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Programmes des firmes pharmaceutiques
d'"aide à l'observance" : l'imposture
 
En France, se met en place un projet de légalisation des programmes d'"aide à l'observance" financés par les firmes pour augmenter encore la consommation médicamenteuse, sous couvert de transposition d'une Directive européenne qui n'aborde pourtant pas le sujet.
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Transposition de la Directive européenne 2004/27/CE sur le médicament : danger !
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Programmes des firmes pharmaceutiques
d'"aide à l'observance" : l'imposture

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La publicité auprès du public pour des médicaments de prescription est autorisée aux États-Unis d'Amérique, mais a provoqué une opposition à un point tel que les firmes pharmaceutiques ont été obligées d'adopter un code de "bonne conduite" spécifique (1). Elle est interdite en Europe, mais des firmes et la Commission européenne ont à cœur d'"assouplir" cette interdiction (2).

Le cheval de Troie de l'"observance"
Parmi les multiples arguments des firmes en vue de faire accepter cette publicité, l'"aide à l'observance" figure en bonne place (3).
Selon une revue destinée aux cadres de firmes pharmaceutiques, « les firmes pharmaceutiques ont de bonnes raisons de s'inquiéter du fait que tant de patients ayant une affection chronique interrompent trop tôt leur traitement. Non seulement cela diminue considérablement le retour sur investissement de leurs campagnes promotionnelles, mais une statistique classique du marketing montre qu'il est six fois plus coûteux d'obtenir un nouveau client que d'en garder un » (4). L'observance insuffisante des patients "coûterait" plus de 30 milliards de dollars par an aux firmes (5).
Les firmes ont donc multiplié les programmes d'aide à l'observance dans de nombreux pays.

La "transposition" abusive en France d'une Directive européenne
Une légalisation de ces programmes d'"aide à l'observance" a été introduite en catimini dans un projet d'ordonnance du gouvernement français destiné à transposer en France une Directive européenne, alors que celle-ci n'évoque même pas le sujet de ces programmes (6) : en réalité le Parlement européen et les gouvernements ont repoussé les propositions de la Commission en matière de publicité grand public pour les médicaments de prescription !

Non à l'imposture
Le projet d'ordonnance prévoit notamment que les firmes pourront, par l'intermédiaire des médecins, mettre en place des « dispositifs individualisés (relance téléphonique, numéro vert, éducation personnalisée pour les patients, envoi d'infirmiers à domicile, etc.) » (6). Soit un pur et simple démarchage à domicile qui vient brouiller les relations avec les médecins et les pharmaciens de famille.
Les patients ont souvent de bonnes raisons d'interrompre leur traitement. Comment croire que ces dispositifs financés par les firmes favoriseront la réévaluation impartiale de la balance bénéfices-risques de chaque traitement ? Comment croire qu'ils favoriseront la pharmacovigilance ? Comment croire qu'ils favoriseront les traitements les moins onéreux ? Si le principe de l'aide à l'observance est en soi intéressant, comment croire que les firmes, avec leur évident conflit d'intérêts, soient bien placées pour rendre ce service ?
À l'heure des contraintes budgétaires pesant sur de nombreux secteurs du système de soins, des firmes pharmaceutiques envisagent de faire prendre en charge par la collectivité (via le prix remboursé des médicaments) des infirmiers payés pour augmenter la consommation de leurs médicaments…

Les parlementaires et les citoyens ont une belle occasion à saisir pour ne pas laisser bafouer ainsi l'intérêt général.

©La revue Prescrire 1er avril 2006
Rev Prescrire 2006 ; 26 (271) : 300.

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Références
1- "PhRMA Guiding Principles - Direct to consumer advertisements about Prescription medicines". Site internet http://www.phrma.org consulté le 1er mars 2006 (sortie papier disponible : 11 pages).
2- Prescrire Rédaction "Europe et médicament : les succès obtenus par les citoyens" Rev Prescrire 2004 ; 24 (252) : 542-548.
3- Wosinska M "Advertising to acquire or retain ?" DTC Perspectives 2003 ; 2 (3) : 22-26. Site internet http://www.hbs.edu consulté le 1er mars 2006 (sortie papier disponible : 4 pages).
4- Smith D "DTC's new job : boosting compliance" Pharmaceutical Executive 2003. Site internet http:// www.pharmexec.com consulté le 27 février 2006 (sortie papier disponible : 4 pages).
5- "Patient compliance is a $30 billion complaint". Site internet http://www.bioportfolio.com consulté le 27 février 2006 (sortie papier disponible : 4 pages).
6- "Projet Ordonnance n° - Rapport au Président de la République" 14 décembre 2005 : 9 pages.