises et applicables.

Zones opaques

Des critiques sont également à formuler sur la méthode d’élaboration des guides. Ainsi, la recherche documentaire est pratiquement toujours transparente, mais la manière dont sont sélectionnées les références l’est beaucoup moins. De même, la manière dont sont obtenus les « accords professionnels » n’a été que très rarement précisée.

Un autre défaut majeur des guides de la HAS est le manque de transparence des conflits d’intérêts des intervenants dans le groupe de travail. La rubrique déclarations des conflits d’intérêts est maintenant systématique dans les guides de la HAS ; mais il faut se rendre sur un site spécifique pour prendre connaissance des déclarations individuelles. Et en consultant ce site on ne découvre généralement que quatre ou cinq déclarations sur une vingtaine attendue.

Autre défaut, aucun des guides que nous avons eu à analyser ne propose une mise à jour ; pourtant les recommandations ne sont pas éternelles.

Continuons à trier

Après 2 ans d’analyse systématique, Prescrire pointe des défauts récurrents qu’il est facile de corriger. Tous les guides de pratique clinique de la HAS ne s’appuient pas « sur les données les plus actuelles de la littérature scientifique » (1). Certains seulement sont effectivement « réalisés à l’aide d’une méthode rigoureuse, explicite, reproductible et sans a priori ». Nous les avons cotés "intéressants" ou "acceptables". Prescrire propose de les lire et de tenir compte de leurs recommandations, car ils aident effectivement à mieux soigner.

Prescrire propose de ne pas lire les guides de la HAS cotés "inutiles" ou "pas d’accord", et de ne pas tenir compte de leurs recommandations qui n’ont, rappelons-le, aucun caractère obligatoire (2).

À suivre.

©Prescrire 1er avril 2009
Rev Prescrire 2009 ; 29 (306) : 308-309.

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Notes
a- Parmi les nombreuses publications de la HAS, les guides de pratique clinique sont a priori les plus pertinents pour les soignants, en raison d’une élaboration méthodique avec, en principe, des questions posées, une recherche documentaire, une sélection des sources, l’appréciation de la solidité des données retenues, la rédaction d’un argumentaire détaillé et référencé, la rédaction des recommandations précisant le niveau de preuves et d’une synthèse des recommandations. Chaque étape donne lieu à un document : argumentaire, recommandations, synthèses des recommandations.
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Références
1- Prescrire Rédaction "Guides de pratique clinique : faire le tri, et savoir jeter" Rev Prescrire 2008 ; 28 (298) : 601.
2- Prescrire Rédaction "Force normative des recommandations : un concept à géométrie variable" Rev Prescrire 2008 ; 28 (294) : 295-299.