Le principe de précaution s'applique aux cas d'incertitudes sur des risques graves et irréversibles.

De nombreux effets indésirables connus des médicaments ne sont pas incertains, mais avérés. Certains de ces effets indésirables sont rares. Il existe une incertitude sur leur fréquence, mais la sous-estimation des effets indésirables est générale, par défaut de notification des soignants, par manque d'études appropriées, par dissimulation de données, etc.

L'évitement des effets indésirables des médicaments ne relève donc pas du principe de précaution, mais de la prévention.

Quand ces effets indésirables graves, même rares, n'apparaissent pas acceptables au vu des bénéfices limités ou de l'existence d'une alternative thérapeutique à meilleure balance bénéfices-risques, le refus ou le retrait de l'AMM relève non d'une précaution, mais d'une prévention vis-à-vis d'une utilisation de médicaments inutilement dangereux dans ces situations.

Par exemple, lorsque le benfluorex (ex-Mediator° ou autre) a été retiré du marché en France en 2009, il s'agissait d'une mesure tardive de prévention d'effets indésirables graves d'un médicament au bénéfice thérapeutique non démontré sur des critères cliniques tangibles. Cette décision de prévention aurait pu être prise dès 2003, au moment de la première publication concernant une altération des valves cardiaques. Par contre, en raison des dommages avérés connus avec d'autres substances de la même famille, l'application du principe de précaution aurait dû conduire à retirer du marché le benfluorex en 1999, en même temps que d'autres anorexigènes.

Dans le domaine du médicament, loin d'être trop utilisé, le principe de précaution ne l'est pas assez.

©Prescrire 1er avril 2014

"Médicaments : pas assez de précaution" Rev Prescrire 2014 ; 34 (366) : 301. (pdf, réservé aux abonnés)