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Grippe A/H1N1 de 2009 : gravité clinique modérée
   
En pratique, gare aux actions préventives aux conséquences démesurées.
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Grippe A/H1N1 de 2009 : gravité clinique modérée
Rev Prescrire 2009 ; 29 (312) : 770-771.
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Grippe A/H1N1 : un peu de sang-froid
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Vaccin grippal saisonnier 2009-2010 : sans rapport avec la pandémie
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Nouvelle grippe A/H1N1 et antiviraux
Pas de données probantes

Rev Prescrire 2009 ; 29 (309) : 529.
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Début septembre 2009, les données publiées sur la gravité clinique de cette grippe justifient-elles des mesures de grande ampleur ? Quelles sont les personnes à risques de complications ?

Ne pas surestimer la gravité clinique de la grippe H1N1v. D'une manière générale, les grippes sont à l'origine d'une certaine mortalité. La mortalité liée aux grippes saisonnières n'est pas précisément connue, ni le nombre absolu de décès, ni le taux de mortalité par personnes infectées ou symptomatiques (a).

Certaines estimations de mortalité liée à la grippe H1N1 ont été fondées sur le ratio du nombre de décès recensés sur le nombre de cas de grippe A/H1N1 (ou H1N1v pour variant H1N1) notifiés : il y a eu environ 1 décès pour 2 000 cas notifiés aux États-Unis d'Amérique et en Europe. Mais un tel calcul surestime fortement la gravité. En fait, le nombre de personnes réellement infectées est très supérieur au nombre de cas notifiés aux autorités sanitaires. De plus, les décès sont parfois comptabilisés comme liés à cette infection dès lors que le virus est présent, sans analyse de sa réelle contribution au décès.

Nouvelle-Zélande : environ 1 décès pour 20 000 grippes symptomatiques. En Nouvelle-Zélande, le H1N1v a supplanté les virus de la grippe saisonnière dès le début de l'hiver austral, en juin 2009. Les données recueillies ont conduit à estimer que jusqu'à fin août, environ 320 000 personnes avaient eu une grippe H1N1v symptomatique, pour une population d'environ 4 millions d'habitants. Se fondant sur des études lors de grippes antérieures, les épidémiologistes néo-zélandais ont estimé qu'environ 160 000 personnes supplémentaires ont probablement eu une infection asymptomatique.
16 décès ont été liés à cette grippe, soit environ 1 décès pour 20 000 infections symptomatiques, et peut-être pour 30 000 personnes infectées.
Selon les notifications, 972 patients ont été hospitalisés en lien avec cette grippe, dont environ 120 malades en soins intensifs. Soit environ une hospitalisation pour 330 grippes H1N1v symptomatiques, et une hospitalisation en soins intensifs pour 2 700 grippes H1N1v symptomatiques.

Affluence chez les médecins généralistes : forte, mais pas exceptionnelle. En Nouvelle-Zélande, selon une enquête auprès de la population générale, seulement environ 5 % des patients symptomatiques ont consulté un médecin généraliste. Au pic de la vague épidémique néo-zélandaise, les consultations pour syndrome grippal ont été environ 3 à 4 fois plus fréquentes que lors des épidémies hivernales de 2007 et de 2008.
En Australie, le pic de consultations a été similaire aux pics observés lors des épidémies saisonnières particulièrement actives de 2003 et de 2007.

Mêmes facteurs de risque de complication que la grippe saisonnière. Diverses situations cliniques ont semblé associées à un risque accru d'hospitalisation : grossesse, diabète, maladie respiratoire ou cardiaque sévère, immunodépression. Ces situations cliniques sont aussi des facteurs de risque de complication lors des épidémies hivernales de grippe saisonnière. Aux États-Unis d'Amérique, environ 80 % des décès liés au H1N1v sont survenus chez des personnes ayant des facteurs de complication connus pour la grippe saisonnière.
L'obésité a été citée en raison de la survenue de 7 décès, parmi 193 recensés, chez des personnes obèses sans autre facteur de risque connu.

Troisième trimestre de grossesse. Par rapport à la population générale, un risque accru de décès lié au H1N1v a été mis en évidence chez les femmes enceintes, au cours du 3e trimestre de grossesse. Aux États-Unis d'Amérique, d'avril à juin 2009, 13 % des 45 décès sont survenus chez des femmes enceintes alors que 0,62 % des cas de H1N1v notifiés, confirmés ou probables, sont survenus chez des femmes enceintes. Le risque d'hospitalisation est apparu environ 4 fois plus élevé chez les femmes enceintes que dans la population générale. La marge d'incertitude autour de ces taux est grande, car cette analyse a porté sur seulement 6 décès chez des femmes enceintes, dont 2 avec d'autres facteurs de risque. Cependant, bien que plus élevé que dans la population générale, le risque de décès est malgré tout faible en valeur absolue chez les femmes enceintes.

Plus de 65 ans : moins de grippes, plus d'hospitalisations. En comparaison aux personnes plus jeunes, peu de cas de grippe H1N1v ont été recensés chez les personnes âgées de plus de 65 ans.
Cependant, en cas de grippe symptomatique, les hospitalisations ont été fréquentes chez les personnes âgées de plus de 65 ans, comme lors des grippes saisonnières.
D'une manière générale, l'âge au moment du décès semble en moyenne moins avancé que lors des épidémies saisonnières. Ce phénomène est habituel dans les pandémies grippales. En 2009, il semble surtout résulter du faible nombre de grippe H1N1v chez les personnes de plus de 65 ans.

Nourrissons : grippes et hospitalisations fréquentes. Comme pour la grippe saisonnière, en cas de grippe symptomatique H1N1v, les hospitalisations ont été fréquentes chez les nourrissons, en comparaison à la population générale.

Adultes jeunes en bonne santé : des décès exceptionnels. De par le monde, quelques décès liés au H1N1v ont été signalés chez des adultes sans facteur de complications : environ 20 % des décès aux États-Unis d'Amérique. Autrement dit, même chez les personnes bien portantes un risque de décès existe, mais il apparaît extrêmement faible.

Gare à la démesure des actions préventives. Quatre mois après le début de l'épidémie devenue pandémique, les données sont convergentes pour estimer que la grippe A/H1N1 de 2009 (H1N1v) est de gravité clinique voisine de celle de certaines épidémies intenses de grippe saisonnière.
Divers objectifs peuvent être attribués aux mesures préventives, notamment la protection individuelle des personnes les plus à risque de complications et un étalement de l'arrivée des malades vers les hôpitaux. D'autres justifications sont personnelles ou économiques.
Cependant, la gravité clinique modérée de la grippe H1N1v est un élément fondamental pour déterminer la balance bénéfices-risques des actions de prévention. Gare aux actions préventives aux conséquences démesurées : par exemple une trop large utilisation des antiviraux, une utilisation indiscriminée de vaccins trop peu évalués, des mesures coercitives injustifiées.

À suivre.

©Prescrire 1er octobre 2009
Rev Prescrire 2009 ; 29 (312) : 770-771.
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Notes
a- En France, la surveillance de la mortalité par grippe saisonnière est fondée sur les certificats de décès de 22 départements. Elle vise seulement à détecter une variation anormale de mortalité, et non à quantifier précisément les décès dus à la grippe. La gravité est estimée par le taux d'hospitalisation des personnes ayant consulté aux urgences avec un diagnostic clinique de grippe. Les foyers d'infections respiratoires aiguës en collectivités de personnes âgées sont aussi pris en compte.