Selon le communiqué de la Commission européenne présentant
la proposition de règlement, l'objectif officiel est "
d'améliorer la santé des enfants d'Europe (
)
". Si cet objectif est respecté, il ne s'agit donc pas
de favoriser l'accroissement du nombre de médicaments pédiatriques
dans les domaines déjà pourvus de moyens préventifs
ou curatifs, pas plus que de favoriser la création par les
firmes pharmaceutiques de faux besoins comme elles le font pour
les adultes, mais de favoriser le développement de moyens
thérapeutiques, préventifs ou curatifs, dans les domaines
circonscrits où enfants et soignants sont à ce jour
démunis.
Des enfants européens souvent en bonne santé, n'ayant
besoin d'aucun nouveau médicament
Dans une large proportion, les 100 millions d'enfants vivant dans
l'Union européenne sont en bonne santé, grâce
notamment à la surveillance pré et post-natale, à
la vaccination, à l'accès à l'eau potable,
etc., et ils n'ont guère besoin de médicaments. La
priorité pour eux est surtout la prévention primaire,
en particulier nutritionnelle, pour leur éviter par exemple
de devenir obèses, voire diabétiques.
Pour beaucoup d'affections qui nécessitent un traitement
médicamenteux, un grand nombre de médicaments adaptés
aux enfants sont déjà disponibles sur le marché
européen. On est loin du "désert thérapeutique"
décrit par divers media lors du lancement de l'initiative
européenne sur les médicaments pédiatriques.
Certains médicaments sont même parfois trop utilisés,
ou mal utilisés, chez les enfants.
Ainsi, pour ne citer que quelques exemples : les antibiotiques administrés
de manière trop systématique dans certains pays font
craindre le développement accéléré des
résistances bactériennes ; les antiasthmatiques prescrits
à des doses de plus en plus élevées, après
un diagnostic approximatif, provoquent des effets indésirables
; les antidépresseurs de plus en plus utilisés font
craindre une augmentation des comportements auto-agressifs et suicidaires
; le méthylphénidate est de plus en plus utilisé
même quand le diagnostic d'hyperactivité est mal établi.
Dans ces domaines, la priorité est plutôt au retour
à un usage raisonnable des médicaments déjà
disponibles.
Ne pas confondre mise en forme pharmaceutique
et évaluation clinique complexe
Pour les enfants de certaines tranches d'âge, on manque encore
parfois de formes pharmaceutiques, de dosages ou de présentations
bien adaptées, pour des substances dont la balance bénéfices-risques
est déjà établie comme favorable chez les enfants.
Dans ce cas, il convient d'encourager la mise au point de médicaments
bien adaptés. Cette mise au point fait appel à des
techniques pharmaceutiques, et souvent à des études
de pharmacocinétique, mais pas à une évaluation
clinique complémentaire. Elle est donc relativement peu coûteuse.
Pour d'autres groupes d'enfants, on se trouve confronté à
l'absence d'évaluation clinique de médicaments utilisés
jusqu'à présent de façon empirique, voire à
un besoin de recherche plus fondamentale, quand les causes mêmes
de la maladie, et les moyens de lutte, sont mal connus. La réalisation
d'essais cliniques chez les enfants concernés, ou l'ouverture
de nouvelles pistes de recherche demandent alors plus de moyens,
humains et financiers. Dans ces cas, des mesures incitatives sont
bienvenues.
Les besoins spécifiques des différents groupes d'enfants
concernés, doivent donc être identifiés avec
soin, de manière à concentrer sur eux les moyens adéquats,
et à trouver des solutions dans les meilleurs délais.
Se donner les moyens d'un inventaire rigoureux
La proposition de règlement de la Commission européenne
ne fait pas de l'identification des besoins un préalable.
Le principe d'un inventaire (et pas vraiment d'une analyse des besoins)
n'apparaît qu'à l'article 41 d'un projet qui compte
56 articles. Cet article 41 stipule que le Comité pédiatrique
sera chargé de cet inventaire, Comité institué
au sein de l'Agence européenne du médicament (financée
majoritairement par les firmes pharmaceutiques), et qui examinera
dans le même temps les demandes d'autorisations de mise sur
le marché (AMM). Ainsi, la même instance fera un inventaire,
en vue de cerner les besoins de santé publique, et de la
prestation de service aux firmes pharmaceutiques (l'AMM étant
devenue aujourd'hui, de fait, une prestation de service aux firmes).
En outre, selon les articles 41 et 42, l'inventaire se fera à
partir des données collectées dans les États
membres sur " les utilisations actuelles de médicaments
sur la population pédiatrique ". Ce constat est certes
indispensable, et il est en cours de réalisation depuis plusieurs
années, mais les habitudes d'utilisation ne sont pas nécessairement
fondées. Il convient de les confronter aux données
internationales les plus fiables et surtout aux données épidémiologiques.
Pour le Collectif Europe et Médicament, le recensement des
besoins doit être réalisé dès à
présent (sans attendre les trois ans prévus à
l'article 41) par une instance scientifique indépendante,
financée par des fonds publics, et comportant, outre des
pédiatres, des spécialistes de santé publique
et d'épidémiologie, des praticiens de médecine
générale et d'autres disciplines qui prennent en charge
des enfants, des représentants d'associations de parents,
des représentants des organismes de protection sociale, des
spécialistes en pharmacovigilance. Ce recensement, régulièrement
mis en jour en fonction de l'état des connaissances, doit
permettre d'établir une liste de situations prioritaires
vers lesquelles les efforts de recherche doivent être orientés,
à l'aide d'incitations s'adressant aux institutions de recherche
publiques comme aux firmes privées.
Le Collectif propose que l'article 1 du règlement, qui mentionne
les " besoins thérapeutiques spécifiques de la
population pédiatrique ", présente le recensement
des besoins prévu actuellement à l'article 41 comme
le cadre dans lequel les incitations seront attribuées pour
le développement de médicaments pédiatriques.
(Amendement 2 du Collectif)
©Collectif Europe et Médicament 1er janvier
2005
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