Revue Prescrire, article en une, Antidépresseurs et "dépression" chez les enfants et les adolescents : des résultats décevants , juin 2008
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Antidépresseurs et "dépression" chez les enfants
et les adolescents : des résultats décevants
   
Pour l'ensemble des antidépresseurs évalués dans ce domaine, la balance bénéfices-risques paraît défavorable pour le traitement de la dépression chez les enfants et les adolescents.
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Antidépresseurs et "dépression" chez les enfants et les adolescents : des résultats décevants
Rev Prescrire 2008 ; 28 (296) : 411.
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fluoxétine (Proza
ou autre). Dépression
et enfants : que d'incertitudes

Rev Prescrire 2008 ; 28 (296) : 410-1 à
410-4.
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Antidépresseurs IRS
et violence

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Divers antidépresseurs dont l'efficacité est établie chez les adultes (bien que modeste) ont fait l'objet d'une évaluation clinique pour le traitement d'enfants et d'adolescents considérés comme souffrant de "dépression". Ce "diagnostic" a été retenu selon des critères discutables, mais les résultats sont néanmoins intéressants à examiner.

Imipraminiques : balance bénéfices-risques défavorable

Une synthèse méthodique avec méta-analyse a inclus 5 essais chez des enfants et 8 essais chez des adolescents ayant évalué un antidépresseur imipraminique versus placebo et publiée avant novembre 2004 (1). Ces essais sont tous de petite taille, aucun ne dépassant 60 patients.

La méta-analyse n'a pas montré d'efficacité des imipraminiques.

Des cas de décès ont été rapportés sous imipraminiques, chez des enfants, à la fois lors d'intoxication et lors d'une utilisation à dose thérapeutique. Le risque de décès a été estimé à environ 0,4 pour 100 000 prescriptions (2,3).

Inhibiteurs dits sélectifs de la recapture de la sérotonine (IRS) : augmentation de l'agressivité

Quatre essais à court terme fluoxétine versus placebo sont disponibles. Ils montrent une efficacité incertaine, et au mieux modeste, qui ne justifie pas de courir le risque de ses effets indésirables.

Trois essais en double aveugle paroxétine versus placebo ont inclus 767 enfants et adolescents âgés de 7 ans à 18 ans traités durant 8 semaines à 12 semaines à des doses comprises entre 10 mg et 50 mg par jour. L'efficacité de la paroxétine n'a pas été démontrée (4). L'incidence d'événements possiblement liés au suicide et à l'autoagression a été 2 à 3 fois plus importante sous paroxétine que dans le groupe placebo, tandis que les événements à type d'agressions d'autrui ont été 6 fois plus fréquents (5).

Deux essais citalopram versus placebo ont eu des résultats discordants. Un essai chez 174 enfants et adolescents âgés de 7 ans à 17 ans a été en faveur d'une certaine efficacité, alors qu'aucune preuve d'efficacité n'a été apportée par un essai chez 244 adolescents de 13 ans à 18 ans (4).

Deux essais en double aveugle, de protocole identique, sertraline versus placebo, ont inclus au total 373 enfants âgés de 6 ans à 17 ans traités durant 10 semaines. Ces essais n'ont pas montré d'efficacité de la sertraline (4).

Les essais concernant le citalopram et la sertraline ont montré une augmentation de l'autoagressivité (6). La Commission d'autorisation de mise sur le marché européenne a inclus une mise en garde sur les comportements suicidaires et agressifs chez les enfants et adolescents dans les résumés des caractéristiques (RCP) des inhibiteurs dits sélectifs de la recapture de la sérotonine (6).

Autres antidépresseurs : pas d'efficacité prouvée

Deux essais en double aveugle versus placebo chez un total de 182 enfants de 6 ans à 17 ans traités durant 8 semaines par venlafaxine n'ont pas démontré d'efficacité de la venlafaxine (qui exerce aussi un effet noradrénergique) (4).

Comme pour les inhibiteurs dits sélectifs de la recapture de la sérotonine, le RCP des spécialités à base de venlafaxine met en garde quant au risque de comportements suicidaires et agressifs.

Un essai moclobémide (un inhibiteur de la monoamine oxydase A) versus placebo a inclus 20 enfants âgés de 9 ans à 15 ans traités durant 5 semaines.

Cet essai n'a pas montré d'efficacité du moclobémide (7).

En somme : une balance bénéfices-risques défavorable

Pour l'ensemble des antidépresseurs évalués dans ce domaine, la balance bénéfices-risques paraît défavorable pour le traitement de la dépression chez les enfants et les adolescents. Mieux vaut s'en passer. Le diagnostic et le traitement de la dépression chez les enfants et les adolescents sont difficiles. Cela justifie une prise en charge pluridisciplinaire privilégiant les techniques de psychothérapie.

©Prescrire 15 juin 2008
Rev Prescrire 2008 ; 28 (296) : 411

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Références
1- Papanikolaou K et coll. "Efficacy of antidepressants in child and adolescent depression : a meta-analytic study" J Neurol Transm 2006 ; 113 (3) : 399-415.
2- "Sudden death in children treated with a tricyclic antidepressant" Med Lett Drugs Ther 1990 ; 32 : 53.
3- Werry JS et coll. "Resolved : cardiac arrhythmias make desipramine an unacceptable choice in children" J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 1995 ; 34 : 1239-1245.
4- "Report of the CSM expert working group on the safety of selective serotonin reuptake inhibitor antidepressants" December 2004 : 185 pages.
5- European Medicines Agency - Comité des médicaments à usage humain "Avis suite à saisie formée sur le fondement de l'article 31 : paroxétine" 29 mars 2005 : 75 pages.
6- European Medicines Agency - Comité des médicaments à usage humain "Avis suite à une recommandation de l'article 31. Atomoxétine, citalopram, escitalopram, fluoxétine, fluvoxamine, miansérine, milnacipran, mirtazapine, paroxétine, reboxétine, sertraline et venlafaxine" 19 août 2005 : 570 pages.
7- Avei A et coll. "Comparison of moclobemide and placebo in young adolescents with major depressive disorder" Ann Med Sci 1999 ; 8 : 31-40.