Revue Prescrire, article en une, Médicaments en "libre accès" : faire les bons choix et privilégier le conseil , septembre 2008
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Médicaments en "libre accès" :
faire les bons choix et privilégier le conseil
   
En France, depuis juillet 2008, les pharmaciens sont autorisés à mettre à disposition du public, dans leur officine, certains médicaments en "libre accès". Ils n’y sont pas obligés. À eux, le cas échéant, de faire les bons choix, notamment : proposer des médicaments utiles, ayant un conditionnement adapté, et saisir chaque occasion pour renforcer le conseil.
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Médicaments en libre accès : faire les bons choix et privilégier le conseil

Rev Prescrire 2008 ; 28 (299) : 653-654.
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En France, la mise à disposition en "libre accès", alias "accès direct" (alias "devant le comptoir, "over the counter" (OTC) en anglais) de certains médicaments dans les officines était annoncée depuis plusieurs mois (1,2). En juillet 2008, un décret autorisant ce "libre accès" a été publié au Journal Officiel (3). On y retrouve les dispositions annoncées dans le n° 295 de Prescrire (1).

"Libre accès" : pas obligatoire
Le décret stipule clairement que la mise à disposition en "libre accès" est une possibilité proposée aux pharmaciens : « le pharmacien (…) peut rendre directement accessibles au public les médicaments de médication officinale » dont la liste est fixée par le directeur de l’Agence française des produits de santé (Afssaps) (lire plus loin) (3).
À chaque pharmacien de décider ou non de mettre à disposition des patients certains médicaments en "libre accès" en fonction de ses objectifs de soignant.
Pour les médicaments ne figurant pas sur cette liste, rien de changé : « le pharmacien veille à ce que le public ne puisse pas [y] accéder directement » (art. R. 4235-55 du Code de la Santé publique (CSP)) (3).

Espace spécifique dans l’officine
Selon le décret, les médicaments en "libre accès" « doivent être présentés dans un espace dédié, clairement identifié et situé à proximité immédiate des postes de dispensation des médicaments (…), de façon à permettre un contrôle effectif du pharmacien » (3). Mi-2008, le lieu de vente de ces médicaments reste réservé à l’officine.
Ces médicaments, qualifiés par les pouvoirs publics de "médicaments de médication officinale", ne doivent pas être rangés avec d’autres produits de santé également vendus en "libre accès" mais n’ayant pas le statut de médicaments, comme les produits cosmétiques, les compléments alimentaires, etc. La délimitation d’un espace réservé aux médicaments en "libre accès" est d’autant plus nécessaire qu’il est parfois difficile de différencier un médicament d’un non-médicament : noms commerciaux proches, composition similaire, etc. (a)(4).

Fiches d’information pour les patients
Selon le décret, le pharmacien « met à la disposition du public les informations émanant des autorités de santé relatives au bon usage des médicaments de médication officinale » (3). Il s’agit de diverses fiches provenant de l’Afssaps, rédigées en collaboration avec l’Ordre des pharmaciens, des associations de patients, des syndicats de pharmaciens et de firmes pharmaceutiques notamment (5). Certaines concernent des substances (paracétamol, ibuprofène et aspirine), d’autres des troubles courants (rhume, rhinite allergique, etc.) (5).
Ces fiches sont mises en ligne sur le site de l'Afssaps (www.afssaps.sante.fr). Au 1er août 2008, toutes les situations et les substances de la liste ne sont pas abordées dans ces fiches.

Liste officielle
La liste des médicaments autorisés pour le "libre accès" est fixée par le directeur de l’Afssaps et est publiée au Journal Officiel (3,6). Les critères d’éligibilité pour figurer sur cette liste sont détaillés dans le décret : le médicament ne doit pas être soumis à prescription médicale (liste I et liste II des substances vénéneuses, liste des stupéfiants) ; « les indications thérapeutiques, la durée de traitement et les informations figurant dans la notice permettent leur utilisation (…) sans qu’une prescription médicale n’ait été établie » ; « le contenu du conditionnement (…) est adapté à la posologie et à la durée de traitement recommandés dans la notice » ; « l’autorisation de mise sur le marché ou la décision d’enregistrement ne comporte pas d’interdiction ou de restriction en matière de publicité auprès du public » (3). Si une de ces conditions n’est plus respectée, ou lorsque la balance bénéfices-risques d’un médicament « est en cours de réévaluation », le directeur de l’Afssaps peut suspendre ou supprimer l’inscription sur la liste de "libre accès" (3).

