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Prix Prescrire 2018

Prix Prescrire 2018 : 4 ouvrages analysés dans la rubrique "Lu pour vous" ont été primés par la Rédaction

PrixPrescrire  Ouvrages présentant un intérêt pour le public
  et/ou les professionnels de santé
 

Le secret médical. Vie et mort


Le secret médical - vie et mort Anne Lécu, une religieuse, est médecin en milieu carcéral depuis plus de 20 ans et docteure en philosophie. La préservation du secret médical est une difficulté majeure qu'elle a rencontrée en soignant des détenus (a). Elle explore dans ce nouvel ouvrage l'histoire et la construction sociale du secret médical, élément central de la relation médecin-malade, et l'impact des évolutions législatives survenues jusqu'en 2016 en France (1).

Le secret médical des origines à nos jours
Les premiers chapitres sont consacrés à une étude historique approfondie de la notion de secret médical selon les traditions hippocratique, hébraïque et chrétienne, et aux relations entre secret médical, secret des avocats et secret de la confession.

S'ensuit une réflexion sur le caractère "sacré" du secret médical, son rôle fondamental dans la relation médecin-malade, et sa formalisation légale dans le contrat social moderne. En 1810, la France est le premier pays à introduire la protection du secret médical dans la loi. Depuis, des tensions subsistent entre l'obligation du secret et les diverses dérogations, voire obligations de dénonciations, visant notamment à protéger des populations vulnérables et à administrer la santé (1,2).

Trois évolutions majeures récentes sont analysées : la redéfinition des droits des malades, l'évolution sociétale vers le secret partagé, et la mise à disposition des données publiques à tous les citoyens.

Le patient au centre du secret
La loi du 4 mars 2002 "relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé" a fait évoluer la conception paternaliste de la relation médecin-malade, en supprimant l'opposabilité du secret médical au patient lui-même, c'est-à-dire la possibilité qui existait jusque-là, pour un médecin, de cacher la vérité à un patient qui souhaitait la connaître. Le patient est clairement désigné dans cette loi comme le principal destinataire des informations médicales qui le concernent.

Secret partagé au sein "d'équipes de soins" : pourquoi et comment faire ?
La loi du 26 janvier 2016 dite de modernisation de notre système de santé a institué le "secret partagé" au sein "d'équipes de soins" pouvant intégrer du personnel médicosocial et social. Cette extension prend en compte le travail en réseau pluriprofessionnel qui complète fréquemment la relation singulière entre un médecin et un patient. Mais cette extension du périmètre du secret soulève plusieurs craintes. Comment informer le patient et lui permettre de manifester son droit d'opposition ? Voire, dans certaines situations, comment recueillir l'expression de son consentement ? En effet, quand l'information circule entre des professionnels ne faisant pas partie de la même "équipe de soins", le consentement préalable du patient est requis, « y compris sous une forme dématérialisée », souligne l'auteure : en d'autres termes sous une forme banalisée.

L'extension de la possibilité et de la facilité de partage d'informations à un plus grand nombre de professionnels risque d'entraîner une dissolution du secret, doublée d'une perte de vigilance par rapport à l'interrogation centrale : quelles informations est-il nécessaire de partager, et avec qui, pour assurer la qualité et la continuité des soins ?

Open data et secret médical
L'accès public à certaines données de santé ("open data") a été entériné à travers plusieurs lois, depuis la première loi "informatique et libertés" de 1978, jusqu'à la loi de 2016 de "modernisation de notre système de santé".

Si l'accès aux données de santé peut avoir un intérêt dans le cadre de recherches, le principe présent dans la loi d'une ouverture des données de santé au public semble porteur de nombreux dangers : risque de réidentification des individus malgré l'anonymisation, risque d'usage à des fins de contrôle des comportements, risque de dérives mercantiles. Les données connectées que certains assureurs privés recueillent d'ores et déjà auprès de leurs assurés sont un exemple du risque d'assujettissement des individus.

L'auteure se demande si les médecins sont suffisamment armés pour faire face à ces évolutions sur les plans à la fois technique, juridique et éthique. Elle met en avant la fonction essentielle du secret médical en tant que protection du patient, notamment en milieu carcéral, où il existe de fortes pressions sécuritaires.

Un secret à préserver, pour des soins de qualité
Cet ouvrage très documenté alerte soignants et patients sur l'érosion du secret professionnel face aux exigences contradictoires de notre société. L'auteure appelle les médecins à rester très prudents sur les informations qu'ils communiquent, et milite pour redonner au secret médical l'objectif central qui lui a été attribué depuis des siècles : garantir une relation de confiance entre un patient et son médecin, afin de permettre des soins de qualité.

©Prescrire 4 octobre 2018

"Prix Prescrire 2018" Rev Prescrire 2018 ; 37 (420) : IV de couverture. (pdf, accès libre)

"Lu pour vous. Le secret médical. Vie et mort" Rev Prescrire 2018 ; 38 (414) : 308. (pdf, réservé aux abonnés)

> Télécharger le règlement du Prix Prescrire

Note :
a- Prescrire a signalé en 2013 un précédent ouvrage de cette auteure : "La prison, un lieu de soin ?" (réf. 3).

Extraits de la veille documentaire Prescrire.
1-  Lécu A "Le secret médical. Vie et mort" Les éditions du Cerf, Paris 2016 : 318 pages, 24 euros. Disponible par correspondance auprès de l'Appel du Livre.
2- Prescrire Rédaction "Secret professionnel : savoir le garder, savoir le partager" Rev Prescrire 2011 ; 31 (332) : 461-464.
3- Lécu A "La prison, un lieu de soin ?" Les Belles Lettres, Clamecy 2013 : 309 pages. Présenté dans : Rev Prescrire 2013 ; 33 (362) : 946.

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