Le
mot "switch" (en anglais : commutateur) désigne
communément la transformation par une firme pharmaceutique
d'un médicament de prescription (vendu uniquement sur ordonnance)
en un médicament d'automédication (vendu sans ordonnance
au comptoir de la pharmacie : "over the counter",
alias OTC). On entend aussi dire "switch OTC".
Dès
lors, la firme ne promeut plus son médicament auprès
des médecins, mais auprès des pharmaciens d'officine
et surtout du public, via les médias appropriés.
Souvent
la firme continue de commercialiser le médicament de prescription,
et simultanément, le même médicament pour l'automédication,
sous un nom différent et à un prix élevé
(selon le principe du "prix libre", non remboursable par
l'assurance maladie). On voit ainsi coexister, en France, du lopéramide
sous les noms d'Imodium°, pour la prescription, et d'Imossel°
pour l'automédication, ou bien la même association
d'anti-acides sous les noms de Xolaam° pour la prescription
et de Maalox° pour l'automédication.
Le
"switch" est un moyen courant pour une firme de relancer
un médicament dont les ventes baissent, ou qui va se trouver
concurrencé par des nouveaux médicaments, ou par des
copies à l'échéance d'un brevet.
En
pratique, il n'est pas très compliqué de procéder
à un "switch". Il suffit d'obtenir une exonération
de la réglementation des substances réservées
à la prescription. Cette exonération, accordée
par le ministre de la santé, précise, pour des raisons
de sécurité, les doses maximales par prise et les
quantités maximales par boîte à respecter en
automédication. L'exonération peut être limitée
à certaines voies d'administration (par exemple application
locale et voie orale, mais pas voie injectable).
En
règle générale, l'autorisation de mise sur
le marché du médicament "switché"
est octroyée sur la base d'un dossier bibliographique. Il
n'est pas exigé de nouvelle évaluation clinique, s'agissant
d'une substance bien connue, utilisée depuis longtemps dans
la même indication. Les bénéfices attendus et
le risque d'effets indésirables ont déjà été
évalués initialement, et le recul d'utilisation est
important. Il est exceptionnel qu'une évaluation complémentaire
soit nécessaire et exigée.
Les
firmes prennent parfois l'initiative de faire réaliser un
petit essai clinique avec le médicament à la dose
exonérée. Un tel essai, s'il est conduit par un leader
d'opinion du domaine, permet surtout à la firme d'asseoir
la campagne de lancement du médicament "OTC".
Le
projet de modification de la réglementation européenne,
soutenu par les firmes, consiste à interdire pendant un certain
nombre d'années (jusqu'à 3 ans selon certains projets
d'amendements) la mise sur le marché de copies (génériques)
du médicament "switché". Le prétexte
invoqué est la réalisation d'essais cliniques commandités
par les firmes, lors du "switch" de leurs médicaments,
et la nécessité de protéger les données
issues de ces essais, en empêchant d'autres firmes de s'y
référer dans des demandes d'AMM. Prétexte inacceptable
dans la mesure où ces essais ne sont ni obligatoires, ni
utiles. Une telle protection supplémentaire n'a pas de justification.
Dans
le domaine de l'automédication, où les prix sont libres,
la concurrence est également libre. Elle doit pouvoir s'exercer
au bénéfice du consommateur. La protection des données
va à l'encontre de cette logique.
Sur
la base d'exigences minimales, suffisantes et uniformes pour l'ensemble
des firmes concernées, il revient aux agences du médicament
d'assurer la protection du consommateur.
Il
revient ensuite à chaque firme d'assurer ses investissements
et leur rentabilité dans le cadre d'une concurrence réelle.
©Le Collectif Europe et Médicament
1er octobre 2003
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