Médicaments d’intérêts très divers
La première liste publiée autorise la mise à disposition en "libre accès" de « 217 spécialités pharmaceutiques couvrant 71 domaines thérapeutiques, 12 médicaments à base de plantes et 19 médicaments homéopathiques » (5).
Dans cette liste, le meilleur côtoie le pire : des médicaments utiles, avec une balance bénéfices-risques nettement favorable dans diverses indications, tels le paracétamol et l’ibuprofène dans les douleurs ; des médicaments déremboursés en raison d’un service médical rendu jugé "insuffisant" par la Commission de la transparence, tels les fluidifiants bronchiques (acétylcystéine, carbocistéine) ; des médicaments à balance bénéfices-risques défavorable, telle l'association à doses fixes aspirine + caféine (Asproaccel°) dans les douleurs dentaires (6,7). Lire aussi dans ce numéro pages 672-688.

Conditionnements : pas d’obligation d’un dispositif d’"inviolabilité"
Selon le décret, le conditionnement des médicaments en "libre accès" doit être adapté à une utilisation en automédication (3).
Mais au 1er août 2008, aucune disposition concernant l’obligation de sceller les boîtes avec un dispositif d’"inviolabilité" n’a été adoptée (1). Un tel dispositif serait pourtant utile pour prévenir les risques de manipulation inopinée de ces médicaments accessibles à toute personne entrant dans l’officine (permutation du contenu des boîtes par un enfant, acte de malveillance, etc.).

Prix libres
En France, la mise en œuvre du "libre accès" est en droite ligne de la "marchandisation" du médicament. Un des objectifs des pouvoirs publics est d’ailleurs clairement commercial : « offrir des prix publics concurrentiels et améliorer le pouvoir d’achat des citoyens » (8). Selon la ministre de la Santé, « un observatoire des prix sera lancé très prochainement » (8). Il sera aussi intéressant d'observer l'escalade publicitaire que cela va provoquer.
Aucun des médicaments en "libre accès" n'est remboursable par l'Assurance-maladie. Même à des prix annoncés moindres, les patients n’ont pas besoin de médicaments à balance bénéfices-risques défavorable, ni de médicaments sans efficacité démontrée et recyclés pour l’automédication (9).

Et le conseil du pharmacien ?
Il n'est prévu aucune rémunération spécifique du professionnel de santé qu'est le pharmacien. Pour améliorer la qualité des soins, c'est un conseil pharmaceutique de qualité qui mériterait aussi d’être rémunéré, conseil intégrant l’écoute du patient, et un choix éclairé de proposer ou non un traitement, non systématiquement médicamenteux.

En pratique
Pour l'exercice pharmaceutique, peu de choses ont changé.
La décision de mettre ou non certains médicaments en "libre accès" revient au pharmacien. À lui, le cas échéant, de sélectionner des médicaments utiles pour les patients, avec une balance bénéfices-risques favorable et un conditionnement adapté (notamment conditionnement unitaire, dénomination commune internationale (DCI) bien repérable). À lui d'informer correctement les patients concernant les autres solutions intéressantes, y compris non médicamenteuses.
Avec les médicaments en "libre accès" aussi, le pharmacien a toujours l'obligation de refuser la dispensation « lorsque l'intérêt de la santé du patient lui paraît l'exiger » (art. R. 4235-61 du CSP).

©Prescrire 1er septembre 2008
Rev Prescrire 2008 ; 28 (299) : 653-654.

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Notes
a- Prescrire présente régulièrement dans la sous-rubrique "Médicament or not médicament" certains produits vendus en officine, qui ont tout l'air de médicaments, mais qui n'en sont pas, ou à l'inverse certains médicaments qui n'ont pas l'air d'en être. Lire notamment la réf. 4.
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Références
1- Prescrire Rédaction "Médicaments en "libre accès"" Rev Prescrire 2008 ; 28 (295) : 337.
2- Prescrire Rédaction "Automédication" Rev Prescrire 2007 ; 27 (283) : 340-341.
3- "Décret n° 2008-641 du 30 juin 2008 relatif aux médicaments en accès direct dans les officines" Journal Officiel du 1er juillet 2008 : 10577-10578.
4- Prescrire Rédaction "Médicament or not médicament" Rev Prescrire 2008 ; 28 (296) : 425-426.
5- Afssaps "Médicaments en accès direct" + "Communiqué de presse. L’Afssaps accompagne la mise à disposition de médicaments devant le comptoir" 1er juillet 2008 : 4 pages au total.
6- "Décision du 1er juillet 2008 portant inscription sur la liste des médicaments de médication officinale" Journal Officiel du 6 juillet 2008 : 10886-10897.
7- Prescrire Rédaction "Déremboursements post-réévaluation" Rev Prescrire 2006 ; 26 (271) : 258-259.
8- Ministère de la Santé "Communiqué de presse. Mieux accompagner et sécuriser l’automédication" + "Discours. Libre accès de certains médicaments devant le comptoir" 1er juillet 2008 : 4 pages au total.
9- Prescrire Rédaction "Automédication : dire la vérité" Rev Prescrire 2008 ; 28 (293) : 217.